En ce moment, le débat sur l’agriculture tourne autour de la compétitivité. Le gouvernement opte pour une relance de la position française grâce l’affaiblissement programmé de l’Allemagne. Tandis que de nombreux représentants agricoles préfèrent conserver en ligne de mire l’objectif de nourrir 9 milliards d’humains en 2050.
Tous les chiffres le démontrent, l’Allemagne a dépassé la France comme première puissance agricole européenne, et largement. Les agriculteurs français souffrent de plus en plus de la comparaison, mais aussi, et c’est sans doute plus grave, de perte de compétitivité.
Car parallèlement les manifestations agricoles se multiplient en ce moment. Blocage de Paris (nous en avons parlé sur WikiAgri), en Bretagne (les fameux bonnets rouges), en Eure-et-Loir, dans la Marne… Et l’on pourrait citer ainsi, sinon tous les départements, au moins un département par région. Ces mouvements ont une revendication commune, que l’on pourrait résumer par « laissez-nous travailler, arrêtez de nous taxer à tout va« . On note que pas une de ces manifestations ne dit « sabordez l’Allemagne que l’on repasse devant« .
Car la comparaison avec l’Allemagne a ses limites. Elle n’a de raisons d’exister que si l’on considère la réussite économique de nos voisins. Mais si celle-ci venait à faiblir, alors il faudrait trouver un autre modèle pour servir d’émulation.
Or, il semble que le gouvernement français use de cette comparaison entre la France et l’Allemagne dans un tout autre objectif. Ainsi, et le président de la FNSEA Xavier Beulin l’a déclaré récemment et à plusieurs reprises, la seule bonne nouvelle en ce moment pour la compétitivité de l’agriculture française est le salaire minimum annoncé en Allemagne. Mais Xavier Beulin le disait avec une pointe d’ironie et de regret, en pointant surtout le fait qu’il n’existe aucune autre mesure en France. Là où le gouvernement français en fait une règle et une fierté.
Soyons clairs : qu’il soit décidé en Allemagne d’un salaire minimum pour les ouvriers agricoles, entre autres dans les abattoirs, c’est un progrès social dont il faut se féliciter. On peut aussi affirmer qu’ainsi une forme de distorsion de concurrence disparait entre les deux pays.
Mais on ne peut se réjouir d’avoir influencé nos voisins sur ce point, quand parallèlement nous perdons des points de compétitivité tous les jours dans notre agriculture. Car ce serait croire que cette perte de compétitivité n’est due qu’à des efforts sociaux moins poussés ailleurs. En oubliant nos propres efforts économiques insuffisants.
Car derrière, n’oublions pas l’objectif de l’agriculture mondiale, donc européenne, donc française : nourrir 9 milliards d’humains à l’horizon 2050. Tout en participant à l’énergie, d’autant plus dans un pays qui refuse ne serait-ce que d’envisager le gaz de schiste et qui reparle régulièrement d’arrêter le nucléaire. On connaît la problématique, partout le nombre d’hectares de terres agricoles diminue, il y a de plus en plus de bouches à nourrir… Donc il faut augmenter les rendements, savoir produire propre car notre société le réclame, mais savoir produire tout de même, et de plus en plus.
Dans ces conditions, avoir une agriculture en perte de vitesse, mais se contenter de se féliciter qu’elle soutiendra mieux la comparaison avec un seul voisin, ça reste un peu court, voire même quelque part la démonstration d’une société profondément égoïste, se moquant résolument des générations futures… Ce n’est en 2049 qu’on résoudra la problématique de 2050 (la faim dans le monde), surtout quand elle existe déjà.