Lorsque le Royaume-Uni aura quitté l’Union européenne, les échanges commerciaux baisseraient de part et d’autre de 60 %, selon une étude du Parlement européen « EU-UK agriculture trade: stay of play and possible impacts of Brexit ». La France ne sera pas épargnée mais certaines filières s’en sortiraient relativement mieux que d’autres. Moins concurrencées, les filières d’élevage pourraient reconquérir le marché intérieur et exporter plus.
Le Conseil européen « fait sien l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Dès lors, le Conseil européen invite la Commission, le Parlement européen et le Conseil à prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’accord puisse entrer en vigueur le 30 mars 2019, afin de permettre un retrait ordonné ».
Les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 Etats-membres ont donc approuvé, ce 25 novembre, le projet d’accord, un document de 585 pages qui décrit en détails l’organisation des relations commerciales et institutionnelles entre l’Union européenne et le Royaume Uni.
Si l’accord est approuvé par les parlements britannique et européen, le 30 mars 2019 sera la date effective du Brexit. Le Royaume-Uni ne siégera plus dans les institutions et dans les agences de l’UE, mais sa situation restera inchangée en ce qui concerne l’accès au marché unique, l’union douanière, et les politiques européennes « avec leurs droits et leurs obligations ».
L’enjeu de l’accord commercial porte sur les droits de douane mais surtout sur les normes et la réglementation. Après 2021 le projet d’accord reconnaîtrait les indications géographiquement protégées. Mais qu’en sera-t-il de l’étiquetage sur l’origine des matières premières agricoles utilisées et de la provenance des produits transformés en produits?
Les syndicats agricoles sont vent debout contre les accords commerciaux du Ceta et du Mercosur mais restent bien silencieux sur les conséquences économiques du Brexit. « Le syndicalisme majoritaire fait confiance à Michel Barnier, commissaire européen chargé des négociations sur le Brexit. Il a été entre 2007 et 2009 ministre de l’agriculture en France », explique Michel Dantin, député européen et spécialiste des questions agricoles.
Pourtant les enjeux commerciaux sont colossaux pour l’agriculture française et ses agriculteurs.
Si aucun accord commercial entre l’Union européenne et le Royaume-Uni n’est conclu par les parlements britannique et européen, l’embargo russe décrété en 2014 sur les produits frais pourrait finalement n’avoir été qu’un avant-gout de ce qui se passera si le marché britannique de 65 millions de consommateurs n’est plus accessible.
Or le Royaume-Uni est un énorme importateur de produits agricoles. Depuis la fin du XVIIIe siècle, il a garanti sa sécurité alimentaire en important massivement les matières premières qu’il a renoncé à produire pour donner la priorité au développement de son industrie.
La France, les Pays-Bas l’Allemagne et surtout l’Irlande seraient les quatre pays de l’Union européenne les plus impactés par le Brexit.
Selon une étude du Parlement européen publiée en 2017 « EU-UK agriculture trade: stay of play and possible impacts of Brexit », l’Union européenne exportait 47 milliards de dollars de produits agricoles et agroalimentaires (soit 3,2 % des échanges mondiaux) et importait 18 milliards de dollars dans les années 2013-2015 (années prises en référence).
Mais le rétablissement de mesures douanières imposées par l’accord commercial réduirait de 62 % les échanges commerciaux. De part et d’autres des côtes de la Manche, le gouvernement britannique et l’Union européenne instaureraient des taxes à l’importation et des mesures restrictives non tarifaires très élevées. Elles renchériraient les prix des produits importés.
Selon le Parlement européen, la protection des exportations de l’UE27 vers le Royaume-Uni sera toutefois supérieure (+63 % en additionnant les mesures tarifaires et non tarifaires) à celle imposée par le gouvernement britannique vers l’UE 27 (53 %).
Par ailleurs, ces taux de protection masquent des disparités. L’importation de viande européenne par le Royaume Uni pourrait être taxée à hauteur de 40 % et les mesures restrictives non tarifaires équivaloir à une taxe de 46 %. Pour les produits laitiers, les ratios seraient respectivement de 42 % et 83 %.
