Changement climatique : rendre les fermes carbone positives et énergies positives
Les CIVE (cultures intermédiaires à vocation énergétique) intègrent très fréquemment les plans d’approvisionnement en biomasse des unités de méthanisation à la ferme (Arvalis)
Produire de l’énergie et réduire les émissions de gaz à effet de serre sont des activités agricoles à part entière. L’agriculture, ses exploitations agricoles et ses millions d’hectares contribueront à rendre l’économie française moins dépendante des importations d’hydrocarbures fossiles.
Avant l’avènement des tracteurs et des intrants de synthèse, le bilan énergétique et le bilan carbone des fermes étaient au moins neutre, voire positif. Autrement dit, les fermes produisaient plus d’énergies qu’elles n’en consommaient, et elles stockaient plus de carbone qu’elles n’en émettaient.
Une partie de la production agricole était destinée à l’affouragement des animaux employés pour effectuer les travaux agricoles. Et l’épandage du fumier dans les champs restituait une grande partie du carbone et de l’azote exportée lorsque les céréales étaient moissonnées et les foins engrangés. Et pour finir, en l’absence de consommation d’énergie fossile et d’engrais azotés minéraux, les émissions de gaz à effet de serre (GES) anthropiques étaient très limitées.
La mécanisation de l’agriculture et l’utilisation d’engrais chimiques, qui ont été nécessaires pour accompagner une demande alimentaire croissante liée à la démographie, ont complètement chamboulé les bilans énergétiques et carbones des exploitations agricoles. Ils sont devenus négatifs : l’activité agricole consomme plus d’énergies qu’elle n’en produit. Par ailleurs, le recours aux énergies fossiles (gaz, gasoil) a découplé le cycle du carbone « agricole » en l’intégrant dans un circuit long.
Produire plus d’énergie qu’en consommer
Aujourd’hui, la production d’énergie est une activité agricole à part entière, au même titre que la production céréalière ou l’élevage.
De nombreuses fermes affichent un bilan énergétique positif, autrement dit, elles produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment. Mais il existe très peu de fermes « positives en carbone » et donc en mesure de décarboner l’atmosphère.
« En fait, les études réalisées par Arvalis – l’Institut du végétal montrent que la neutralité énergétique est plus facile à atteindre que la neutralité carbone, explique Baptiste Soenen, chef du Service Agronomie – Economie – Environnement. Autrement dit, rendre les fermes positives en carbone est bien plus compliqué que rendre les fermes positives en énergie ».
Toutefois, tout ce qui contribue à améliorer le bilan énergétique fossile d’une exploitation permet de tendre vers la neutralité carbone. En effet, baisser la consommation de gaz ou de pétrole utilisés pour sécher des céréales, ou pour réaliser les interventions culturales mécanisées, réduit les émissions de gaz à effet de serre.
Le recours à l’électricité d’origine nucléaire en France, plutôt qu’à de l’électricité produite à partir de gaz naturel ou de charbon, améliore aussi les bilans énergétiques et le bilan carbone des entreprises qui y ont recours. C’est par exemple le cas pour l’irrigation en France, dont la source énergétique est bien souvent électrique.
« Dans tous les cas de figure, la transition écologique de l’agriculture recouple le cycle long du carbone stocké sous forme d’hydrocarbures fossiles en un cycle court sous forme organique dans le sol », affirme Baptiste Soenen.
Tendre vers la neutralité énergétique et carbone
Pour tendre vers la neutralité énergétique et la neutralité carbone, de nombreuses fermes se lancent dans la production de biométhane et de commodités agricoles transformées en biocarburants ou en biomatériaux. Les digestats extraits des méthaniseurs, systématiquement épandus sur le sol, l’enrichiront en matière organique.
La production d’électricité photovoltaïque et éolienne fait aussi partie des options retenues pour améliorer le bilan énergétique fossile et le bilan carbone des exploitations.
Dans les champs, deux options opposées sont envisageables, selon Baptiste Soenen :
– soit on « désintensifie » les pratiques agricoles en consommant moins d’énergie fossiles et d’engrais, ce qui aura pour conséquence de produire moins de commodités ;
– soit on opte pour une agriculture au moins aussi intensive qu’actuellement en faisant appel aux leviers agro-écologiques et technologiques permettant de gagner en efficience.
