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Comment mieux suivre les maladies fongiques des céréales avec les OAD

Les pertes de rendement suite à des maladies du feuillage sont variables d’une année sur l’autre mais peuvent être importantes. La septoriose, maladie la plus fréquente et la plus nuisible, reste le cœur de la protection fongique de ses cultures. Comment raisonner au mieux cette protection, face aux aléas climatiques, à une rentabilité économique tendue et en prenant en compte les attentes sociétales d’une réduction de l’utilisation des phytosanitaires ? Les outils d’aide à la décision (OAD) sont l’une des réponses pour y arriver en analysant les risques et en aidant à mieux positionner les interventions.

Les OAD de pilotage de la protection fongicide reposent sur des modèles agro-climatiques qui croisent des données agronomiques (sensibilités aux différentes maladies des variétés, date de semis, travail du sol, type de sol, précédent et ante-précédent) et les données météo locales grâce à la géolocalisation des parcelles. Le développement des champignons est prévisible au regard des conditions d’humidité et de température. Depuis une interface web, par notifications sur son smartphone, l’abonné est prévenu quand le modèle détecte une période de risque, en croisant le stade des cultures, le possible développement des maladies et le niveau de risques de la parcelle. En complétant les informations habituelles, les OAD aident à objectiver ses choix d’intervention.

« En apportant des informations sur les stades et sur les niveaux de risques, les OAD aident à positionner ses interventions aux bonnes dates, ce qui permet de gagner en efficacité », souligne Emmanuelle Gourdain, spécialiste de la modélisation chez Arvalis.

L’Institut du Végétal a développé, avec Météo-France, Taméo, un outil de conseils agronomiques multicultures. Cette meilleure efficacité en positionnant bien la date d’intervention se traduit par « un gain en moyenne de 4 quintaux », avance Jérôme Clair, responsable commercial xarvio Field Manager. Anciennement Atlas, l’OAD de BASF propose un accompagnement global de la prise de décisions agronomiques fongicides, y compris fusariose et piétin-verse et maladies de l’orge. De nouveaux développement sont en cours pour des conseils sur les régulateurs de croissance et la fertilisation.

Identifier les parcelles à suivre, avoir plus de visibilité sur l’évolution des stades aident aussi à planifier ses interventions et facilitent l’organisation du travail.

Oser se passer de T1

Quand les risques de maladies sont faibles, le T1 n’est pas toujours nécessaire. L’utilisation d’OAD diminue le recours à ce 1er traitement en blé comme en orge. En moyenne, 15% des agriculteurs font l’impasse sur le T1. « Dans 43 % des cas, xarvio Field Manager, indique qu’une impasse est possible, note Jérôme Clair. 28 % des abonnés la font. Il y a encore des possibilités d’optimisation ».

Car, outre l’impact environnemental, se passer d’un traitement allège la facture. « Dans 50 % des essais conduits par Syngenta, Avizio a montré qu’une impasse est possible. Ne pas faire de 1er traitement permet d’économiser en moyenne 42 €/ha », chiffre Antoine Simon, responsable agronomie digitale chez Syngenta. Commercialisé depuis ce printemps, Avizio modélise la septoriose et les rouilles brune et jaune sur blé tendre et blé dur. Il est en test pour la fusariose et sur orge.

Le coût d’abonnement à ces services, souvent autour des 300 € par an et par exploitation, est rentabilisé par le gain d’efficacité en positionnant au mieux ses traitements et la réduction des T1.

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Ecrans d’ordinateurs avec des utilisations de xarvio Field Manager.

On n’en est qu’au début

Les OAD sont encore jeunes dans le paysage agricole. Tous outils confondus, ils sont utilisés par 10 % des agriculteurs. Leur recours est plus fréquent chez les techniciens. Par l’agrégation des données, avec les variations selon les années, selon les localisations, leur précision s’accroit. Ils couvrent plus de cultures, plus de maladies. Se développent aussi les échanges de données avec les différents capteurs de l’exploitation, une station météo connectée par exemple, pour encore affiner la modélisation. « Il est déjà possible, avec xarvio Field Manager, d’aller jusqu’à une modulation intra-parcellaire des traitements, selon la biomasse. Cette pratique augmentera au fur et à mesure du renouvellement du matériel de pulvérisation », envisage Jérôme Clair.