Le renchérissement des produits britanniques importés et taxés rend « l’origine France » plus compétitive sur le marché européen et hors de l’Union européenne. Les industries agroalimentaires du Royaume-Uni, une fois sorti de l’Union européenne, seront pénalisées par les prix des matières premières importées pour être transformées. L’Irlande serait dans le même cas de figure car elle ne pourrait plus compter sur la Grande Bretagne pour contractualiser l’achat de commodités bon marché.
Mais certaines filières européennes (cigarettes tchèques, brocolis espagnols), très dépendantes du marché britannique pourraient ne pas se remettre de la politique douanière du Royaume-Uni. En France, les productions de conserves pour chiens et chats, le cognac et les vins seront très impactées par le Brexit.
A l’horizon de 2030, l’étude du Parlement européen sur les conséquences économiques du Brexit envisage plusieurs scénarios selon la solution apportée au différend douanier et frontalier entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord.
Dans l’hypothèse où le Brexit entrera en vigueur sans complication (sans entraves commerciales entre les deux Irlande), les exportations agroalimentaires de l’UE27 vers le Royaume-Uni baisseront en 2030 de 34 milliards de dollars et les importations de 19 milliards de dollars.
Les filières européenne d’élevage seraient les plus touchées : la viande blanche (- 5,2 milliards $, – 10,5 %) et des produits laitiers (- 4,6 milliards $, soit – 7 %).
D’ici 10 ans, le Royaume-Uni n’importerait plus de viandes rouges et blanches d’Union européenne mais aussi de produits laitiers. Les importations de produits transformés diminueraient de plus de 70% et celles d’alcool de 24 %.
En fait, le Royaume-Uni relocaliserait l’industrie agroalimentaire. Le Royaume-Uni restera déficitaire en céréales et en oléo-protéagineux qu’il importera à des prix plus élevés. Mais le marché britannique échappera à l’Union européenne. Plus de sucre ne serait exporté et importé et, le marché des céréales se contracterait de plus de 70 % dans les deux sens.
A l’horizon de 2030, l’Irlande sera le pays le plus impacté par le Brexit puisque 46% du total des importations agroalimentaires irlandaises sont britanniques (contre 4% pour moyenne pour les autres pays européens). Les pertes sont estimées à 6,7 milliards de dollars car le pays vendrait moins de viande bovine et de produits transformés. Aussi, il y a toutes les raisons de penser que les produits invendus en Grande-Bretagne engorgent le marché européen continental.
A l’échelle des pays, la France serait le troisième membre de l’Union européenne, après les Pays-Bas, le plus impacté par le Brexit.
En fait, les pays qui exportent majoritairement des produits transformés sont les plus pénalisés par le Brexit que ceux qui vendent des matières premières. C’est pourquoi la Belgique serait très affectée.
« Cependant, un retour aux règles de l’OMC représenterait une opportunité si la demande intérieure des pays exportateurs compense les parts de marché perdues outre-Manche », défend le Parlement européen qui prend comme exemple, pour appuyer ses propos, la filière de bovins viande en France.
Les échanges commerciaux entre le pays de l’UE27 augmenteraient de + 1 % et ceux avec les pays tiers de 0,9 %. Cependant, cette relance atténuera seulement la baisse des exportations totales de l’UE27 estimées à 28 milliards de dollars (soit 4,1 %).
Toutefois, le départ de la Grande-Bretagne ne génèrera pas en France une poussée inflationniste et une baisse de la consommation de produits alimentaires. Outre-Manche, l’inflation des prix des produits alimentaires à la consommation est inévitable et redoutée en Irlande (+ 5 %). Elle se traduirait par une baisse du pouvoir d’achat des ménages et de la demande de produits alimentaires (- 0.5 %). En Belgique et aux Pays-Bas, les consommateurs seraient aussi pénalisés.
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