Diversifier l’assolement de son exploitation en introduisant une culture de pois ou de colza modifie favorablement son bilan carbone. Ces nouvelles cultures accroissent aussi les rendements des autres productions de l’assolement.
Des assolements diversifiés ont des vertus agronomiques mais aussi des vertus écologiques et des vertus économiques avec à la clé une amélioration sensible du bilan carbone des exploitations qui se lancent dans cette voie. Ces mêmes exploitations voient aussi leur marge nette s’accroître.
Lors d’un webinaire présenté le 22 septembre dernier, des chercheurs de Terres inovia ont livré les résultats de plusieurs expériences conduites dans des exploitations grandes cultures.
Dans le Barrois, cultiver 180 hectares de blé, de colza et d’orges génère chaque année l’émission de 479 tonnes de CO2 dans l’air. Par ailleurs, le stock de carbone organique dans le sol est réduit de 420 tonnes par an. L’assolement triennal pris en référence est blé-blé-orge-colza.
En introduisant une culture de pois entre les deux cultures de blé et associant trois cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan) après le colza, après le blé et après le pois, comme l’exige la réglementation de la Pac, les émissions de gaz à effet de serre de l’exploitation expérimentale sont réduites de 109 tonnes par an (89 tonnes après rabais), selon Terres Inovia.
Ce nouvel assolement (blé pois blé orge colza) émet 67 tonnes de CO2 en moins par an et 42 tonnes de carbone en moins sont déstockées chaque année.
Par ailleurs, le rendement de la culture de blé qui suit celle de pois s’accroit de près de 10 %, passant de 61 q/ha à 68 q/ha.
Plusieurs mécanismes entrent en jeu pour réduire les quantités de gaz à effet de serre émises quand une légumineuse est introduite dans l’assolement de l’exploitation « grandes cultures » prise en exemple.
Tout d’abord, quasiment aucun apport d’engrais azoté minéral n’est programmé l’année pendant laquelle le pois est cultivé. Les racines des plantes captent l’azote atmosphérique utile dans le sol pour se développer après l’avoir transformé en nitrates.
Aussi, les tonnes de CO2 qui auraient été émises pour fabriquer les quantités d’engrais azotés, indispensables pour cultiver une céréale à la place du pois, sont évitées.
L’année suivante, une parcelle de blé nécessite 20 à 60 kg /ha d’azote minéral en moins puisque le précédent est un pois et non une céréale. De même, une parcelle de colza nécessite 30 kg à 60 kg d’azote en moins si le précédent cultural est un pois.
Par ailleurs, jusqu’à 78 % de protoxyde d’azote en moins sont émis l’année de la culture de la légumineuse sur la parcelle (entre 500 et 1 000 kg équivalent de CO2 par hectare contre 3500 kg /ha pour un blé).
Enfin, l’introduction du pois améliore la structure du sol et facilite l’implantation de la culture qui la succède. Les rendements sont améliorés de 6 à 12 quintaux par hectare s’il s’agit d’une culture de blé après un pois et jusqu’à 3 quintaux par hectare, s’il s’agit d’un colza.
Les cultures intermédiaires implantées:
produisent de la biomasse supplémentaire. Davantage de carbone organique est ainsi stocké dans le sol.
Les résultats des expériences similaires menées dans d’autres régions confortent celle décrite dans l’exemple retenu dans le Barrois.
Introduction de colza dans un assolement
Dans une exploitation de 201 ha en grandes cultures industrielles (Haut de France), où sont cultivées des betteraves sucrières (86t/ha) et des pommes de terre (45 t/ha), l’introduction de colza (32 q/ha) à la place des pommes de terre dans l’assolement améliore aussi le bilan carbone de l’exploitation.
A la suite de l’introduction du colza, le bilan carbone s’est amélioré de 138 t de CO2 par an (111 t après rabais), selon Terres Inovia. 17 tonnes en moins de CO2 sont émises dans l’air et 121 tonnes de carbone organique ne sont pas destockées grâce à notamment l’enfouissement des résidus de culture du colza.
Dans ce cas de figure, l’assolement betteraves- blé- orges de printemps- pommes de terre – blé tendre devient alors betteraves – blé- orge de printemps – colza et blé tendre avec évidemment entre ces production, l’implantation de cultures intermédiaires. Et ce ne sont plus de 1 976 tonnes de CO2 par an qui sont émises chaque année mais 1838 t.
Qu’il s’agisse de l’introduction du pois ou du colza dans l’assolement des deux exploitations agricoles prises en référence, l’impact économique des modifications agronomiques apportées est sensible.
Dans ces exploitations prises en exemple, les charges opérationnelles ont baissé et les marges semi nette ont progressé.
Dans le contexte inflationniste actuel, faire une simulation serait hasardeux. Les résultats obtenus seraient très vite contestés. Cependant les prix des graines récoltées sont très élevés et les économies d’intrants réalisées représentent des gains substantiels.
Si les tonnes de gaz à effet de serre non émises (ou évitées) sont rémunérées dans le cadre de valorisation des crédits carbone, de nouveaux gains s’ajouteront à ceux déjà mentionnés précédemment.
Leurs montants dépendront du prix de la tonne de carbone auquel ces quantités de CO2 évitées sont valorisées. Mais quoi qu’il en soit, ces produits supplémentaires accroîtront les marges nettes des exploitations engagées dans la réduction des émissions de gaz.
Légende photo: paysages de la Limagne en Pays d’Auvergne. Coteaux, plaines et bassins de la vallée de l’Allier entre Vichy et Gannat (@Marc).
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