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Brexit, dangers et opportunités pour la ferme France, les réactions

Après le vote du Brexit (sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne), WikiAgri donne la parole à plusieurs députés européens français en leur demandant leur analyse quant à l’avenir de l’Europe, avec en particulier un zoom sur les retombées pour notre agriculture française.

Cet article sera enrichi au fur et à mesure de la journée
avec les réactions reçues par mails ou communiqués

Les réactions recueillies directement par WikiAgri

Selon Michel Dantin,
bénéficiaire possible inattendu du Brexit :
le mouton français !

Michel Dantin (LR, groupe PPE – majoritaire au Parlement européen – , membre de la commission de l’agriculture et du développement rural au Parlement européen) : « Le Brexit a au moins un mérite, il clarifie la situation : depuis des années les Britanniques profitaient du marché européen sans règle et sans loi. Par ailleurs, exactement on l’avait constaté dans le vote en France en 2005, la composition électorale semble signifier un clivage fort entre une classe populaire qui ne croit pas en l’Europe, et un fonctionnarisme plus proche du système. Ce qui signifie que l’ont n’a pas, au niveau européen, su tirer les conséquences du vote de 2005. Concernant plus directement les agriculteurs, les premiers qui vont souffrir sont les agriculteurs britanniques, qui devraient perdre, selon des projections, entre 17 et 34 000 € par an par exploitation à partir de 2019. Par rapport à la France, nous avons des filières, notamment en vins et spiritueux, qui exportent vers le Royaume-Uni. Pour le cognac et le champagne notamment, il sera important de parvenir à des accords commerciaux entre Europe et Royaume-Uni. Enfin, je voudrais vous faire part d’une conséquence imprévue : quand le Royaume-Uni était entré en Europe, il avait négocié des dérogations concernant les pays du Commonwealth. Et je sais notamment que les Australiens et les Néo-Zélandais étaient très inquiets, avant le vote, pour leurs exportations de moutons vers l’Europe…« 

Selon Eric Andrieu,
revoir la politique européenne,
et la place de l’agriculture dans celle-ci

Eric Andrieu (PS, groupe APSD, vice-président de la commission de l’agriculture et du développement rural au Parlement européen) : « J’ai eu un choc au réveil ce matin car je ne m’attendais pas à ce Brexit. Il faut prendre acte de la situation, et aller de l’avant. Partir sur une dimension de construction. Même si je ne crois pas que d’autres pays demanderont à quitter l’Europe, nous avons l’impérieuse nécessité de « mieux d’Europe ». Cet événement nous oblige à la lourde responsabilité de passer à l’Europe de demain. On ne peut pas ne pas reposer le socle d’un projet politique majeur, où il doit être question de la Défense, du budget, de la zone euro… Remettre la politique, au sens de l’organisation de notre société, au centre des débats, et l’agriculture dans cette politique. Pour l’agriculture justement, la Pac actuelle répond-elle aux attentes de la société vis-à-vis d’elle ? La Pac tient-elle compte suffisamment de la volatilité, de la qualité sanitaire, de la sécurité alimentaire, de la santé, de la nutrition ? Aujourd’hui, il faut se reposer les questions : à quelle société aspire-t-on ? A quelle agriculture ? En tant qu’alimentation, pour occuper les territoires ? Le budget de la Pac représente 38 % du budget européen. Il est de plus en plus remis en cause par les pays les plus libéraux. Nous devons repositionner l’agriculture de telle façon qu’elle puisse continuer à justifier sa part budgétaire.« 

Selon Philippe Loiseau,
les agriculteurs britanniques
ont voté en masse pour le Brexit

Philippe Loiseau (FN, groupe ENL, membre de la commission de l’agriculture et du développement rural au Parlement européen) : « Je sais que les agriculteurs britanniques ont voté en masse pour le Brexit, et je les comprends. L’Angleterre cotise 17 milliards d’euros et en perçoit 6, dont 3,9 pour son agriculture (la France dépense 22 et récupère 13). Elle n’aura donc aucun mal à continuer à donner les mêmes 3,9 milliards pour ses agriculteurs sur les 17 récupérés. Et peut-être même un peu plus. Le cadre budgétaire de la Pac actuelle court jusqu’en 2020. Avec 11 milliards en moins du fait de la sortie du Royaume-Uni, je pense qu’il va falloir le revoir. Par ailleurs, le Royaume-Uni défendant une politique libérale, son absence va probablement permettre à ceux, dont je suis, qui défendent davantage de régulations de mieux faire entendre leur voix. Je pense aussi qu’il faut réfléchir au TTIP, qui était appuyé les Britanniques, et pour lequel je ne vois aucun intérêt pour l’Europe, en particulier pour les agriculteurs, les produits américains n’étant soumis à aucune règle. Ce vote montre aussi une déconnexion entre la Commission et le terrain. Le commissaire Hogan niait la réalité de la crise agricole il y a encore 5 mois même s’il a fini par l’admettre. Moi, avec des collègues, je vais régulièrement sur le terrain, j’étais encore récemment dans les Pouilles pour comprendre la problématique des oliviers dans cette région de l’Italie. Pour conclure, je réaffirme ma vision de l’Europe, une Europe des Nations, avec des échanges entre elles, mais en conservant chacun sa souveraineté.« 

