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Agrivoltaïsme et paysagisme : les champs solaires nucériens

Comment concilier diversification agricole et production d’électricité décarbonée à proximité d’un village considéré comme l’un des plus beaux de France ? Réponses depuis Noyers-sur-Serein avec 3 des 14 agriculteurs du collectif à l’origine du projet « Les champs solaires nucériens ». Un projet agrivoltaïque inspiré par la nature des sols, sensibilisé par le cadre de vie et modéré par la concertation.

« Ici nous sommes sur des sols argilo calcaire très superficiels à très faible réserve utile. Quand on obtient 50 quintaux par hectare de blé, pour nous c’est une bonne année ! » prévient Alexandre Bardet, le président de l’association créée en 2021 et qui a donné son nom au projet agrivoltaïque : « Les champs solaires nucériens ».

Il poursuit : « Depuis la génération de nos grands-parents, les agriculteurs travaillent régulièrement sous les seuils de rentabilité. Ils ont toujours cherché des idées pour s’adapter. Pour notre génération, l’objectif est de sortir du cercle vicieux des aléas climatiques et économiques. À force de faire jouer nos assurances, les primes augmentent pour des indemnités de plus en plus limitées. Ce n’est plus tenable pour nos trésoreries. En 2020, nous avons été 12 à nous réunir entre agriculteurs jeunes et moins jeunes et à se dire que l’agrivoltaïsme serait une solution cohérente pour certaines de nos parcelles. 2 jeunes nous ont rejoint avec l’idée de s’installer. On s’est toujours dit qu’il fallait faire les choses bien ».

Faire les choses bien quand le projet a pour cadre un patrimoine remarquable, cela consiste en priorité à éviter les enjeux plutôt que de chercher à les réduire et les compenser selon la méthode d’étude environnementale en vigueur.

Une première étude conduite par un cabinet indépendant sur les périmètres de Noyers et des communes voisines de Censy et d’Annay-sur-Serein, a donc conduit les porteurs du projet à réduire la zone d’études de 320 à 190 ha.

Sur cette surface, les exploitants ont ensuite réfléchi en termes de diversification, d’innovation et d’installation en privilégiant à chaque instant la concertation.

Une attention particulière a été développée par les porteurs du projet pour dialoguer avec les habitants, recueillir leurs questions, avis et commentaires. Pendant plus de 3 mois, les agriculteurs ont déployé des modalités physiques et numériques d’information et de participation adaptées à l’évolution du contexte sanitaire : présentation en mairie, porte-à-porte, balade itinérante, réunions sur site, visioconférence…. Objectif : partager collectivement les enjeux de paysage, d’attractivité, et imaginer comment le projet agrivoltaïque pourrait apporter une plus-value intéressante en se positionnant comme un lien entre héritage et enjeux du 21è siècle.

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Exemples de photomontages matérialisant les parcs avec les haies qui seront installées.

« Le défi pour nous est de contribuer à valoriser le cadre de vie auquel tout le territoire est attaché. Plusieurs solutions d’’insertion ont été présentées pour insérer les parcelles agrivoltaïques dans le paysage. Elles prendront la forme de haies adaptées à chaque situation. Leur plantation aura un impact bénéfique sur la petite faune, la flore, la biodiversité en général » souligne Alexandre.

Également impliqué dans le projet, Mathieu Franey est enthousiaste au sujet des productions agricoles variées qui sont imaginées en système agrivoltaïque.

Il commente : « La réintroduction de la polyculture élevage dans ces systèmes céréaliers grandes cultures représente un retour nécessaire aux pratiques du passé. Nous allons réintroduire l’élevage de moutons, de poulets de chair et de poules pondeuses, tout en mettant en place de nouveau ateliers agricoles de plantes aromatiques (thym, origan, sauge, romarin) et de truffières. Le projet est passionnant ».

Alexandre rebondit : « Pour un exploitant céréalier en bio et en conventionnel, la réintroduction de la polyculture élevage est une démarche qui fait sens. Le colza ne poussant plus, il a été remplacé par la luzerne. Pour valoriser cette nouvelle tête de rotation, l’ovin est idéal. De plus, il permet de réduire les charges de mécanisation en pâturant la luzerne et les couverts végétaux, notamment, tout en ramandant les sols par les déjections ce qui réduit l’utilisation de coûts d’engrais azoté. »

Le projet des Champs solaires a aussi recréé de l’envie chez de jeunes agriculteurs qui y voient l’opportunité de revenir s’installer sur la ferme familiale.

L’un d’entre eux, Arnaud Rougier, explique : « Ce que j’aime aussi c’est l’innovation dans le projet, le développement d’herbes de Provence en Bourgogne ou d’une activité truffière entre les panneaux qui réduisent l’impact des aléas climatiques. L’agrivoltaïsme offre cette opportunité de s’engager sur des filières nouvelles, qui pourraient répondre aux besoins de partenaires locaux ou aux nouvelles attentes des consommateurs. C’est le moyen d’agir concrètement pour l’agriculture, le climat, la biodiversité. Et quand on dit vouloir faire les choses bien, c’est s’assurer de toutes les conditions de mise en œuvre : limiter le taux de couverture des panneaux, construire chaque îlot sans artificialiser les parcelles, obtenir les garanties de la part du développeur qu’il a tout prévu jusqu’au démantèlement…

Et savoir que notre projet produira l’équivalent de 3 fois la consommation d’électricité des habitants et des entreprises de la communauté de communes du Serein, ce n’est pas rien comme contribution à la transition ! »

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