eta 15 semaine 50 couverture

ETA JF Crouzard La troisième dimension

Par son implantation dans le Provinois et son goût de la mécanique, Jean-Fran- çois Crouzard pérennise les activités de son grand père, Raymond, l’un des pre- miers entrepreneurs de Seine et Marne.

C’est en 1943 que ce dernier, alors employé de l’entreprise Martin à Villegruis, en Seine et Marne se voit proposer de reprendre les activités de son patron, suite à son décès brutal. Il se spécialise alors dans la récolte des céréales et investit dans deux batteuses fixes. « Progressivement, l ’activité a pris son essor et s’est modernisée, notamment avec l ’acquisition dans les années 50 de l’une des premières moissonneuses-batteuses automotrices de la région. Il s’agissait d’une Claas. » commente son petit-fils de 34 ans. S’en suit la création de l’activité fourrage, avec l’achat d’une presse en 1960, puis l’entreprise Crouzard s’attaque à l’ensilage en 1962 et enfin à la culture des betteraves avec la réalisation des semis en prestation.

Place à la deuxième génération en 1974 avec Alain. « Mon père a décidé de se recentrer sur la récolte des céréales et des betteraves. C’est encore à ce jour nos activités phares. » Alain cesse l’activité ensilage et comprend rapidement quels sont les enjeux en matière de récolte betteravière. Il propose à ses clients l’arrachage des betteraves avec des chantiers décomposés qui le mèneront rapidement vers l’automotrice puis l’intégrale.

Se différencier par la diversité des pratiques devient un véritable leitmotiv pour les Crouzard, qui emploient jusqu’à 23 salariés. « L’entreprise sillonnait six dépar- tements avec 12 moissonneuses batteuses. Elle s’est équipée également de pick-up Bouchard pour la récolte des pois et proposait l’andainage du colza. » Mais une nouvelle activité très intéressante de prime abord lui est proposée. En effet, l’usine de déshydratation de Saint Genest, située à quelques kilomètres de Louan-Ville- gruis Fontaine, où siège toujours la société recherche en 1988 un entrepreneur capable d’assurer la récolte de la luzerne en pré-fanage. « C’était une aubaine pour mon père, mais il a fallu s’équiper lourdement. » Le matériel adapté à cette activité industrielle lui est dédié car il doit fonctionner six mois sur douze. « Les trois faucheuses automotrices New Holland de type américaine se sont imposées car très maniables. Nous avons également dû acquérir une ensileuse et des débardeuses Franquet, cou- ramment utilisées pour les betteraves mais ici adaptées avec un pick-up. Hors période d ’ensilage, elles servaient pour l ’épandage d’amendement ». L’année suivante, une autre usine de déshydration, celle de Soignolles-en-Brie est séduite et fait à son tour appel aux services de l’ETA. Tout semblait alors sourire aux entrepreneurs seine-et- marnais. « On s’est fait connaître grâce à la luzerne, car on allait dans toutes les fermes. » Mais l’annonce de l’arrêt de ces usines et donc la rupture du contrat qui les liait raisonne au tournant des années 2000 comme un coup de tonnerre pour ces entrepreneurs. « Nous avions un matériel onéreux et récent à payer. Ça a été très dur à digérer et il a fallu revendre ce qui pouvait l ’être. Nous sommes allés par conséquent travailler en prestation pour l’usine de déshydratation de Bazancourt, dans le nord de la Marne pendant deux campagnes. »

Jean François Crouzard dispose de trois New Holland CR à rotor et d’une CX à secoueurs. Cette année, il sera accompagné de Nicolas, Raphaël et Luis pour les moissons.
 

De père en fils

Malgré cette période difficile, la troisième génération est déterminée à donner une suite à l’activité familiale. C’est naturellement vers une formation agricole que Jean-Fran- çois se tourne. D’un BEP production végétale au Bac Pro agroéquipements, il complète sa formation par un CAP mécanique et un BEP agent de maintenance avant de réaliser un BTS Génie des Equipements Agricoles qui lui donnera le goût de la construction, notamment assistée par ordinateur. Mais son goût de la mécanique, il le tient de son père et son grand-père, avec qui il a appris les bases. Il reprend une partie de l’entreprise de son père et s’installe sous le nom de EURL JF Crouzard en 2008, avec comme activités la prestation intégrale en moisson et betteraves. « Aujourd’hui, l ’entreprise moissonne 1.200 hectares l ’été avec quatre machines sur les départements de la Seine et Marne, l’Aube et la Marne. » explique le jeune entrepreneur. « Je travaille en confiance avec mon conces- sionnaire local, qui me fournit des machines d ’occasion dans une limite de budget définie. Systématiquement, elles passent par nos ateliers pour une vérif ication totale. On sait tout faire sur ces machines. »

