Selon l’article L. 314-36 du code rural, toute installation agrivoltaïque doit apporter au moins un des quatre services suivants : l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas, l’amélioration du bien-être animal.
En plus de rendre l’un de ces quatre services, il ne faut pas dégrader les trois autres. Pour éviter toute déconvenue, Vincent Dufau, chef de projet expert agrivoltaïque du bureau d’étude ACTE AGRI PLUS se charge d’évaluer ces services alors que les centrales agrivoltaïques sont encore à l’état de projet.
« Partons sur un exemple fictif : Pierre, polyculteur-éleveur, a été approché par un énergéticien pour construire une centrale agrivoltaïque sur une partie de son exploitation. Il s’agirait en l’occurrence d’installer un parc de panneaux photovoltaïques sur 10 ha de prairie et 15 ha de terre labourable exposés plein sud. Mais le sol est séchant, et le gibier abondant (cervidés, sangliers) détruit régulièrement une partie des cultures avant d’être récoltées.
Agé de 55 ans, l’agriculteur a l’intention de transmettre son exploitation à son jeune salarié dans une dizaine d’années. D’ici là, il souhaite aménager ses prairies pour les rendre plus amènes à résister à des épisodes caniculaires qui affaiblissent régulièrement leur potentiel de production d’herbe et de foin. Et il projette de protéger ses quinze hectares de céréales par une clôture » propose Vincent DUFAU.
Après avoir signé une promesse de bail emphytéotique avec Pierre, l’énergéticien s’est lancé dans une série d’études économiques et environnementales pour que son projet de centrale envoyé à la préfecture de son département soit accepté.
Aussi, il confie le volet agricole de son projet à la société de conseil ACTE AGRI PLUS où Vincent Dufau, chef de projet expert agrivoltaïque, a été missionné pour identifier et évaluer les services de la centrale agrivoltaïque en projet sur les terres de Pierre.
Selon l’article L. 314-36 du code rural, est « considérée comme agrivoltaïque une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants, en garantissant à un agriculteur actif ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique gérée par un établissement relevant du titre Ier du livre VIII du code rural et de la pêche maritime une production agricole significative et un revenu durable en étant issu :
Comment les services sont-ils pris en compte ?
L’adaptation au changement climatique s’apprécie par observation de l’un des effets adaptatifs suivants :
L’effet doit se traduire concrètement soit par une amélioration de la qualité de la production (par exemple, le taux de sucre du raisin dans le cas de la viticulture), soit par une augmentation des rendements obtenus (ou le cas échéant, lorsqu’on observe une baisse tendancielle des résultats agronomiques à échelle locale, d’un maintien des rendements ou d’un ralentissement de la diminution de la baisse dans ce contexte local).
La protection contre les aléas qui s’apprécie au regard de la protection apportée par les modules agrivoltaïques contre au moins une forme d’aléa météorologique, ponctuel et exogène à la conduite de l’exploitation faisant peser un risque sur la quantité ou la qualité de la production agricole à l’exclusion des aléas strictement économiques et financiers.
L’amélioration du bien-être animal, consistant en l’amélioration du confort thermique des animaux, démontrable par l’observation d’une diminution des températures dans les espaces accessibles aux animaux à l’abri des modules photovoltaïques et par l’apport de services ou de structures améliorant les conditions de vie des animaux.
En conséquence, le projet de l’énergéticien sur l’exploitation de Pierre ne sera recevable que s’il rend l’un de ses quatre services, et sans dégrader les trois autres. Evidemment, comme on a d’un côté des prairies et de l’autre de la culture, l’installation de panneaux pourra varier d’une zone à l’autre, et le service qu’elle rendra aussi.
Dans son étude, Vincent Dufau s’attachera à montrer l’augmentation potentielle de la production d’herbe des 10 ha de prairie permise par les panneaux.
Sur la partie prairie toujours, ACTE AGRI PLUS s’efforcera de prouver, dans la mesure du possible et en fonction des données scientifiques disponibles, que les autres services mentionnés ne sont pas dégradés. Par exemple, la présence des panneaux ne devra pas venir dégrader le bien-être des animaux sur la parcelle ; ni exposer plus avant les prairies aux aléas climatiques par exemple. Et ici, tout concorde bien puisqu’on sait que Pierre a besoin de plus d’herbe et a besoin d’améliorer la productivité de ses prairies : on est dans le cas où le service réglementaire rendu par les panneaux correspond précisément au besoin de l’agriculteur.
