embargo russe

Export européen vers la Russie, le problème est l’embargo, pas la crise économique

Prolongé jusqu’à  la fin de 2017, l’embargo décrété par Vladimir Poutine redessine la géographie des échanges commerciaux de produits agricoles et agroalimentaires. L’Union européenne a perdu le marché russe. Sans l’embargo, la crise russe aurait seulement réduit le volume de ses exportations.

La chute des prix du pétrole et de nombreuses matières premières a plongé la Russie et de nombreux pays émergents en récession. Et selon certains experts, la baisse des importations russes de produits agricoles (viandes de porcs, volailles, produits laitiers et fruits et légumes en particulier) aurait, par conséquent, été inéluctable. Dit autrement, l’embargo n’aurait fait qu’anticiper un phénomène qui se serait produit dans tous les cas de figure.

En 2014, les prix des matières premières avaient certes commencé à inquiéter les gouvernements des pays émergents. Mais la crise annoncée n’avait aucune raison de se traduire par des mesures d’embargo. Et en plus, elle n’a produit ses effets qu’à partir de 2015.

« En Russie, la diminution des importations aurait frappé l’ensemble de ses partenaires commerciaux. Mais sans l’embargo, l’Union européenne serait alors restée l’un des premiers partenaires commercial de la Fédération de Russie. Les exportations de produits alimentaires européens se seraient poursuivies malgré la dévaluation du rouble et la diminution des revenus des Russes », défend Jean-Paul Simier, économiste et co-auteur au Cyclope.

C’est la situation dans laquelle se trouve justement le Brésil. L’an passé, la récession économique russe ne l’a pas empêché de rester un exportateur majeur alors que ses ventes de viande de bœuf vers la Russie avaient diminué de moitié par rapport à 2014. Portées par un réal dévalué, qui a rendu les produits brésiliens particulièrement attractifs, ces ventes avaient alors battu des records (plus de 300 000 tonnes sur les 930 000 vendues au total) car les exportateurs brésiliens avaient su trouver de nouvelles opportunités sur le marché russe pour écouler leurs produits carnés dès l’instauration de l’embargo russe. Pour rappel, il a été décrété à l’encontre les produits alimentaires européens, américains et océaniens.

L’embargo a modifié la géographie des échanges

En fait, cet embargo a profondément modifié la géographie des échanges commerciaux en laissant sur le banc les pays hostiles à l’annexion de l’Ukraine et de la Crimée par la Russie. Comme le Brésil, de nombreux pays émergents ont saisi l’occasion qui s’offrait pour conquérir un marché réservé à l’Union européenne, avantagée par sa proximité géographique.

Autre effet collatéral de l’embargo, qui ne porte pas sur les équipements en matériels d’élevage : la relance de la production agricole russe et des investissements dans l’élevage, même si elle est moins rapide qu’escomptée. Ce qui, à terme, réduira encore les opportunités de reconquête du marché russe si l’embargo est levé.

L’inflation importante des prix à la consommation permet aux agriculteurs et aux oligarques d’écouler favorablement leurs produits et de doper leur production. Par ailleurs, l’embargo prolongé le 27 mai dernier jusqu’à la fin de l’année 2017 incite les entreprises agricoles à poursuivre leurs politiques d’investissement en s’équipant de matériels importés, pourtant plus onéreux compte tenu de la dévaluation du rouble vis-à-vis de l’euro et du dollar.

De nouvelles porcheries flambant neuves sont construites aussi bien du côté occidental, pour nourrir les consommateurs russes, qu’à proximité de la frontière chinoise pour exporter des porcs de l’autre côté de la muraille.  

Les pays occidentaux ont sous-estimé la capacité de résistance des Russes. Or ces derniers ont connu des périodes bien plus difficiles à vivre dans un passé encore récent.

Bien qu’isolée sur la scène internationale, la Russie reste maitresse de sa souveraineté. Elle a les moyens d’imposer un embargo à la carte, en instaurant des mesures de restriction spécifiques selon les produits et les pays visés. Les temps ont changé. L’arme diplomatique est plus puissante que l’arme alimentaire ! Et lorsque l’embargo russe a été instauré, rien ne présageait une chute durable des prix des matières premières.

Un avant et un après l’embargo 

« Ces éléments conduisent à penser que l’une des clés de résolution de la crise de l’élevage en Europe, mais également des difficultés quotidiennes rencontrées par la population russe pour se procurer des biens alimentaires, réside dans la recherche d’une solution diplomatico-économique entre l’UE et la Russie. Cela limiterait sans doute d’une part les risques de tensions sociales en Russie et, d’autre part la multiplication des cas de détresse chez les éleveurs européens et singulièrement français », défend Thierry Pouch économiste de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture.

Et la Politique agricole commune dans tout cela ? Elle est ce que la Commission européenne et les gouvernements européens successifs en ont fait depuis plus de vingt ans. Les compensations de revenu sous forme d’aides découplées et couplées, et l’absence d’outils de régulation et d’intervention incarnent la Pac actuelle. D’où l’incapacité de l’Union européenne de gérer efficacement des crises de surproduction.

Avant l’embargo, l’Union européenne écoulait plus de 700 000 tonnes de porcs (source Cyclope 2016) et l’équivalent de 1,4 milliards d’euros de lait vers la Russie sous forme de poudre, de beurre et de fromage. En Europe, l’embargo est intervenu alors que la production de lait croissait après 30 années de quotas en 2015.

 

Notre illustration ci-dessous est issue du site Fotolia, lien direct https://fr.fotolia.com/id/110401960.

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