Pour assurer une bonne protection fongicide à son colza, tout se joue à la floraison. Il faut surveiller, et si besoin, traiter le sclérotinia, tout en adaptant sa stratégie aux risques de maladies secondaires.
La lutte contre le sclérotinia reste le pivot de la protection fongicide du colza. En effet, le sclérotinia reste la maladie présentant le plus de risques, même s’il n’y a pas de grosses attaques sur les dernières campagnes. « En 2019, le printemps a été assez sec, ce qui est défavorable aux maladies fongiques, constate Franck Duroueix, responsable de l’évaluation des intrants chez Terres Inovia. 2019 a été une année plutôt saine. Il n’y a pas eu trop de problème de sclérotinia, un peu de mycosphaerella dans l’Ouest. » Pour autant, il ne faut pas baisser la garde. Les sclérotes se conservent plusieurs années dans le sol et le champignon peut vite repartir à l’attaque des parcelles en cas de conditions climatiques favorables.
Au regard des risques, le fongicide est à apporter au stade G1, à la chute des premiers pétales. Pour une pleine efficacité, attention à bien cibler ce stade, qui n’arrive pas forcément en même temps pour toutes les variétés.
Sont autorisées trois familles de molécules : SDHI, triazoles et strobilurine, avec des modes d’action différents. Les SDHI et le prothioconazole restent les plus efficaces. Il faut les utiliser en association pour prévenir le développement de souches résistantes.
Si, au regard des Bulletins de Santé du Végétal, de la rotation et de l’historique des attaques, le risque est faible à modéré, une protection suffisante est possible avec toutes molécules y compris les packs incluant du biocontrôle (Rhapsody, Polyversum). Si le risque est plus fort, lors de retour fréquent du colza dans la rotation (type colza/ blé/orge) ou en cas d’historiques d’attaques sévères, les SDHI restent les plus efficaces, toujours combinés avec un autre mode d’action. Les triazoles apportent un complément d’efficacité face au sclérotinia et une action intéressante contre les maladies secondaires.
Homologué fin 2018, Haregi contient de l’isofétamide (SDHI). Il est homologué à 0,8 l/ha mais recommandé à 0,4 l/ha en association, par exemple, avec une triazole à choisir selon les maladies secondaires. « Haregi a donné de très bons résultats sur les essais comme en cultures pour cette première campagne, apprécie Bertrand Boulet, responsable de marché grandes cultures chez Belchim. Nous proposons Haregi en pack, disponible avec trois différentes molécules, deux triazoles (metconazole ou difénocanazole) ou une strobilurine (azoxystrobine) pour apporter une solution complète face aux différents complexes de maladies. »
Toujours dans la famille des SDHI, une nouveauté BASF est en attente d’autorisation de mise sur le marché (AMM). « Ce produit, à base de boscalid et de pyraclostrobine, s’annonce très intéressant sur le sclérotinia, aussi contre les maladies secondaires », présente Eneko Barthaburu, responsable du marché colza.
Au regard des essais de Terres Inovia, les stratégies en deux traitements sont rarement rentabilisées. On peut éventuellement valoriser une deuxième intervention sur la façade maritime de Normande ou dans le CentreOuest, en cas de forte attaque de mycosphaerella.
Comment évaluer les risques
Les Bulletins de Santé Végétale suivent le risque sclérotinia au niveau régional. Les techniciens utilisent des « kits pétale » mis au point par Terres Inovia, qui indiquent la présence de spores au stade F1 (50 % des plantes avec une fleur ouverte).
Après, cette évaluation doit être affinée au niveau parcellaire, selon la rotation, avec les attaques des années antérieures, les conditions météo… Ce n’est pas toujours facile car le sclérotinia est une maladie insaisissable, difficile à modéliser. Encore peu d’OAD donnent une approche de ce risque. « Avec les bulletins santé végétale, on sait si des spores sont présents, mais il est difficile de prévoir si les sclérotes vont se développer ou pas », reconnait Bertrand Boulet. D’où la nécessite d’un niveau de protection minimum car quand elle s’exprime, la maladie cause beaucoup de perte.
« C’est une maladie imprédictible mais qui se contrôle bien par un traitement préventif, confirme Eneko Barthaburu. En moyenne, le traitement contre le sclérotinia permet un gain de rendement de 3 quintaux, car il agit aussi contre maladies secondaires. Cela peut monter jusqu’à 15/20 quintaux en cas de grosses attaques. »
Dans leur note commune, l’Anses, l’INRA et Terres Inovia rappellent que des souches de champignons présentent des résistances, notamment aux SDHI, mais à un niveau faible et maintenu stable, notamment grâce à l’utilisation d’associations de molécules. A ce jour, il n’y a pas de perte d’efficacité. Pour continuer à prévenir ces risques, il est recommandé de ne pas employer de SDHI seul, de se limiter à une application de SDHI par an, d’allonger les rotations et éviter les couverts sensibles au sclérotinia (moutarde) dans les zones où des résistances ont été détectées.
Pour protéger son colza des attaques de champignons, on peut opter pour des produits de biocontrôle. Sont homologués : Ballad, de DuPont; Polyversum, de De Sangosse ; Rhapsody, de Bayer. Le biocontrôle est intéressant pour baisser l’IFT, mais il faut l’utiliser en association pour arriver à une efficacité technico-économique suffisant. En effet, à ce jour, le biocontrôle reste insuffisant en cas de fort risque. « Dans leur ensemble, les produits de biocontrôle ont une efficacité basse, ne cache pas Franck Duroueix. Elle est de 20 à 30 % en cas de pression modérée et descend à 10/15 % si la pression est forte. Nos essais n’ont pas montré de différence entre une demi-dose de fongicide avec ou sans biocontrôle. Peut-être est-ce parce que le fongicide agit avant le biocontrôle ? Nous continuons à les évaluer et à regarder le meilleur positionnement. » En revanche, le biocontrôle a montré son intérêt pour limiter le potentiel infectieux. Contans WG, appliqué en pré-semis, détruit les sclérotes au sol. « C’est contraignant mais il y a un vrai cumul d’efficacité dans les situations à forte pression », souligne Franck Duroueix.
Une autre piste pour consolider l’efficacité de sa protection fongique est celle des adjuvants. Homologué récemment, LE 846 de De Sangosse, améliore la rétention des gouttelettes de fongicides sur les plantes. Il est homologué pour toutes les grandes cultures.
Une sole de colza encore en baisse
Bis repetita, encore une fois, les semis se sont faits dans le sec avec des colzas mal démarrés. S’y sont ajouté des attaques d’insectes toujours difficiles à gérer. Certains semis précoces ont bénéficié de pluies d’orage. Les semis tardifs s’en sont mieux sortis grâce aux pluies de septembre. Entre les surfaces non semées et celles retournées, la sole de colza plafonnera entre 1 à 1,1 million d’hectares, contre en moyenne 1,5 à 1,6 million. « Pourtant, le colza reste intéressant, encourage Franck Duroueix. C’est une tête de rotation incontournable, qui dégage de la marge, signaux positifs avec de nouvelles solutions de désherbage. »
C. J.