WikiAgri donne régulièrement la parole aux membres de sa communauté. Parmi ceux-ci, Pierrick Berthou la prend régulièrement, avec des opinions tranchantes. Voici son dernier texte.
Depuis 60 ans, l’agriculture passe d’une crise à une autre, aujourd’hui nous pouvons affirmer que nous sommes continuellement en crise.
L’industrialisation de l’agriculture devait apporter des solutions, et notamment du revenu… Soixante ans plus tard, nous avons une agriculture qui est un colosse aux pieds d’argile, car archi-endetté, avec des agriculteurs qui ne peuvent pas vivre sans subventions et, pourtant, qui produisent des quantités astronomiques de lait, de viande, de légumes et de céréales. Il faut encore subventionner le stockage. Et il faut en plus subventionner pour écouler les marchandises sur les pays tiers (Afrique, entre autres), avec comme conséquences la mort des petits paysans africains et une modification des habitudes alimentaires locales. Tout cela sous prétexte de s’ouvrir à de nouveaux marchés à l’export, mais existent-ils vraiment ?… Et après on s’étonne que des millions de migrants débarquent chez nous !
Mais oserons-nous voir l’agriculture différemment ? L’agriculteur n’a pas pour seule vocation la production d’aliments : il entretient l’espace et a un rôle sociétal à jouer. En effet, nos cités sont bâties en béton, en verre et en acier, elles sont de plus en plus déshumanisées, ce qui induit des comportements sociétaux anormaux : isolement, dépression, schizophrénie, etc. On peut imaginer l’agriculteur rémunéré pour tous les services qu’il apporte à la société, en plus de la production d’aliments. L’agriculture peut être un gisement d’emplois, de production d’énergie, et être une activité qui crée du lien entre les humains, qui donne un sens à la vie de chacun. L’agriculture peut être tout cela, et même plus encore… D’autant plus que la situation l’exige.
– Le dérèglement climatique avec les bouleversements qui vont en découler.
– La difficulté, voire l’impossibilité, d’accès à l’eau potable.
– La consommation d’énergie qui est d’une folle exubérance digne d’une orgie, alors que depuis 20 ans la production totale d’énergie sur le globe terrestre est en déclin.
– La démographie dans les pays industrialisés, notamment en Europe, est en chute libre : dans 50 ans le continent européen sera un continent de vieux, voire même de très vieux, et paradoxalement de l’autre coté de la Méditerranée, dans tout le Moyen-Orient ainsi que dans le sud-est asiatique, la démographie est quasi exponentielle….
Lorsque ces quatre facteurs, pour ne citer que ces quatre-là, vont converger nous assisterons à un « big-bang » cher à Michel Rocard. Dans moins de 50 ans nous allons assister à un chambardement planétaire ! Les flux migratoires vont se déverser par dizaines de millions sur l’Europe, mais pas seulement, car toute la planète sera concernée. Ces mouvements de population vont totalement affectés notre quotidien : toutes les facettes de l’organisation de nos sociétés, toutes nos habitudes, tous nos points de repère seront sollicités, n’en doutons pas. Ces flux migratoires inéluctables, souhaitables, car nous allons manquer cruellement de main d’œuvre, mais aussi bénéfiques (et ce n’est pas un mur qui les arrêtera) sont à préparer, à organiser et à accompagner. Ces migrations se feront soit dans une bonne intelligence, soit ils se feront dans une violence inouïe…mais ils se feront !
Les politiques, soi-disant libérales, mais de plus en plus autoritaires, en tout cas très très conservatrices, peuvent être une illusion sur une mandature ou deux, par contre, sur le moyen terme sont un pari perdu d’avance. Ces politiques sont basées sur la prédation des économies, la prédation de l’environnement, et, finalement la prédation de l’humain lui-même. Donc, cette vision de la politique est condamnée. De ce fait, nous ne ferons pas l’économie d’une profonde réflexion sur le renouvellement de notre pensée politique, de notre personnel politique et de nos dirigeant(e)s – on ne peut être à la fois le poison et l’antidote. De là découlera une action politique, civique et économique différente. De ces bouleversements, je le répète inévitables, deux voies sont à considérer en priorité. L’action sur nos territoires pour accueillir les nouveaux arrivants dans les meilleurs conditions possibles et une autre action qui consistera à aider les populations des autres continents à continuer à vivre, décemment, chez elles. Cela va sans dire que les orientations de l’argent doivent être remises à plat et totalement rediscutées. La planète ne souffre pas d’un manque de richesse, on a jamais été aussi riche. La planète souffre d’un problème de répartition de la richesse. Des choix forts doivent être faits ; il ne faut plus parler de transition, de mutation ou encore d’évolution mais bien de rupture.
