herv coupeau indre

Et pendant ce temps, les Chinois achètent nos terres du Berry

Hervé Coupeau, agriculteur dans l’Indre, s’est exprimé récemment dans l’émission C dans l’air, sur France 5, sur l’acquisition de terres agricoles, en toute légalité, par des Chinois. Cette fois, c’est à l’attention des lecteurs de WikiAgri qu’il pousse un coup de gueule, dans la tribune que voici.

(la vidéo du reportage de C dans l’air est intégrée en fin d’article)

« 

Stratégie, sécurité alimentaire…

La Chine a compris depuis longtemps qu’elle était vulnérable sur l’alimentation, aussi bien en quantité qu’en qualité.

L’Europe, la France ont perdu de vue leur stratégie alimentaire, inexistante, juste quelques subsides par ci par là, mais rien de stratégique.

La théorie des ventres pleins, jamais au grand jamais l’alimentation n’a autant été sécurisée, pour preuve le niveau de vie en augmentation constante.

Parallèlement, l’opprobre est jeté sur les agriculteurs : pollueurs, « décimeurs », auteurs de tortures animales, etc.

Et pendant ce temps… Les Chinois achète des terres en pleine propriété en France, dans le Berry, au coeur de notre pays, et aussi dans d’autres pays. Ils y parviennent au moyen de montages juridiques prodigués par des conseils français dûment monnayés pour, tout en légalité, s’accaparer des terres agricole françaises.

Une question : moi, agriculteur berrichon, pourrais-je acheter des terre en Chine ?

Quand les Chinois voyant de l’or dans mes champs de blé, et que le politique français et la population n’y voient que désolation, érosion de la biodiversité, et laissent mourir dans le silence des familles agricoles.

Quand on laisse ces agriculteurs en dessous du seuil de pauvreté pour le travail effectué, honte à toi France ! Le miroir des alouettes : monter en gamme pour mieux se rémunérer, loi Egalim, de qui se moque-t-on ?

Quand, dans le monde entier, notre gastronomie est reconnue comme une référence mais que le revenu de ceux qui la produisent est maintenu dans une pauvreté certaine.

Je ne serais pas opposé à ces achats de terres en termes de propriété si les terres en question étaient ensuite proposées à nos jeunes agriculteurs en fermage. Mais leur acquisition se concrétise en faire valoir direct, les terres sont exploitées par des salarié locaux. Donc les nouveaux propriétaires chinois obtiennent une maitrise certaine de l’alimentation, bien loin, jusqu’à l’export direct. Aujourd’hui, ils n’ont pas la capacité d’affréter des trains entiers (et ensuite des bateaux) car les surfaces restent trop réduites pour que ce soit rentable… pour l’instant. Mais si on n’intervient pas, peut-être demain auront-ils la capacité de le faire. Et là, au-delà de terres agricoles perdue, notre indépendance alimentaire, ô combien stratégique pour chaque citoyen français, sera en danger.

Ne soyons pas naïfs, il est encore temps d’avoir un vrai sursaut politique pour défendre notre agriculture ! Arrêtons de bavasser…

Messieurs les politiques, vous portez la responsabilité du taux de suicide en agriculture. Vous portez la responsabilité de la non rémunération de nos agriculteurs… Et si demain, avec le transfert de propriété, la maitrise de notre alimentation passe dans les mains d’une puissance économique étrangère, vous serez responsables !

Carton jaune, avertissement, on peut choisir quantité d’expressions, mais surtout réagissez ! Sinon vous porterez la responsabilité d’une pénurie alimentaire pour nos citoyens, non pas par manque mais par non maitrise des denrées alimentaires produites sur notre sol, au profit de puissances économiques étrangères.

 »

Hervé Coupeau
Président de la Société d’Agriculture de l’Indre


Tribune du même auteur publiée en août 2014 sur WikiAgri : Embargos avec les Russes, les agriculteurs subissent la diplomatie européenne

Ci-dessous, vidéo du reportage de l’émission C dans l’air du 25 mars 2019 avec Hervé Coupeau, sur le sujet des terres agricoles françaises achetées par des Chinois.

Ci-dessous, notre illustration est une copie d’écran de la vidéo ci-dessus.

