Les résultats des élections pour les chambres d’agriculture ont confirmé l’ascendant traditionnel de la FNSEA, tout en montrant également une forme de contestation différente avec une percée de la Coordination rurale par rapport à la Confédération paysanne.
Avec un peu plus de 54 % de participation, les élections pour les chambres d’agriculture ont mobilisé suffisamment pour que leurs résultats soient représentatifs. Bien sûr, dans un monde démocratique, on espère toujours davantage de d’engouement pour les urnes, mais si l’on compare ce chiffre avec ceux d’autres élections récentes, professionnelles ou politiques, on se rend compte rapidement qu’il est bon : les élus peuvent se targuer d’une réelle légitimité.
Au niveau des résultats, la FNSEA, toujours alliée aux Jeunes Agriculteurs, a confirmé son traditionnel leadership, avec 55 % des voix. Un bon score au niveau national, d’ailleurs salué comme tel par son président Xavier Beulin sur une vidéo (lien en fin d’article). Toujours en analysant le scrutin de manière nationale, on se rend comtpe que si les deux principaux opposants ont des scores avoisinant les 20 %, la Coordination rurale est passée devant la Confédération paysanne.
Si l’on descend au niveau des départements, ce changement dans la contestation devient plus criant. La Coordination rurale a su conserver le Calvados et le Lot-et-Garonne, en gagnant en plus la Charente et le Puy-de-Dôme. Ce dernier département est un cas très particulier, puisqu’il y eut deux listes FNSEA (une officielle, l’autre beaucoup moins), et que les deux opposants ont eu un opportunisme que n’aurait pas renié Jacques Dutronc en s’alliant dans une liste unique, qui l’a donc remporté, avec un élu Coordination à sa tête. C’est peut-être en faisant allusion à cette alliance de la carpe et du lapin dans ce département que Xavier Beulin a déclaré : « Nous incarnons un syndicalisme de projet, nos adversaires incarnaient un syndicalisme de rejet« . La formulation peut paraître simpliste, mais l’exemple incroyable du Puy-de-Dôme, de cette alliance de deux idéaux agricoles contradictoires dans le seul but d’obtenir des sièges, lui donne pourtant totalement raison.
De son côté, la Confédération ne conserve qu’un département, la Réunion, à travers la CGPER (confédération générale des planteurs et éleveurs de la Réunion).
La Coordination rurale incarne particulièrement une opposition, contestant telles ou telles décisions, mais sans réellement proposer une alternative. La Confédération joue sur sa proximité avec les « petits » éleveurs, et conserve elle une ligne claire, mais qui apparaît au fil du temps peu efficace face aux changements du monde moderne. En basculant du deuxième vers le premier, l’opposition à la FNSEA change de visage : il s’agit d’abord d’être contre, plus que de suggérer un contre-projet. Parmi les soutiens de la Coordination rurale, de nombreux agriculteurs viennent de la Fédé. On a plus à faire, en l’occurrence, à des déçus de la FNSEA qu’autre chose.
La FNSEA a donc remporté ces élections, c’est indéniable, mais en même temps elle va devoir faire face à une opposition qui la connaît bien, qui a longtemps été dans son sein. Il n’y a d’ailleurs pas que le Puy-de-Dôme qui soit tombé qui soit tombé en raison de la présence d’une liste dissidente, c’est aussi le cas dans la Charente. A noter aussi, pour contrebalancer, qu’il y a eu aussi d’autres départements avec des listes dissidentes, comme la Corrèze, sans que cela ne change la majorité consulaire.
Il va donc appartenir au syndicat majoritaire de poursuivre son chemin avec le maximum de dialogue, vers sa base, mais aussi en l’écoutant. Récemment, au congrès de la FNB 2013 (fédération nationale bovine), le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a été sérieusement sifflé, entre autres pour ses décisions remettant en cause la prime à l’engraissement. Qui plus est, son attitude n’a pas été appréciée, il est venu, a « joué » avec son téléphone portable pendant les autres discours, a prononcé le sien comme prévu sans tenir compte des remarques qui venaient de lui être adressées et qu’il n’a peut-être pas entendues, et n’a pas été salué le moindre éleveur à l’issue de son exercice solitaire.
Sifflé par toute une salle, mais fort peu remis en cause par le siège parisien de la FNSEA, au contraire : il existe sans doute là un fossé à combler au sein même du syndicat de la rue de La Baume. Une partie de la base réclame davantage de défense corporatiste sans concession, la tête préfère rester proche du pouvoir, y compris après le changement de celui-ci, estimant avoir plus à y gagner. La stratégie se tient, mais réclame dialogue pour la compréhension, et quelques exceptions lorsque l’exaspération gagne. Rien de tel qu’une bonne manifestation sur le thème de l’engraissement, par exemple au moment du salon de l’agriculture, pour rabibocher tout le monde…
En savoir plus : http://www.youtube.com/watch?v=ljctP6M9TcI (la réaction de Xavier Beulin, président de la FNSEA) ; http://www.chambres-agriculture.fr/thematiques/elections-2013/tous-les-resultats (les résultats des élections département par département, il suffit de cliquer dessus).