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Betterave, les planteurs pour l’instant encore à l’abri de la volatilité du marché

Les fabricants de sucre en France, soucieux de ne pas rater la sortie des quotas sucriers, ont convaincu leurs planteurs d’augmenter sensiblement leurs surfaces de betteraves. Pour ce faire, ils ont garanti dès l’hiver dernier, souvent dans le cadre de contrats pluriannuels, les achats de betteraves à un prix proche du filet de sécurité de l’ancien régime sucrier autour de 25 euros la tonne. L’évolution à la baisse des cours mondiaux du sucre ces derniers mois menace cependant la pérennité de ce prix, selon François Thaury, d’Agritel.

Sur le marché mondial, le cours du sucre roux est tombé à 0,14 dollar US la livre alors qu’il était de 0,23 dollar un an auparavant, à la même époque. Mais pour les planteurs de betteraves, la campagne 2017/2018 est quasiment pliée. Une bonne partie de la production sera payée autour de 25 € la tonne car les sucreries se sont positionnées dès l’hiver dernier pour les motiver à cultiver davantage de betteraves et faciliter la sortie des quotas. Ce niveau de prix est finalement assez proche du minimum garanti à l’époque des quotas.

Pour être plus compétitives, les sucreries ont en effet besoin de transformer de plus grandes quantités de betteraves afin de réduire leurs couts de production unitaires (par tonne de sucre) et amortir plus aisément leur outil industriel.

Cette année, leur vœu est exaucé. Dans un communiqué paru au début du mois de septembre, le ministère de l’agriculture a publié une augmentation de la surface de + 17 % par rapport à 2017. Contacté, François Thaury, directeur Soft Commodities à Agritel « mise sur une croissance des surfaces de l’ordre de + 20 % », comme la CGB. « Avec des rendements attendus à 91,8 tonnes par hectare de betterave (à 16 % de sucre), en hausse de 4,5 t/ha par rapport à la moyenne 5 ans, la récolte française de sucre pourrait être supérieure à 6 Mt après une campagne très décevante de 4,7 Mt l’an passé. »

Des rendements meilleurs (+ 4,5 t/ha), une surface plus importante et des conditions climatiques plus favorables que l’an passé expliquent cette croissance attendue de près de 30 %. En conséquence, les sucreries prévoient une durée de campagne de 130 jours contre moins de 100 jours l’an passé.

Accroître leurs surfaces de betteraves, les planteurs y étaient prêts après 50 ans de quotas. Globalement, ils ont répondu favorablement à la demande des industriels, encouragés par la confédération des planteurs de betteraves. L’hiver dernier, dans un contexte de prix élevés, il fallait marquer le coup !

Les planteurs ont de toute façon le matériel nécessaire pour produire plus de racines et au niveau actuel des cours des céréales à paille (130 € la tonne payée aux producteurs), la culture de betteraves reste plus rémunératrice. Et plus les surfaces sont importantes, plus les gains en termes de coûts de production sont importants.

La France, premier producteur européen de sucre, se devait d’être présente sur les marchés mondiaux dès le 1er octobre prochain, premier jour de la saison de la première campagne sucrière sans quotas.

Un tournant pour toute la profession

« A partir du 1er octobre 2017, la fin des quotas sucre est officiellement actée, et la filière, même si elle se prépare à cette échéance depuis de nombreuses années, va devoir faire face à une plus grande volatilité des prix et à une plus forte concurrence », écrit la CGB dans un communiqué paru le 11 septembre dernier.  Ce changement est source d’opportunités mais aussi de risques. La France pourra dorénavant exporter du sucre sur le marché mondial sans limites mais il est impératif qu’elle soit compétitive. Cependant, la baisse des cours du sucre ces derniers mois refroidit quelque peu les ardeurs.

« Le retournement de conjoncture observé depuis le début de l’année s’explique par le retour à une situation excédentaire sur le marché après deux saisons déficitaires. Cette amélioration est bien sûr due à la hausse de la production européenne attendue mais également au redressement de la situation en Inde et dans les pays du sud-est asiatiques », analyse François Thaury.

« Dans les autres grands pays européens producteurs de sucre, les planteurs ont aussi joué, cette année, la carte de la reconquête des marchés après avoir été bridés pendant des années par les quotas et par la restructuration de la filière européenne », ajoute l’expert.

Pour rappel, elle avait été imposée par la Commission européenne et par la Commissaire de l’agriculture alors en fonctions, Marianne Fischer Boël. La fin des quotas se traduit surtout par une relance de la production de la betterave dans les pays producteurs et non pas, par le retour des états membres de l’Union qui avaient renoncé à leur filière sucrière il y a une dizaine d’année, à l’occasion notamment de la réforme de 2006.

Sans incident climatique majeur jusqu’à la fin de la récolte qui a commencé il y a quelques jours, l’Union européenne produira probablement un peu plus de 20 millions de tonnes de sucre. Elle deviendra alors cette année exportatrice nette, une première depuis de nombreuses années !

A l’export, la compétitivité de la France est primordiale, tout d’abord vis à vis des pays de l’Union qui sont déficitaires mais également vis-à-vis des pays tiers. A noter que l’Union conserve pour l’instant les droits à l’importation déjà en vigueur. Ils limitent l’entrée de sucre étranger (seul le sucre en provenance des pays de la zone ACP et des pays les moins avancés ne supporte pas de droits,  les autres pays exportateurs ont des quotas à droits réduits). La France fera face à une concurrence très rude et imprévisible avec des cours du sucre très volatils. Ces derniers mois, le recul du dollar pénalise un peu plus la compétitivité des exportations françaises de sucre.

Pour 2018, la situation deviendra tendue si les cours ne se redressent pas. Les sucreries se sont déjà positionnées sur les marchés à la vente pour une partie de la prochaine récolte, mais les cours du sucre mondiaux reflètent déjà un cours inférieur aux 25 €/tonne payés aux planteurs.

Le moyen terme est donc rempli d’incertitudes. Le marché mondial du sucre va rester excédentaire l’an prochain et la faiblesse du dollar risque de peser encore sur les cours du sucre en euros. Dans ce contexte, l’amélioration de la compétitivité des sucreries, avec l’optimisation de leurs capacités industrielles est la bienvenue.

Si les cours du sucre restent aussi déprimés, il est vraisemblable que le prix d’acompte de la betterave payé par les sucriers soit moins généreux sur les prochains exercices. Quelle sera l’attitude des planteurs si la betterave est rémunérée sous les coûts de production ? Or moins de volume renchérirait de nouveau les coûts pour les fabricants réduisant leur compétitivité.

Les professionnels de la filière espéraient sans doute un meilleur contexte de prix pour cette sortie des quotas tant attendue !

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