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Expérimentations autour de la technique du Twin Row sur maïs

Importée d’Amérique du Nord, la technique de semis en rang jumelés, ou Twin Row, fait l’objet d’expérimentations de plus en plus poussées en France.

L’écartement standard de 75 ou 80 cm, imposé surtout par les contraintes de mécanisation, est remis en cause en particulier dans des conditions de culture moins favorables. Afin d’alimenter le débat sur la question, Wikiagri est allé à la rencontre de Ludovic Pontico, directeur du GRCETA SFA, et de Yann Flodrops, ingénieur régional Arvalis pour la région Centre.

Créé par les agriculteurs et pour les agriculteurs en 1971, le GRCETA SFA (Groupement de Recherche sur les Cultures et Techniques Agricoles des Sols Forestiers d’Aquitaine) a pour objectif d’optimiser les marges des exploitations en améliorant l’efficience des systèmes de culture. L’expérimentation y a donc une place importante, et en particulier sur le maïs grain, qui représente entre 40 et 50 % de la SAU sur la zone forestière (Haute Lande) et plus de 70 % de la SAU du département des Landes.

Le groupement a mené, sur la campagne 2012, une étude visant à étudier la faisabilité du semis en Twin Row dans le contexte particulier des sols forestiers d’Aquitaine (sols sableux). Ludovic Pontico, directeur, explique comment est née cette idée. « Le GRCETA a des partenariats très forts avec les agriculteurs, mais aussi diverses entreprises du secteur agricole dont certaines sont des constructeurs de matériel agricole. L’étude bibliographique de cette technique a montré que l’on pouvait obtenir un gain de rendement allant jusqu’à 20 % par rapport au semi conventionnel.« 

Optimiser l’espace

Avant de poursuivre, quelques précisions d’ordre agronomique doivent être données.  Si l’écartement des rangs est sujet à débat aujourd’hui, c’est parce que l’on cherche de plus en plus à mieux valoriser l’espace sur la parcelle. Avec un écartement standard (75 à 80 cm entre rangs, 15-20 cm sur le rang), l’espace entre rangs est important (offrant une opportunité aux adventices pour se développer) tandis que l’espace entre plants sur le rang peut freiner le développement de la plante. Une meilleure répartition fournit à chaque plante un espace aérien et souterrain plus favorable. Plus la distance entre plants est optimisée, plus on minimise la compétition des plantes pour l’eau, les nutriments et la lumière. « Dans cette optique, il peut être intéressant de tester l’écartement de 50 ou 60 cm, ce qui permettrait de faire converger les semoirs, explique Yann Flodrops, ingénieur régional Arvalis. On utilise un même semoir pour plusieurs cultures, ce qui peut entrer dans une stratégie de renouvellement du matériel sur l’exploitation.« 

Cette orientation passe bien souvent par une modification du matériel de récolte. Et c’est là que s’explique le choix du GRCETA. « Il peut être difficile de trouver un entrepreneur qui puisse récolter avec un matériel adapté à l’écartement de 60 cm, précise Ludovic Pontico. Avec le semis en rangs jumelés, les graines sont semées en quinconce, on aboutit donc à un inter-rang de 55 cm et les plants sont plus espacés. On peut donc densifier tout en optimisant l’espace. En plus, on conserve le même matériel de récolte, le double rang étant centré sur 80 cm.« 

L’expérimentation a donc porté sur la comparaison du semis en Twin Row par rapport au semis conventionnel. La mise en place de l’expérimentation a été facilitée par le prêt d’un semoir Twin Row équipé de 16 éléments semeurs (6,40 m) par l’entreprise Monosem.

3 variétés, 3 densités, 2 types de semis

Ce sont au total 80 hectares qui ont été mobilisés pour les essais mis en place. Trois types de ports ont été testés (dressé, semi-tombant et tombant) pour trois densités. « Les densités optimales étant connues pour les différents ports à 80 cm d’écartement, nous avons surdensifié, espérant obtenir de meilleurs résultats pour le Twin Row« , ajoute le directeur du GRCETA. Avec deux types de semis testés (conventionnel et rangs jumelés) et trois répétitions afin de gommer les aléas de l’expérimentation, le calcul est vite fait : 3 x 3 x 2 x 3 = 54 parcelles à analyser. Des bandes sans répétition de 16 rangs sur une longueur de 500 m à 1 km ont également été semées, à diverses densités.

La surface foliaire, l’insertion des épis, le poids racinaire et le taux d’humidité ont été mesurés pour chaque parcelle.

« On a soulevé quelques lièvres ! »

Loin des 20 % de gain de rendement espérés, le Twin Row a abouti à une hausse de rendement de 2 % sur les essais à répétitions, et jusqu’à 15 % sur les essais en bandes (moins précis que les essais en macro-parcelles). Mais les nombreux paramètres mesurés ont permis de démarquer le Twin Row sur certains points. « Nous avons remarqué que la dessiccation du grain était meilleure en Twin Row. Le chevelu racinaire est plus développé, et le système racinaire plus lourd dans son ensemble. Enfin, la fermeture du rang est plus rapide, en moyenne 3 semaines plus tôt qu’en écartement traditionnel. Mis à part des coûts de séchage qui pourraient être diminués, la technique du Twin Row permettrait éventuellement d’avoir une meilleure efficience au niveau irrigation, fertilisation et protection de la plante« , avance le directeur du GRCETA. Autant de pistes à creuser dans le cadre de nouvelles expérimentations.

Un nouvel essai, portant sur la fertilisation, a montré que pour une diminution de dose d’azote à l’hectare par rapport à la dose conseillée, le Twin Row présentait une meilleure efficience de l’azote par rapport à un semis conventionnel. Ce résultat est à méditer, dans un contexte où la réglementation et le prix des intrants demandent à l’exploitant une réflexion sur sa stratégie de fertilisation. « Nos recherches ont également pour objectif d’anticiper la législation, aussi bien sur les questions de fertilisation que sur la disparition programmée de certains herbicides« , conclut Ludovic Pontico.

Des variations régionales à appréhender

Cette expérimentation a permis de produire des résultats dans le contexte pédoclimatique d’Aquitaine : climat doux, sols sableux. Quid des autres régions ?

Pour Yann Flodrops, les écartements réduits ou le Twin Row auraient probablement plus d’intérêt dans la moitié Nord de la France. « Les exploitations du Nord de la France utilisent des variétés de maïs de type corné, précoces, à indice foliaire faible. Ces variétés, avec un nombre de feuilles plus réduit, doivent être semées en densité plus élevée pour optimiser au mieux la surface de feuilles et donc la photosynthèse. C’est pour cette raison que ces techniques  méritent d’être approfondies car théoriquement elles devraient permettre de densifier.« 

Attention toutefois : le rendement ne doit pas être le seul indicateur observé, car le Twin Row ne permet pas forcément de l’augmenter. D’autres éléments doivent être intégrés. « A l’échelle de la gestion du parc matériel, et même du système de fonctionnement de l’exploitation, des réflexions doivent être menées pour compenser le coût important du semoir« , précise l’ingénieur régional. Des expérimentations seront mises en place dans la moitié nord de la France.

Ces résultats montrent une fois de plus qu’une technique n’est ni bonne ni mauvaise en soi, mais qu’elle le sera plus ou moins selon l’environnement dans lequel on la pratique. Agri-décideurs, que pensez-vous d’une éventualité de modifier l’écartement des rangs sur votre exploitation ? Vos commentaires nous donnerons du grain à moudre…

1 Commentaire(s)

  1. Il serait intéressant de savoir de quelle (s) manière (s) l’azote a été apporté dans ces expérimentations.

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