Dans le premier cas de figure, moins de fourrages seront produits et disponibles pour nourrir les élevages désintensifiés. Autrement dit, les consommateurs devront accepter de changer leurs habitudes alimentaires en réduisant la part de la viande dans leur alimentation. Et à l’échelle de l’Union européenne, recentrée sur son marché intérieur, les vingt-sept pays membres renonceront en partie à produire pour exporter. Plus autonomes, ils importeront aussi moins de matières premières végétales.
« Toutefois, les produits agricoles qui ne seront plus produits dans l’Union européenne pour être exportés vers les pays tiers, devront être produits et récoltés dans des régions où l’agriculture est moins intensive, affirme le chef du service Agronomie d’Arvalis. Or le bilan carbone d’une culture extensive de céréales est, rapporté à la tonne produite, inférieur à celui des cultures intensives ».
En effet, dans une agriculture mécanisée, plus le rendement est élevé, moins la tonne de grains produite nécessite d’énergie fossile pour la produire.
A contrario, intensifier les productions agricoles en maximisant l’efficience des intrants, via l’irrigation ou en cultivant des plantes génétiquement modifiées, plus productives, contribuera à produire plus de matière organique et à améliorer le bilan carbone des cultures.
Dans tous les cas de figure, le stockage de carbone dans le sol combine des externalités positives (enfouissement des pailles après la récolte, semis de couverts végétaux) et des externalités négatives rendues parfois incontournables (épandages d’herbicides). Mais ce qui importe est le bilan global des pratiques en termes de réduction et de stockage de carbone organique.
La réduction des émissions GES
Dans les fermes, le premier poste de réduction des émissions des GES reste la maitrise de la fertilisation azotée. Là encore, plusieurs leviers technologiques et agronomiques sont envisageables :
– faire appel à des outils d’aide à la décision pour épandre la bonne dose d’engrais, au bon endroit et au bon moment ;
– enfouir les résidus des cultures ;
– associer des légumineuses à la rotation des cultures. Des plantes à faibles besoins en azote, comme le tournesol, seront aussi préférées ;
« Mais une réduction excessive d’azote aboutira à l’effet inverse de celui recherché : déstockage de carbone dans le sol lié aux faibles rendements, prévient Baptiste Soenen. En effet, les plantes cultivées chétives fixent moins de carbone par la photosynthèse et contribuent donc moins au stockage de carbone dans les sols ».
À l’horizon 2050, on peut supposer que des innovations actuellement inconnues (génétiques, technologiques, mécaniques pour réduire la consommation d’azote minéral) rendront les fermes carbones positives et énergies positives.
Des engrais à effet longue durée et des ammonitrates pourront être produits sans émissions de GES.
Par génie génétique, on peut imaginer des variétés de maïs pousser en symbiose avec des mycorhizes qui produiraient de l’azote absorbable par les plantes et nécessaire pour se développer, à partir d’azote atmosphérique capté dans le sol. De même, l’essor attendu de matériels agricoles fabriqués à partir de matériaux recyclables et fonctionnant à l’électricité d’origine nucléaire, au méthane ou à l’hydrogène produit par hydrolyse (électricité éolienne ou nucléaire) ou par pyrogazéification , amélioreront le bilan carbone des exploitations. Elles deviendront plus efficacement « énergie positive ».
A NOTER :
Les projets bas-carbone formalisent la réduction des GES et le stockage de carbone
Les projets bas-carbone agréés par le ministère de la transition écologique reposent sur un catalogue d’initiatives que les agriculteurs choisiront pour tendre vers la neutralité carbone. Ces initiatives permettent d’atténuer l’empreinte carbone de l’exploitation en réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou en stockant du carbone dans le sol.
Pour générer des crédits carbone, l’agriculteur peut être amené à chambouler et à revoir son système. Des mandataires se chargent de faire un diagnostic avant de se lancer dans le projet.
Puis, au terme des cinq années du projet, ils évaluent les tonnes de carbone stockées dans le sol, ou qui ne sont pas émises dans l’atmosphère. Les accidents climatiques (périodes de sécheresse, gels) influent fortement sur le bilan.
En général, les projets bas-carbone permettent de réduire entre zéro tonne et 0,6 tonne de carbone par an et par hectare. Dans certains sols, le potentiel de stockage et de réduction peut atteindre 1 à 1,2 tonne si on cumule des pratiques de stockage de carbone et de réduction des gaz à effet de serre.
Frédéric Hénin
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