Pour alléger le poste fongicide sur ses céréales, il faut actionner tous les leviers, depuis le choix de variétés peu sensibles jusqu’à l’utilisation de produits de biocontrôle.
La campagne de culture 2020-2021 aura été marquée par un enchaînement inhabituel d’aléas climatiques et de gros contrastes de contexte de production entre régions. S’il y a des disparités selon les zones, les rendements nationaux sont plutôt corrects.
FranceAgriMer l’estime, en blé, à 74,2 q/ha, soit une hausse de 8% par rapport à la moyenne 2016/2020. Pour l’orge, le rendement moyen s’établirait à 69,7q/ha, soit 12% de mieux que la moyenne des 5 dernières campagnes. La pres- sion maladies a été plutôt faible au printemps, mais plus dégradée en fin de cycle, du fait de la plu- viométrie importante. En blé, on a noté une hausse des symptômes de septoriose. En orge, les mala- dies ont été assez discrètes sauf la rhynchosporiose, présente au printemps. Du suivi de ces essais, BASF note une pression maladie tardive mais plus pénalisante que l’an passé, avec, notamment, une augmentation de la nuisibilité de la septoriose et estime la nuisibilité moyenne à 11,9 q/ha en blé (8,8 q en 2020) et à 10,6 q/ha en orge d’hiver (6,1 en 2020).
Les fongicides représentent envi- ron 6% des coûts de production du blé. Autant pour l’environne- ment que pour le portefeuille, leur application doit se raisonner au plus juste. Pour ce faire, les OAD, comme Septo-Lis ou Xarvio Field Manager, sont une aide précieuse en alertant sur le risque, ou non, de développement de maladies fongiques, au regard des facteurs de risques de la parcelle et des conditions climatiques. 10 à 15% des surfaces en céréales sont pilotées avec l’aide d’un OAD.
Autre aide pour alléger le poste fongicide, le développement des variétés résistances, qui arrivent de mieux en mieux à combiner productivité et moindre sensibilité aux maladies fongiques. 44% des surfaces en blé sont emblavées avec une variété peu sensible à la septoriose. La date de semis est aussi un facteur de prévention. Les semis précoces rencontrent globalement plus de problèmes de septoriose.
Par la combinaison de leviers de prévention, de moins en moins de parcelles ont besoin d’une interven- tion en T1. Ce qui est bénéfique à la moyenne annuelle du nombre de traitements. Elle était de 1,75 traitement en 2020, contre une moyenne sur les 10 années pré- cédentes autour des 2. Se passer de T1, c’est 25% d’IFT économisé.
Pour ce T1, se développent des alter- natives par les biosolutions. « Avec Nutrition Santé™, la combinaison d’un biostimulant et d’un fongicide de biocontrôle est une alternative intéressante au T1, sans impact sur l’IFT, suggère Maxime Luneau, chef de marché grandes cultures chez UPL. Le biostimulant à base de Goactiv améliore la vigueur des plantes. Tandis que le biocontrôle apporte une protection face à la septoriose et à l’oïdium. Les essais de notre réseau collaboratif ont montré des gains moyens de 3,8 q/ha ».
Le T2 reste le traitement pivot pour assurer la protection des deux der- nières feuilles des blés, qui contri- buent pour 65% au rendement final. Le choix de son programme devra se faire avec une vigilance accrue face aux résistances. Dans leur note commune, l’INRAE, l’Anses et les instituts techniques donnent des recommandations pour retarder l’émergence et limiter les consé- quences des résistances.
En blé, on assiste à une hausse des souches de septoriose résistantes aux SDHI, avec une moyenne de 18%. Il n’y a pas encore d’impact sur l’efficacité des traitements mais la prévention est de rigueur. Il est donc recommandé de se limiter à une application de SDHI par an. On note de plus en plus de résistance multisite. Pour contrer ce phéno- mène, il faut maintenir, si possible, un fongicide multisite (folpel, soufre) dans son programme.