2 Commentaire(s)

  1. La France sera-t-elle à vendre ?? Il apparait évident que compte tenu de nos structures agricoles très disparates, d’un marché mondiale dans lequel nous sommes en compétition mais loin derrière, compte des prix et de la rentabilité de nos exploitations, comment faire face au foncier sur un marché concurrentiel où les acquéreurs investissent ou investiront dans le foncier avec des excédents financiers issus d’autres activités plus juteuses que l agriculture….

  2. Ce que critique Hervé Coupeau ce n’est pas l’acquisition mais l’utilisation des terres : « Je ne serais pas opposé à ces achats de terres en termes de propriété si les terres en question étaient ensuite proposées à nos jeunes agriculteurs en fermage « , c’est à dire que le choix des spéculations agricoles soient réalisées par l’exploitant et non le propriétaire :  » donc les nouveaux propriétaires chinois obtiennent une maitrise certaine de l’alimentation, bien loin, jusqu’à l’export direct » La « Chine » en tant qu’acquéreur n’est donc pas remise en cause en tant que tel, mais est critiquée sur le fait qu’en maîtrisant le foncier elle est susceptible d’orienter les productions venues de l’extérieur (chez nous) vers son marché intérieur (chez eux)…
    Il y a là un paradoxe intéressant au regard de l’évolution globale de l’agriculture et où la situation française est particulière.
    Au départ l’objet principal est bien celui du marché du foncier où le rôle de la SAFER a permis en France de « maîtriser » les cours au profit principal des exploitants agricoles par le biais du droit de préemption, le statut du fermage permettant de devenir l’acquéreur prioritaire des terres mises sur le marché à un prix inférieur à celui des autres pays, ce qui fait aujourd’hui des terres françaises « sous contrôle » le marché foncier le plus intéressant en terme de placement … il convenait donc, dans un marché « libre et non faussé », d’échapper au « contrôle » de la SAFER, ce qui, autre paradoxe, est facilité par la montée en puissance des formes sociétaires (en exploitation et en propriété) où « l’exploitant » devenu un « actionnaire » (les « actionnaires »sont alors potentiellement de « nouveaux propriétaires qui obtiennent une maitrise certaine de l’alimentation »…) ne vend plus des terres mais des actions …ce que les « conseillers » en placement ont parfaitement compris (la législation ayant comme d’habitude un train de retard).
    Donc, les « Chinois » viennent au départ (comme d’autres « Danois » (EU) ou « Canadiens » (CETA)..) pour faire un placement financier spéculatif, les banques chinoises devant assurer la « valeur » de leur monnaie en grande partie entachée par la « non valeur » du dollar (depuis 1971) par obligation de faire tourner la machine à laver mondialisée…
    Le fait de ne pas proposer les terres ainsi acquises à de jeunes agriculteurs en fermage n’est pas spécifique aux « chinois » mais bien aux formes « sociétaires  » ….ainsi, dans l’Indre les acquisitions concernent de grosses unités foncières qui ont déjà fait l’objet de ventes (de Dallas à Dublin ou à Copenhague et maintenant de Pékin à Vancouver) et qui ont été gérées avec un régisseur avec des entreprises à façon (nouvelle « diversification » non agricole d’une partie des exploitants agricoles disposant d’un parc de matériels importants).
    Si on enlève le caractère « exotique » de la Chine (on peut aussi s’interroger sur le caractère tout aussi « exotique » du Canada avec les accords du CETA..), la question posée par Hervé Coupeau (céréalier et éleveur avicole) est intéressante dans un contexte mondialisé où 80% des productions végétales sont utilisées pour la production animale : le rôle joué par un établissement foncier doit il être « limité » à l’ intervention foncière au profit des exploitants ou doit il interagir avec la nécessaire cohérence de la planification dite « urbaine » et de l’organisation structurée de l’alimentation en circuit court ?
    Face à la suspicion du consomm’acteur pour son alimentation face à l’ensemble des produits issus des transformateurs industriels gérés par les metteurs en marché, les produc’acteurs n’ont ils pas tout intérêt à les rassurer avec leur lisibilité de proximité confirmée par un cahier des charges élaboré en commun où les « contraintes » écologiques et sociales sont intégrées ….cela pourrait s’appeler le « protectionnisme solidaire » base d’un avenir en commun partagé….

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