Selon Jean Arthuis,
revoir la Pac pour qu’elle continue
de répondre aux attentes européennes

Jean Arthuis (ancien ministre, UDI, groupe ADLE, membre suppléant de la commission de l’agriculture et du développement rural au Parlement européen) : « Le départ de la Grande-Bretagne suscite de la tristesse. Cela étant, il faut que les choses changent. Les peuples sont trop éloignés des paperasseries de la Commission. Nous devons sortir d’une espèce de clandestinité démocratique. C’est la démocratie qui sauvera l’Europe. Comment se fait-il que le Parlement européen ne vote pas l’impôt ? Le budget européen échappe au contrôle des élus. Nous avons besoin d’une Europe forte face aux enjeux de la mondialisation. Je suis pour une nouvelle convention refondatrice de l’Europe qui tienne compte des attentes de ses citoyens. Je suis également pour l’intégration, notamment en terme de monnaie : c’était le problème avec le Royaume-Uni qui refusait l’euro, et qui donc refusait une participation pleine et entière. Concernant l’agriculture, cela fait deux ans qu’un système de libre-échange est à l’origine d’une crise qui dure. Des éleveurs ou des laitiers de talent abandonnent la profession… Là aussi, nous devons revoir notre Pac, pour qu’elle continue de répondre à notre objectif d’indépendance alimentaire de l’Europe. » Davantage de précisions sur les propositions de Jean Arthuis par rapport à l’Europe sur ce lien.

Autres réactions, communiqués

Marc Tarabella (député européen belge, socialiste, groupe APSD, membre de la commission de l’agriculture et du développement rural au Parlement européen) dans un communiqué : « Les Britanniques ont finalement dit non à l’Europe. C’est bien sûr un échec mais cela peut devenir une opportunité. Un échec parce que le projet européen tel qu’il est ne convainc plus les foules, un échec aussi pour David Cameron qui, pour se faire réélire, a ouvert une boîte de Pandore qu’il n’a jamais réussi à refermer. Mais c’est aussi une opportunité : celle de recommencer l’ouvrage sur de bonnes bases en réformant profondément les règles de fonctionnement et les institutions européennes, avec les États membres vraiment motivés par le projet, et en évitant de proposer une Europe à la carte : une Europe qui fonctionne et qui réponde de manière plus efficace aux attentes des citoyens. Cela passera par une profonde remise en question ! » Il poursuit plus loin dans le communiqué : « De toute façon, nous ne pouvions plus rester avec une Grande Bretagne qui a un pied dedans et un pied dehors. Si tu veux participer à la stratégie de l’équipe, tu montes sur le terrain et tu participes plutôt que de crier tes consignes confortablement assis dans les tribunes. » Pour conclure : « Généralement c’est le Conseil, c’est à dire les gouvernements nationaux, qui bloquent les avancées européennes. La règle d’unanimité de cette confédération d’États membres amène l’Europe à faire de tièdes compromis quand elle n’est pas totalement paralysée. Le fiasco est très perceptible en matière fiscale par exemple, ou lors de la prise de sanction envers un État membre. Il est indispensable de changer les règles, de réformer les institutions européennes et de repenser l’Europe que ce soit en matière de gouvernance de la zone euro, de communauté de défense ou de politiques de migration et d’asile, tout en remettant les valeurs sociales et humaines aux devants des préoccupations.« 

Le communiqué de presse de la FNSEA : « Brexit : l’Europe ne va plus de soi ! Le Royaume-Uni a choisi d’entamer une procédure de divorce à l’amiable avec l’Union européenne. Les mois et années à venir doivent être utile à l’Union européenne. Nous ne pouvons plus traiter les sujets communautaires « Bussiness as usual ». Au niveau agricole aussi, nous devons nous positionner sur ce que l’on veut : quelle Europe et quelle Politique agricole Commune ? En cette période difficile où l’Union européenne se cherche, le résultat de ce referendum appuie là où ça fait mal. Le Brexit met en lumière le clivage entre les attentes des peuples et les institutions européennes. Il est indispensable de repenser notre relation à l’Union européenne et redonner du sens démocratique au projet européen. Avec ou sans les britanniques, nous devons consolider le projet européen autour d’une vision de long terme, et le secteur agricole, qui a été pendant longtemps un ciment européen, peut et doit être considéré comme un enjeu géostratégique européen. Nos amis britanniques demeurent des partenaires incontournables, particulièrement dans le secteur agroalimentaire : le Royaume-Uni est le 3e client européen de la France avec une valeur commerciale de 5,5 milliards d’euros, et 6e fournisseur de la France avec 2,5 milliards d’euros.« 