En orge, il y a de plus de souches (80%) d’helmintosporiose résistantes aux SDHI avec une baisse d’effica- cité notable. Il y a également une forte progression des résistances aux Qol. En quelques années, on est passé de 30 à 70%. Dans les situations où l’helmintosporiose est difficile à contrôler, pour éviter de sélectionner davantage de souches avec des résistances multiples, il est utile d’avoir recours aux mélanges 3 voies Qol + SDHI + IDM.
Parmi le panel des produits, cette campagne a vu le retrait du prochloraze en orge et avoine, du mancozèbe et du thiopha- nate-méthyl. Le tébuconazole est en cours de réexamen au niveau européen, 2022/2023 risque d’être sa dernière campagne. De plus, le mancozèbe est interdit depuis le 31 janvier 2021.
De nouvelles solutions innovantes sont aussi arrivées sur le marché. Après, en 2020, le lancement par BASF de Revysol, premier isopropanol-azole, la gamme a été complétée par Revystar XL, qui associe Revysol avec du Xemium. Revystar XL se montre très efficace, même à faible dose, contre septoriose et rouille en blé. Sur orge, l’association Revystar et Comet 200 apporte une très bonne efficacité face aux maladies majeures (rhynchosporiose, helminthosporiose et ramulariose).
Inatreq apporte un nouveau mode d’action. Ce qui est un outil supplémentaire pour limiter le développement des résistances.
En 2020 également, a été lancé par Corteva, Inatreq (fonpicoxamid), commercialisé sous les noms de Questar et Aquino. D’origine naturelle, Inatreq est issu d’une fermentation bactérienne. Le fonpicoxmaid est un fongicide de la famille des Qil qui apporte un nouveau mode d’action, donc un moyen sup- plémentaire d’enrayer la montée des résistances. Il a montré une bonne efficacité septoriose. Il doit être associé en cas de forte pression rouille brune. En 2021, sera lancé Univoq/Quench, qui associe Inatreq avec du prothioconazole.
Lors de la dernière campagne, BASF a lancé Systiva, le premier traitement de semences pour diminuer le nombre d’applications fongicides en foliaire sur orges de printemps. A base de Xemium, Systiva apporte une protection contre la rhynchosporiose et l’oïdium. En association avec Premis 25 FS, Systiva permet un très haut niveau de protection à la fois contre les maladies des semences et contre les maladies foliaires de début de cycle.
Le segment des biocontrôles voit également des nou- veautés arriver. De Sangosse a annoncé, mi-octobre, l’homologation de Pygmalion, pour de premières utilisations en 2022. Ce phosphonate de potassium est le premier fongicide systémique non classé au niveau écotox. Il devrait pouvoir permettre l’attribu- tion de CEPP. Son mode d’actions multisite contribue à limiter les risques d’augmentation de résistances.
« Il agit directement contre la septoriose et en même temps, stimule les défenses naturelles, avec un effet bénéfique sur le rendement », explique Marie Aubelé, chef de marché grandes cultures chez De Sangosse. Pygmalion est efficace sur la septoriose en blé, épeautre et triticale. Il est également homologué en mildiou sur pomme de terre. « Pygmalion est utilisable seul en T1 sur les variétés tolérantes. Sur les variétés sensibles, il est possible de l’associer avec un soufre par exemple, partage Marie Aubelé. Pour le T2, Pygmalion sera utilisé en association, par exemple avec une SDHI. Il apportera son mode d’action multisite tout en allégeant l’IFT ».
Pour les prochaines campagnes, est attendu Adepidyn (pydiflumetafarm), une nouvelle SDHI de Syngenta, qui est déjà homologuée dans d’autres pays, où elle se montre très efficace sur septoriose. Est également attendu Pavecto (métyltétraprole), une strobilurine proposée par BASF.
Auteur: Cécile Julien