Sur la partie grandes cultures, Pierre a surtout besoin d’une clôture solide pour protéger ses céréales face aux nuisibles. L’immense intérêt de la centrale agrivoltaïque est alors la clôture intégrale de 2 m de haut et enfoncée à 30 cm de profondeur pour protéger les panneaux, mais du coup aussi les cultures dessous. D’autant plus que cette clôture sera financée à 100 % par le développeur, et non par Pierre. « Toutefois, si ce service rendu est important et répond au besoin de l’agriculteur, il ne suffit pas : il faut bien que l’installation rende l’un des quatre services mentionnés dans l’article cité plus haut » explique Vincent DUFAU. Il faudra donc qu’il s’atèle à montrer, par exemple, que les panneaux favorisent l’adaptation au changement climatique des cultures via une amélioration du bilan hydrique à la parcelle (réduction de l’évapotranspiration principalement), sans porter aucune atteinte aux autres services.
Bien que la centrale agrivoltaïque soit portée par l’énergéticien, Pierre reste pilote de son exploitation. L’expert doit donc anticiper dans la mesure du possible, les 40 prochaines années pour veiller à ce que le projet commun de l’agriculteur et de l’énergéticien ne dévie pas. Bien sûr ce n’est pas toujours possible : il peut se passer beaucoup de choses en quarante ans, voila pourquoi le bail emphytéotique et la convention d’usage qui lieront le développeur et l’agriculteur permettent de s’adapter à une grande variété de situation.
Toute défaillance de l’agriculteur au cours de la durée d’exploitation de la centrale pourrait conduire à une requalification de l’installation aux dépens de l’énergéticien, voire un démantèlement après rappel à l’ordre ou si aucun autre exploitant n’est retrouvé. Aussi, l’expert consultera régulièrement l’agriculteur pour rendre le projet de centrale compatible avec ses pratiques culturales. Il est dans l’intérêt de l’énergéticien que l’agriculteur s’approprie l’ensemble du projet agrivoltaïque.
Comme les centrales agrivoltaïques seront régulièrement contrôlées, les études préalables à leur édification doivent être rigoureuses. Le projet de centrale et de développement de l’exploitation de Pierre doit remplir tous les critères requis pour être conforme à la loi APER et être retenu.
Dans tous les cas, un dossier d’études de quelques dizaines de pages devra obligatoirement être écrit et joint à la demande de permis de construire. Ce dossier devra prouver pourquoi le projet est agrivoltaïque, en s’appuyant sur l’ensemble des critères des décrets d’application de la loi APER.
Durant les 8-12 mois passés par Vincent Dufau pour étudier la compatibilité entre le projet de développement de l’exploitation de Pierre sur ses 25 ha et la construction de la centrale, l’expert simulera l’augmentation de la production d’herbe permise par la présence des panneaux et l’amélioration de sa qualité. Des simulations similaires pourront être réalisées sur la partie « céréales » de la centrale, afin de prouver son adaptation au changement climatique.
Que le projet de Pierre vise à adapter son exploitation au changement climatique, à protéger ses activités des aléas météorologiques ponctuels qui affectent la production agricole (grêle, tempête) ou à améliorer le bien-être de son cheptel, Vincent Dufau se réfèrera là encore à une série d’indicateurs agronomiques, climatiques, zootechniques et économiques pour évaluer les services rendus par le parc de panneaux photovoltaïque en projet.
Par exemple, l’adaptation aux aléas climatiques (le gel) sera appréciée par une étude montrant que le parc de panneaux limitera la baisse des températures.
Un bail rural à clause agrivoltaïque à l’étude au national
Lorsqu’un projet agrivoltaïque prend forme, l’énergéticien casse souvent le bail rural conclu entre le propriétaire des parcelles et l’agriculteur qui les lui loue. Puis un bail emphytéotique, sur une durée de 30 ou 40 ans, est signé entre le propriétaire et l’énergéticien.
Quant à l’agriculteur, sa relation avec l’énergéticien n’est pas à proprement bien définie. Elle est même, pour tout dire, assez floue. Et chaque développeur à sa façon de fonctionner : convention d’usage, mise à disposition … Mais un bail rural classique ne pourrait pas fonctionner, puisque le contrat porte sur une prestation fournie par l’agriculteur. C’est même le développeur qui paye le fermier pour l’entretien de la centrale via son activité agricole, et pas le fermier qui paye le développeur pour l’accès aux terres.
Fort de ce constant, les instances nationales représentatives des deux professions dont la FNSEA, la FFPA (Fédération Française des Producteurs Agrivoltaïques) et France Agrivoltaïsme travaillent à la création d’un Bail Rural Agrivoltaïque (ou Bail rural agriPV) pour adapter la structure du bail rural aux exigences particulières de l’agrivoltaïsme. Ce bail apporterait les mêmes garanties au fermier, en ajoutant la possibilité de rémunérer l’agriculteur pour son service, et en conditionnant la validité du bail au maintien d’une activité agricole sur site, convenue entre les parties.
Le 10 septembre dernier, le sénateur Franck MENONVILLE a déposé au Sénat une première proposition de loi tendant à créer ce bail rural agriPV.