Produite sans intrants, la lentille s’intègre très bien dans l’assolement des exploitations céréalières. Sa culture s’inscrit parfaitement dans les politiques de protection de la ressource d’eau potable, appelées à être plus contraignantes dans les années à venir.
Les céréaliers qui ont introduit la culture de lentilles dans leur assolement ne tarissent pas d’éloges sur cette protéagineuse cultivée depuis plus de 10 000 ans par l’Homme! Elle allie sociabilité, biodiversité, alimentation locale et protection des ressources en eau.
Pionnier de la culture de lentilles depuis 2016 à Sainte Geneviève (Meurthe et Moselle), dans le bassin de Nancy, Amaël Gattaux donne plus de sens à son métier depuis qu’il a introduit cette culture dans l’assolement de l’exploitation familiale. Il est polyculteur-éleveur en EARL sur 210 hectares où il conduit un troupeau de 80 vaches allaitantes de race charolaise.
« En 2016, la culture de lentilles m’était inconnue et la filière de commercialisation prévue tardant à se mettre en place, j’ai été obligé de prospecter pour faire de la vente directe en petit conditionnement », témoigne Amaël.
Toutefois, cette activité sort Amaël un tant soit peu de l’isolement dans lequel il est plongé sur son exploitation.
L’agriculteur vend en effet sa production en circuit court aux prix qu’il a fixés pour qu’elle soit quelle que peu rentable. Ses clients sont des établissements scolaires, des restaurants d’entreprises et des particuliers. Amaël met aussi en dépôt- vente des sachets de lentilles dans des épiceries.
En conséquence, l’agriculteur est amené à côtoyer des personnes qu’il n’aurait sinon jamais rencontrées. Et les retours sont très favorables.
« Ca fait plaisir d’entendre que mes lentilles sont bien meilleures que celles que l’on achète dans le commerce », se réjouit Amaël.
Risque économique limité
Amaël écoule une à deux tonnes de lentilles par an en sachets de 500grammes à 10 kg. Mais leur commercialisation exige une organisation logistique contraignante en temps. Toutefois, l’agriculteur peut compter sur sa mère pour l’aider à gérer les commandes et à livrer ses colis.
Chaque année, Amaël cultive entre 1,5 et 2 hectares de lentilles Anicia sur une partie de ses terres situées sur la zone de captage d’eau dite « du grand sart » sur la commune de Loisy.
Pour préparer son terrain, l’itinéraire technique retenu est le suivant : charrue rotative, 2 passages puis semis et rouleau pour tasser les graines semées. Les rendements varient selon les années entre 0,5 t et 2 tonnes par hectare. Mais cette culture représente un risque économique faible.
A la plantation, Amaël n’engage que des frais de mécanisation et le coût des semences. Il n’épand ni engrais, ni produits phytosanitaires sur la parcelle cultivée. Mais l’agriculteur attendra au moins cinq ans pour réimplanter sur la même parcelle une culture de lentilles.
A la récolte, les lentilles lorraines sont expédiées par semi remorque en big bag en Eure et Loire où elles sont triées par un prestataire. A leur retour, elles sont stockées à la ferme, ensachées, puis distribuées.
Trois génrations de famille Gattaux
Anticiper pour ne pas être contrains
Dans la région de Nancy, la préservation de la ressource en eau est une priorité. Bernard, le père d’Amaël a participé pendant 30 ans à des programmes successifs de protection des sources portés par la chambre d’agriculture, l’agence de l’eau et la commune de Loisy qui utilise l’eau de ces sources dites « du Grand Sart ».
En 2015, le nouveau programme d’expérimentation pour protéger cette ressource en eau, mobilise les quatre départements lorrains. Il est porté par la Chambre départementale d’Agriculture de Meurthe et Moselle et il est financé par l’Agence de l’Eau Rhin – Meuse, puis par la Région Grand Est et l’Agence de l’Eau,
La culture de lentilles fait justement partie des solutions proposées pour cultiver des parcelles proches des aires de captages en eau sans prendre le risque de contaminer ponctuellement et accidentellement l’environnement. Et pour motiver les agriculteurs
à s’engager dans la durée, la Chambre d’Agriculture de Meurthe et Moselle développe une nouvelle filière en trouvant des débouchés commerciaux dans la restauration hors domicile pour valoriser leur production de lentilles.
Sur l’exploitation d’Amaël, cette culture est une alternative aux prairies de graminées et de luzerne associées, destinées à la production de fourrages.
A moyen terme, de nombreux agriculteurs de toute la France, ayant des terres situées sur des zones captages, vont être soumis à des contraintes très fortes, limitant drastiquement
les possibilités de culture.
Mais Amaël et huit autres collègues agriculteurs dans les quatre départements lorrains ont préféré adhérer volontairement au programme d’expérimentation des lentilles pour trouver des solutions à ces contraintes environnementales avant qu’elles ne leur soient imposées.
La culture de lentilles n’est pas en soit LA solution pour protéger toutes les ressources en eau. Cependant, elle ouvre la voie à d’autres productions pour conserver la vocation agricole des terres situées sur de aires de captage sans impacter leur environnement. Le pois chiche fait partie de ses cultures éligibles mais là encore, l’essor de la culture dépend des débouchés alimentaires.
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