Le gouvernement britannique, le Conseil européen et la Commission européenne doivent trouver un terrain d’entente pour rendre les échanges commerciaux (notamment agroalimentaires) aussi aisés que possible lorsque le Royaume-Uni ne sera plus membre de l’Union européenne. Car, déjà hors de la zone euro, la Grande-Bretagne réalise la moitié de ses échanges agricoles et agroalimentaires avec l’UE.
La forte baisse de la livre sterling observée depuis le 23 juin dernier traduit le désarroi des marchés financiers après avoir appris qu’une majorité des Britanniques souhaite le Royaume-Uni hors de l’Union européenne. Mais cette dévaluation est moins accentuée contre l’euro qu’en 2008, en pleine crise financière. Et à court terme, elle est même une aubaine pour rendre la Grande-Bretagne plus compétitive sur les marchés agricoles, pour exporter par exemple, son blé fourrager et son orge vers l’Union européenne ou à destination des pays tiers. Mais les ventes porteront quoi qu’il en soit sur des quantités limitées.
Le Royaume-Uni réalise la moitié de ses échanges commerciaux de produits agricoles et agroalimentaires avec ses partenaires de l’Union.
Les enjeux commerciaux portent davantage sur l’industrie agroalimentaire et sur les fruits et légumes dont la Grande Bretagne est déficitaire. « La Grande-Bretagne est le 3e client (5,5 milliards d’euros) de la France et son 6e fournisseur (3,5 milliards d’euros). Nous ne savons ni quand, ni comment, le processus de sortie de l’Union Européenne sera enclenché », rapporte François Thaury, analyste chez Agritel. Mais le prochain Premier ministre britannique pourra difficilement s’appuyer sur la chambre des communes majoritairement hostile au Brexit pour trouver du soutien dans les négociations. Des élections législatives anticipées ne sont pas à exclure dans quelques mois, ce qui pourrait encore retarder les négociations.
Toutefois, il est dans l’intérêt des deux parties, aussi bien à Bruxelles qu’à Londres, de trouver un terrain d’entente pour rendre les échanges commerciaux aussi aisés que possible. Il ne faut pas qu’une nouvelle crise économique s’ajoute à la détresse politique dans laquelle est déjà plongée le Royaume-Uni mais aussi l’Union européenne. Un reflux des échanges commerciaux conduirait, par ricochet, à un engorgement des marchés européen et britannique, et à des prix agricoles faibles.
En s’inspirant des accords commerciaux en vigueur entre l’UE et des pays tiers, trois scénarios sont envisageables :
1) Le Royaume-Uni acquiert un statut identique à celui de la Norvège et scelle, dans ce cas de figure, un accord de libre échange moyennant une contribution au budget européen, sans participation aux décisions politiques. Elle est actuellement de 106 livres sterling par Norvégien. A titre de comparaison, la contribution au budget européen de la Grande-Bretagne est de 153 livres par Britannique.
2) Aucun accord commercial n’est conclu et alors les échanges commerciaux seront soumis aux règles de l’OMC stricto-sensu, avec à la clé l’instauration de droits de douane.
3) Enfin, l’Union européenne opte pour un régime des échanges intermédiaire qui reste à définir.
« Le prochain accord commercial dépendra du rapport de force que l’UE saura exercer sur la Grande-Bretagne, qui temporise actuellement pour activer la procédure de sortie », rapporte François Thaury. Dans le contexte actuel, il est difficile d’imaginer que le Royaume-Uni impose son calendrier de négociations ou s’affranchisse d’un marché européen de 500 millions de consommateurs convoité par l’ensemble des pays la planète.
Quid des aides PAC perçues par les agriculteurs britanniques ? Ils les percevront pour 2017 et 2018 puisque le Royaume-Uni continuera encore à financer le budget européen. Mais après ?
Le gouvernement britannique devra conduire sa propre politique agricole en compensant les 3,9 milliards d’aides de la PAC que ses exploitants agricoles perçoivent actuellement. A condition cependant que le Royaume-Uni ait les moyens budgétaires pour financer cette politique agricole. Car dans un contexte dépressif, la priorité du gouvernement britannique pourrait ne pas être l’agriculture. Et alors livrées à eux-mêmes, seules 10 % des exploitations, les plus puissantes, pourraient survivre, selon certaines études d’experts. Mais la Grande-Bretagne sacrifierait alors sa sécurité alimentaire et s’exposerait imprudemment à des marchés agricoles encore plus volatils que sa livre sterling !
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