L’Union des producteurs de Beaufort a construit une usine exemplaire pour traiter localement le lactosérum. Une fois transformé en beurre, ricotte et poudre, le petit lait est méthanisé.
Voici un bel exemple de charges transformées en ressource énergétique, mais aussi financière pour ceux qui adhèrent à la démarche. Chaque kilo de beaufort produit génère 9 kg de lactosérum de haute qualité. Jusqu’à présent, les coopératives de Beaufort revendaient ce petit lait à la société LactoFrance, basée à Verdun (Meuse), qui le transformait en poudre de lactosérum. Le coût du transport était si conséquent que l’opération était déficitaire : les camions parcouraient 800 000 kilomètres par an, produisant 1000 tonnes d’équivalent carbone ! De plus, la plus-value de la transformation échappait à la filière.
L’Union des producteurs de Beaufort (UPB) (*) a donc étudié pendant cinq ans la création d’une usine collective de valorisation du petit lait à Albertville (Savoie). Elle a été inaugurée à l’automne dernier et baptisée « Savoie Lactée ». Le site devrait traiter 52 millions de litres de lactosérum par an. Pour atteindre ces volumes, le projet a impliqué deux autres coopératives laitières savoyardes : celle de Yenne (elle fournit le tiers du litrage de l’usine) et celle d’Entremont-le-Vieux.
Le petit lait est d’abord transformé en beurre (305 tonnes annuelle, travaillées en baratte à l’ancienne), ricotte (40 tonnes sous forme grossière, de crème tartinable et de « fetti ») et poudre de de protéines (500 tonnes). Pour la ligne de ricotte, l’UPB a fait appel à la société Consworld. Ces produits sont destinés aux industriels et particuliers et vendus sous la marque « Notre Montagne ». « Malgré la réussite de l’AOP du Beaufort, on ne peut plus se permettre de ne pas valoriser ces protéines », explique Yvon Bochet, président de l’Union des producteurs de Beaufort. Avec cette poudre adaptée au marché international, l’UPB vise notamment l’alimentation infantile.
Le résidu de la production (90 % du volume initial tout de même !) et les eaux de lavage sont ensuite envoyées dans l’unité de méthanisation équipée d’un cogénérateur. Elle produit 3 millions de KWh par an revendus à EDF (l’équivalent de la consommation de 1500 habitants), mais aussi de la chaleur directement injectée dans l’usine. Le méthanisateur a été conçu par l’entreprise toulousaine de dépollution Valbio. L’enjeu écologique est majeur, car les perméats de sérum ont une charge organique cinquante fois plus polluante qu’une eau usée urbaine. Au final, le rendement épuratoire atteint 99 %. Restent les boues biologiques, compostées et récupérées par les éleveurs pour fertiliser les sols.
Pour l’UPB, c’est une nouvelle activité qui s’ouvre : « De techniciens fromagers, nous devenons aussi gestionnaire d’entreprise. Cette usine est faite par les producteurs, pour les producteurs », se féilicite Yvon Bochet.
L’investissement s’élève à 13 millions d’euros avec 2,5 millions de subvention émanant de l’assemblée des pays de Savoie, de la Région Rhône-Alpes et de l’Etat. Le Crédit Agricole et la Société générale sont aussi partenaires de l’opération, laissant à l’UPB un million d’autofinancement. Dix emplois ont été créés et le retour sur investissement est estimé entre 7 à 10 ans. Ce projet ambitieux et fédérateur a redynamisé la filière beaufort pour les décennies à venir !
(*) L’union des producteurs de beaufort réunit sept coopératives (600 producteurs adhérents) situées dans la zone de l’AOP Beaufort. Elle dispose d’un laboratoire technique qui travaille sur la qualité du lait et assure un appui technique aux ateliers de fabrication.
En savoir plus : http://www.fromage-beaufort.com/fr (site internet officiel du fromage de beaufort) ; https://wikiagri.fr/articles/comment-laop-beaufort-a-su-preparer-lapres-quotas-laitiers/5201 (autre article de WikiAgri sur l’AOP beaufort).
Ci-dessous, le beaufort, connu pour ses transformations fromagères…
… Mais aussi, désormais, pour son biogaz !
Un produit fini, le beurre…
Yvon Bochet, président de l’UPB.