Mais pour l’instant, ces outils intègrent moins souvent les risques relatifs aux ravageurs sur céréales. « Alors que les modèles maladies sont assez performants, nous rencontrons encore des difficultés à modéliser précisément la dynamique des ravageurs, reconnait Doriane Hamernig, spécialiste en modélisation. La modélisation des différents stades de développement et des densités de populations nécessite des données de suivie lourdes à acquérir. Les mélanges de population sur le territoire complexifient encore ce travail. »

En tout cas, la voie est ouverte à des outils complets pour tout le suivi de l’exploitation. « Avizio est connectable avec un outil de gestion parcellaire pour éviter les doubles saisies », avance Antoine Simon. « C’est tout l’enjeu de l’interopérabilité, souligne Emmanuelle Gourdain. Il faut faire en sorte que les OAD, les capteurs, les outils de gestion parcellaires communiquent entre eux. » Et qu’un jour, il devienne routinier que votre station météo communique avec votre OAD de suivi des maladies, qui en cas de risque, enverra une carte de modulation de traitement directement vers la console du pulvérisateur.

T2, le traitement pivot contre la septoriose

Le T2, au stade dernière feuille étalée, reste le pivot de la protection de ses céréales contre les maladies fongiques.

La septoriose est la maladie la plus fréquemment rencontrée sur blé tendre et, avec 17 q/ha de nuisibilité moyenne sur les dix dernières années, c’est la plus dommageable. Le T2 est donc le traitement clé pour bien protéger les deux dernières feuilles et l’épi.

S’il faut évidemment adapter son programme au risque de l’année, à la sensibilité de la variété, au contexte pédoclimatique de la parcelle, il faut aussi tenir compte dans le choix de ses molécules de l’émergence de souches résistantes. Ainsi, des dérives d’efficacité sont constatées avec les triazoles et un risque apparait avec les SDHI. Diversifier les modes d’action et les substances actives est l’un des moyens de ralentir la sélection de souches de septoriose résistances aux fongicides. Il est recommandé d’associer des molécules encore efficaces sur cette maladie tout en se limitant à une seule application de SDHI (bixafen, fluxapyroxad, penthiopyrade) par campagne, d’alterner les modes d’action. Par exemple, Revystar de BASF, qui associe de l’insopropanol-azole et un SDHI, est intéressant pour enrayer la montée des résistances. En cas de forte pression, sont à privilégier les multisites, comme Sesto d’Adama, à base de Folpel.

Les strobilurines, dans le cadre de mélange 3 voies (IDM+SDHI+QoI) jouent toujours un rôle marginal sur la septoriose et s’utilisent préférentiellement dans les situations où la rouille brune est présente.

Pour rappel, même si l’annonce de leur retraite avait déjà entrainé un fort recul de leur utilisation, depuis septembre 2019, il est interdit d’utiliser des produits à base d’époxiconazole.

Un T3 pour protéger la qualité

Si besoin, en début de floraison, le T3 apporte un complément d’action contre la septoriose et la rouille et surtout protége contre la fusariose. En plus de la nécrose des épillets et de l’échaudage de l’épi, la fusariose peut, selon l’espèce du champignon, entrainer l’apparition de mycotoxines, avec un fort impact sur la qualité, donc, le paiement du grain. Au-delà d’aller chercher les derniers quintaux, il s’agit de préserver la valeur de la récolte.

Si le climat est humide (cumul de pluies supérieur à 40 mm autour de la floraison), que la variété est sensible et que des résidus de culture sont restés en surface, Arvalis recommande d’intervenir en prévention à l’apparition des premières étamines dans les bords de parcelle. Mieux vaut préférer un passage en pleine dose que deux passages à dose réduite, car le 2e est souvent trop tardif.

Face aux différentes souches de fusariose, les fongicides ne sont pas totalement efficaces. Le prothioconazole présente une grande polyvalence sur les principales espèces de fusarioses (Prosaro, Fandango). Les tébuconazole, bromuconazole et metconazole sont efficaces contre fusarium graminearum mais moins sur les espèces du genre microdochium.

Il n’y a pas encore de solution en biocontrôle en vue : soufre et phosphonates n’ont pas démontré leur efficacité face à la fusariose.

Cécile Julien

 

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