L’indépendance en protéines végétales et animales de l’Union européenne dépasse le seul domaine agricole. La renforcer exige la mobilisation de la recherche et un changement du comportement alimentaire des consommateurs, selon le think tank Agridées. et les agriculteurs n’ont pas toutes les clés en main pour y parvenir.
La souveraineté alimentaire est un enjeu géopolitique. Le think-tank Agridées (ex Saf) publie une note avec des propositions pour améliorer l’indépendance de l’Union européenne en protéines végétales et animales, un des piliers de sa souveraineté alimentaire de l’Union européenne.
Il ne s’agit pas de bâtir un nouveau plan protéines mais d’en accroître les productions, les ressources et d’optimiser leurs utilisations en fonction des besoins nutritionnels des animaux et des hommes. Le recours aux importations fait aussi partie des options. L’indépendance n’est pas l’autonomie.
Du reste, l’UE ne peut pas se passer de soja. Elle n’en récolte que 3 millions de tonnes (Mt) alors que l’élevage européen en consomme plus de 35 Mt plutôt bon marché à l’achat comparées aux autres commodités. L’indépendance en protéines de l’UE est aussi économique. Aussi le soja importé sera préféré à la culture d’autres protéagineux plus onéreux, dans l’état actuel des connaissances agronomiques. Des aliments composés de tourteaux de soja bio ou non Ogm renchérissent jusqu’à 80 € le prix de la tonne sans pour autant obtenir de meilleurs résultats.
Toutefois, pour améliorer l’indépendance en protéines de l’UE et accroître leurs productions, aucune piste ne doit être occultée. Les nombreux travaux de recherches agronomiques et de santé tracent les voies à suivre pour ne produire et ne consommer que ce qui est nécessaire. Protéines et agro-écologie sont compatibles, or les consommateurs n’en ont pas conscience. Un régime alimentaire équilibré – 0,8 gr de protéines par kilogramme de poids – renforce l’indépendance en protéines de l’Union européenne tout en protégeant l’environnement. Des menus composés d’un mix de protéines végétales et animales (50-50), avec plus de protéagineux, y contribueraient aussi.
L’indépendance en protéines n’est pas une apologie du végétarisme et du véganisme. Selon le think tank Agridées, les protéines animales sont essentielles pour améliorer l’indépendance en protéines de l’UE. La viande, les œufs et le poisson contiennent des protéines facilement assimilables et digestibles alors qu’un régime végétarien accroît la consommation globale de protéines. Il faut donc en produire plus pour couvrir les besoins alimentaires.
Aussi, des activités d’élevage maîtrisées contribuent, à leur façon, à l’indépendance en protéines de l’Union européenne alors que les progrès spectaculaires en zootechnie permettent, dorénavant, d’ajuster les rations aux besoins des animaux. Moins de déjections animales, riches en azote, sont moins répandues dans la nature pour moins polluer les nappes phréatiques et les cours d’eau.
Sinon, les autres pistes à explorer pour améliorer l’indépendance en protéines de l’UE sont : la valorisation de coproduits animaux, la production d’insectes et la réintroduction de farines animales dans l’alimentation des troupeaux. La fabrication de farine d’insectes est ainsi amenée à se développer.
En amont, renforcer l’indépendance en protéines, telle qu’elle est promue par Agridées, pourrait être un des piliers de la prochaine réforme de la politique agricole commune de 2021-2027. Les actions à mener seraient traitées à l’échelle des vingt-sept pays membres et non pas au niveau de chaque Etat, en réservant une partie de leur plan stratégique pour mettre en œuvre la prochaine politique agricole à ce volet.
« Il est regrettable que, pour l’instant, la Commission n’ait pas lancé de travaux spécifiques et qu’elle se soit contentée de dresser un état des lieux et de lister les outils à disposition des états membres pour développer des productions de protéines », souligne dans sa note de synthèse, le think tank Agridées. Ce dernier reproche en effet à la Commission européenne de poser encore une fois les problèmes d’indépendance en publiant des études très fournies sans apporter des propositions pour remédier aux problèmes soulevés.
L’herbe est la première source de protéines et la plus économique et pourtant, la prairie permanente n’a jamais été valorisée correctement par les différentes réformes entrées en application.
Pour améliorer l’indépendance de l’Union européenne en protéines, la priorité est la culture de l’herbe et surtout la conservation des prairies permanentes. Des associations graminées-légumineuses rendent les prairies encore plus fertiles et renforcent l’indépendance en protéines végétales des exploitations d’élevage. A moyen terme, la recherche agronomique devra apporter des solutions pérennes. Sans nouvelles variétés de légumineuses plus productives ou d’oléagineux plus riches en protéines le défit protéique ne pourra pas être relevé.
« Comme les dispositifs pour soutenir la production de légumineuse apportent des résultats limités, c’est au financement et à l’accompagnement de la recherche qu’il faut s’atteler, explique le think tank…. et cela relève du deuxième pilier de la Pac avec appels à projet et partenariats public-privé. »
La France a les moyens d’être indépendante en protéines, compte tenu de ses réserves foncières et des surfaces en prairies. L’essor du biodiesel a réduit ces dernières années sa dépendance protéique mais les tourteaux de soja importés couvrent plus de la moitié des apports en protéines des tourteaux servis aux animaux. Les autres aliments sources d’apports en protéines (céréales, coproduits céréaliers, autres tourteaux de colza et de tournesol) sont produits sur le territoire national essentiellement.
Ci-dessous, champ de soja (crédit Fotolia).