Même constat concernant les deux intégrales Vervaet 617, des machines 6 rangs de 17 tonnes de capacité. « On maitrise leur mécanique. Ce sont des machines simples et accessibles que nous vérifions avant chaque campagne et savons les faire évoluer. L’année dernière on a développé un support porte-dents pour ameublir le sol et faciliter l ’arrachage. J’ai même transmis mes plans à Vervaet.» L’ETA arrachage 800 hectares de betteraves, dont 600 sont débardés avec ses deux Franquet Moby 4 et 6 roues, toujours fidèles au poste et que Jean François a modifiées. « Avec des pneumatiques basse pression, une caisse trans- formée pour accompagner nos Vervaet, ces débardeuses chaussées de larges pneumatiques sont idéales pour intervenir lorsque le terrain est humide. »

Entre deux, l’ETA a développé une activité d’épandage de fumier et de compost. « Cette année, 7.000 tonnes seront épandues grâce à notre seul épandeur, un Dangre- ville modifié selon nos besoins en 2001. » commente Jean François. « Nous voulions un entraînement des plateaux 100% hydraulique, pour pouvoir tout épandre précisé- ment sur une largeur de 12 à 24 mètres. On peut tout faire, même des produits f ins dès 500 kg par hectare. » Reste l’activité semis que l’entreprise réalise avec un New Holland T7060 équipé d’un GPS Trimble et de semoirs Monosem 12 rangs (betteraves) et Nodet (maïs et tournesol). « Notre pique d’activité s’étend des semis aux printemps jusqu’à l ’arrachage des betteraves à l ’automne » indique-t’il. « Nous sommes 6 lors des moissons et jusqu’à 4 aux betteraves. Ce sont des saisonniers, car je ne peux pas prendre de plein temps compte tenu de notre périodi- cité. Mais ça devrait évoluer avec une nouvelle activité complémentaire que nous sommes en train de mettre en place. »

Armée de 12 moissonneuses dans les années 90, l’ETA Crouzard sillonnait l’Aube, la Marne, la Seine et Marne, l’Oise, l’Aisne et l’Yonne. Aujourd’hui, elle préfère se focaliser sur ses clients réguliers et dans un plus faible rayon géographique.
 

Une nouvelle ère

Depuis le début de l’année, Jean François s’adonne à une autre passion, le dessin assisté par ordinateur, qu’il estime complémentaire voire même nécessaire dans le cadre de ses activités. « J’ai fait l ’acquisition d’un crible Doppstatd, qui me permettra de nous diversif ier lorsqu’il sera opérationnel et valoriser des déchêts verts collectés. » Mais pour le moment l’engin acheté d’occasion est à l’atelier, en cours de rénovation. « S’il n’a pas beaucoup d’heures moteur, il lui faut une totale rénovation. C’est pourquoi la 3D m’est très utile car les pièces, même les plus simples sont particulièrement onéreuses sur cet appareil. » Jean François maitrise Solids Words, un logiciel de dessin industriel et a investi dans deux imprimantes. Elles lui ont déjà permises de faire de belles économies, comme ces simples rouleaux tarifés près de 300 euros l’unité, et qu’il a reproduit pour une somme plus modeste dans un matériau plastique hautement résistant. « Bien sûr, ça demande du temps et de la réflexion. Mais cette technolo- gie fabuleuse pourrait s’avérer être la clé de voute de mon atelier. Et pourquoi ne pas en faire une activité à part entière ? » Se demande ce jeune dirigeant, qui comme son père et son grand-père recherche constamment des idées pour se démarquer.

Pour pouvoir rapprocher deux andains de luzerne, l’entreprise modifie dans le milieu des années 90 des coupes qu’elle monte sur des tracteurs classiques à poste inversé, comme ce Fendt 916 Vario de présérie.
 

Texte et photos: Mathieu Bonaventure

 

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