Ces événements, auxquels nous assisterons, du jamais vu dans l’histoire de l’humanité, doivent se préparer dès maintenant. La réforme de la PAC (Politique agricole commune) qui se profile devra choisir entre deux voies : soit elle favorisera l’industrialisation de l’agriculture qui nous mènera tout droit à un « Tchernobyl planétaire », soit elle abondera vers une agriculture paysanne qui replacera l’humain au centre de la société et participera à encaisser le choc qui nous attend. En fait, c’est tout le modèle agricole mondial que nous devons reconstruire. Ensuite, il faudra rapidement enclencher une réforme de nos politiques de finances publiques afin d’anticiper, de préparer, de recevoir et d’accompagner. Le premier pilier à réformer en profondeur est celui de l’agriculture car de là dépend notre alimentation et comme dit le vieil adage « ventre vide ne réfléchit pas » ; la paix passera par là…
« Rien n’est solitaire, tout est solidaire » Victor Hugo
Pierrick Berthou
producteur de lait à Quimperlé
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Notre illustration ci-dessous est issue de Adobe.
l’agriculture est la seule activité économique à pouvoir rétablir rapidement le climat !
Les villes commencent à comprendre qu’il faut végétaliser pour « climatiser », et c’est tout à fait vrai, par son évapotranspiration la végétation évacue les 2/3 de l’énergie solaire reçu par les sols !
Les zones tempérées de la planète sont caractérisées par la présence d’eau ou de végétation, et c’est justement quand les continents se « dévégétalisent » l’été que la désertification s’installe ! Avant de perdre ses arbres le Sahara était une forêt ! L’été la Nouvelle aquitaine est un désert, et depuis 20 ans on diminue de 10% par an les surfaces irriguées , ce qui amplifie fortement le phénomène de désertification !
Toute la régulation thermique des basses couches de l’atmosphère se fait par l’évaporation (chaleur latente) ! Il faut végétaliser massivement (villes et campagnes) au rythme des forets de feuillus . Contrairement aux idées reçues, la pluie ne vient pas uniquement de la mer : 70% des précipitations continentales proviennent de l’évapotranspiration (végétation) et seulement 30% de l’évaporation en mer … Autrement dit , il ne pleut pas sur des sols secs !
En climatologie on part du principe que c’est la végétation qui apporte les pluies, donc l’ irrigation n’est pas un problème mais LA solution , à condition d’avoir fait des réserves l’hiver ! Le bilan hydrique de la végétation est toujours positif dans un rapport 2/3 1/3 : 2 litres d’eau évaporée = 3 litres de pluies ! Si tout le monde avait le bon sens de faire comme les agriculteurs, des réserves d’eau l’hiver (particuliers, villes, industriels, etc …) pour végétaliser en épargnant les nappes phréatiques l’été on ne parlerait jamais de sécheresse ! Oui la végétation utilise 70% des pluies mais c’est quand elle ne le fait pas que le climat se dérègle !
En France les forets brulent parce que depuis 30 ans on plante des conifères qui consomment deux fois moins d’eau … donc apportent deux fois moins de pluies ! D’ailleurs on ne plante jamais de conifère en Afrique !
Les vrais spécialistes du climat nous disent bien que quand la température monte il y a plus d’évaporation et donc plus de pluie, donc il n’y aura pas moins d’eau mais une dégradation de la répartition annuelle des précipitations avec des accidents climatiques : inondations l’hiver et sécheresses l’été !
En effet les agriculteurs méritent d’être rémunérés pour leur action écologique, comme en témoigne ce lien :
https://www.contrepoints.org/2019/07/15/349007-le-vrai-bilan-carbone-de-lagriculture
Il explique en détail comment, par le travail de l’agriculteur, un hectare de culture capte plus de CO² qu’un hectare de forêt tout en produisant des hydrates de carbone nourriciers.
En ce qui concerne l’émigration, même si au lieu de fournir des subventions en cash aux pays en difficulté, confisquées par les potentats locaux, on leur adressait du matériel et des moyens de cultiver pour obtenir une autonomie alimentaire, cela ne pèserait pas lourd contre la promesse d’un eldorado français qui asperge d’aide sociales sans obligation de contrepartie. Les choses n’avancent pas par la volonté des hommes, elles n’avancent que par la force des choses. A force de faire pression sur ceux qui produisent, ceux-ci s’épuisent puis disparaissent, et la pénurie s’installe, qui oblige chacun à consentir des efforts pour assurer sa survie.
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Tout à fait d’accord avec Pierrick, ses analyses sont toujours pertinentes, mais malheureusement, trop peu sont conscients des échéances qui vont s’imposer, et la majorité croit que l’économie de marché telle qu’elle est mise en oeuvre tant au niveau européen que mondial, pourra continuer ainsi, même si tous les clignotants sont au rouge !! la tyrannie de la pensée économique libérale, qui s’est accentuée depuis ces 30 dernières années, laisse peu de place à des analyses alternatives, alors vive le point de vue de Pierrick !