Le communiqué de presse de la Coordination Rurale : « Brexit : la vox populi a dit « stop » à la dérive de l’Union européenne. Les citoyens britanniques ont rendu leur verdict hier et sortiront à terme de l’Union européenne (UE). Les bourses s’affolent, les réactions fusent. Au-delà des réactions à chaud, la Coordination Rurale espère que cette décision sonnera enfin comme une alerte salutaire aux oreilles particulièrement sourdes des gouvernants européens et des institutions de l’UE. Certains analystes mettent en avant comme raison majeure du Brexit, un rejet xénophobe lié à l’immigration. La CR y voit plutôt une volonté de reprendre politiquement le pouvoir, pour ne plus le laisser à une instance technocratique telle que la Commission européenne. Celle-ci doit retrouver sa place de coordinatrice plutôt que de décideuse, et laisser ce soin aux parlementaires. Les agriculteurs britanniques sont, comme tous les agriculteurs européens, sous perfusion des aides de la Politique agricole commune (PAC) qui leur permettent, plus ou moins durablement, de survivre. Leur  sortie de l’Union européenne n’est certes pas pour demain mais que deviendront alors ces agriculteurs ? Cette dépendance perverse doit cesser, à travers une réforme politique (et non technocratique) de modernisation de la PAC, vers davantage de régulation avec une réelle préférence communautaire pour retrouver des prix rémunérateurs. Sinon, la course au moins-disant verra se poursuivre cette guerre pour les prix les plus bas dont tous les agriculteurs sont victimes et qui entraînera la dissolution de l’idéal européen. L’Union européenne, tout particulièrement sa Commission de hauts fonctionnaires, doit sans délai se ressaisir et se réformer dans le respect de la volonté des citoyens. C’est la seule réponse acceptable au message de détresse et de lassitude profonde lancé par le peuple britannique. Un rejet des accords bilatéraux récemment signés ou qui pourraient l’être prochainement sera aussi la preuve que la transparence et l’intérêt général sont redevenus des valeurs fortes pour l’Europe. C’est bien l’avenir de l’Europe avec tout ce qu’il porte en termes de paix et de prospérité qui est en jeu. La Coordination Rurale réitère ses propositions de nouvelle Politique agricole commune pour re-cimenter la construction européenne dans l’esprit de ses traités fondateurs.« 

Le communiqué de presse des Chambres d’agriculture (APCA) : « Brexit : fracture de l’Union européenne ? Nécessité de reconstruire l’UE ! Les citoyens du Royaume-Uni ont voté en faveur de la sortie de l’Union européenne. Ce vote met en lumière les divergences sociales et géographiques au sein du Royaume- Uni. Cette décision marque un coup d’arrêt à la construction européenne et constitue la plus mauvaise nouvelle pour l’Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale.
Une période incertaine s’ouvre et interroge dès maintenant sur les capacités à insuffler un souffle nouveau ! Selon Guy Vasseur (Ndlr : président des Chambres d’agriculture) : « Il faut revoir les fondations de l’Europe pour répondre aux aspirations des peuples européens et repenser l’idéal européen autour de ses valeurs de paix, de solidarité, de développement et de prospérité. » Le choc de cette décision laisse l’Europe agricole et la France dans une forte incertitude pour l’avenir.
Quelles conséquences pour la Politique Agricole Commune actuelle et post 2020 ? Cependant les relations commerciales entre la France et le Royaume-Uni doivent perdurer dans l’intérêt des deux pays. Les Chambres d’agriculture continueront à œuvrer pour la construction européenne et un projet agricole répondant aux aspirations de la société et des européens.« 

 

Les résultats

Participation : 72,2 %

Ensemble Royaume-Uni : Brexit 51,9 % ; remain (rester dans l’Europe) 48,1 %.

Angleterre : Brexit 53,4 % ; remain 46,6 %.

Ecosse : remain 62 % ; Brexit 38 %.

Irlande du Nord : remain 55,8 % ; Brexit 44,2 %.

Pays de Galles : Brexit : 52,5 % ; remain : 47,5 %.

 

Notre illustration ci-dessous est issue du site Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/103448222.

1 Commentaire(s)

  1. L’Europe et la France prennent les paysans pour des demeurés ( outils d’aides à la décisions, justifier notre travail par des organismes agréés, homologation des noms commerciaux et non des matières actives…) et maintenant on doit produire gratuitement pour nourrir les habitants de cette europe de technocrates . Merci les anglais, ils vont peut être se bouger.

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