Les candidats à l’installation portent des projets et des ambitions en rupture avec le modèle agricole adopté par leurs ainés. La pénibilité et le niveau de rémunérations découragent de nombreux postulants. Mais en ces temps de crise sanitaire, l’agriculture pourrait aussi servir de refuge.

La France peut-elle compter sur une nouvelle génération d’agriculteurs pour rester un dix principaux exportateurs de céréales au monde ?
Les jeunes agriculteurs français de moins de 40 ans (15 % des effectifs totaux) sont proportionnellement plus nombreux que dans le reste de l’Union européenne et le nombre d’installations est assez élevé.
Pour autant, notre pays fait face à un important défi démographique : un tiers des agriculteurs a plus de 55 ans. Au total, ils sont 273 000 exploitants agricoles susceptibles de transmettre leur exploitation d’ici une dizaine d’années.
Or plus les années passent, plus le vivier de candidats à l’installation que représentent habituellement les enfants d’agriculteurs s’amoindrit. Ils sont moins nombreux et ils ne sont pas tous motivés pour prendre la succession de leurs parents dont ils n’envient pas, parfois, leurs conditions de vie (temps de travail, faiblesse des revenus).
L’essor de l’installation hors cadre familial est par conséquent une réponse au défi démographique auquel l’agriculture française est confrontée.
L’expérience lancée par l’ancien ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, « Des bras pour ton assiette » apporte des enseignements intéressants sur les motivations qui conduisent les Français non issus du milieu agricole à vouloir travailler dans le secteur agricole. Sur les 300 000 personnes ayant répondu à l’appel, seuls 15 000 ont réellement été embauchés. « Cela tend à montrer l’existence d’un décalage entre le rêve d’un retour à la terre et la dure réalité au métier agricole », analyse Eddy Fougier, politologue, un des contributeurs de l’édition 2021 du Déméter. Il est en particulier l’auteur du chapitre intitulé « France Rurale : l’engouement des jeunes est-il durable ? ».
Le scénario collapsologue
Ces résultats soulèvent aussi des questions d’adéquation entre les besoins de compétences des filières et les aspirations des nouveaux installés à une agriculture plus écologique, engagée pour relever les défis environnementaux et climatiques de la planète d’ici la fin du siècle.
A moins que la pandémie de la Covid ne conduise tout simplement des actifs à « s’installer à la campagne dans une logique d’autoprotection et d’autosuffisance alimentaire ». Ils s’inscriraient alors dans le scénario collapsologue décrit par Eddy Fougier.
Ce scénario « se fonde sur l’hypothèse selon laquelle le monde rural et l’agriculture constituent des valeurs refuges en période de crise majeure », explique Eddy Fougier. Ces craintes s’ajoutent aux effets du changement climatique qui pourraient compromettre l’approvisionnement des villes en nourriture faute de denrées agricoles suffisantes.
Dans ces conditions, « l’agriculture serait un refuge » pour une certaine catégorie de la population la plus jeune, défend Eddy Fougier. Celle-ci pourrait allier cadre de vie rassurant et activité professionnelle.
« Durant la crise financière de 2008-2009, le chômage massif en Italie chez les jeunes, diplômés de l’enseignement supérieur, a décidé 55 000 d’entre eux de moins de 35 ans à se diriger vers l’agriculture », ajoute le politologue.
Le scénario agro-écologique
Si la société parvient à retrouver une certaine sérénité, les futurs agriculteurs porteront davantage des projets d’installation en phase avec la stratégie de la « Ferme à la table » présentée par la Commission européenne. Il s’agirait, à travers ce scénario agro-écologique, « de converger vers un système alimentaire durable, moins dépendant aux engrais, aux pesticides et aux antimicrobiens afin de régénérer la biodiversité », explique encore la Commission.
Mais l’agriculture sera attractive si les candidats à l’installation parviennent à réaliser des projets économiques rentables, en phase avec leurs aspirations agro-écologiques tout en acceptant les contraintes de travail et de pénibilité auxquelles ils n’échapperont pas.
Sans s’inscrire dans ces deux scénarios de rupture, l’agriculture française évoluerait plus simplement au gré des ambitions portées les futurs agriculteurs de moins en moins issus du monde agricole. Cette nouvelle génération d’installés, plus écologique, ne remettra pas pour autant en cause systématiquement l’agriculture conventionnelle.
Mais les fermes à reprendre ne répondent pas à leurs aspirations.
Les nouveaux agriculteurs sont portés par une désaffection à l’égard de l’élevage et tentés par des exploitations de moins grande taille. A terme, l’élevage français pourrait même être en danger car les fermes d’élevage ne trouvent pas de preneurs.
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