Face au mal-être des agriculteurs, des solutions existent. Reprendre du pouvoir sur sa vie, trouver en soi la solution de ses problèmes, sortir la tête de l’eau quand il est encore temps… Voilà ce que promettent les formations PNL (programmation neuro-linguistique) mises en place par Jean-François Mathieu, conseiller agricole à la Chambre d’agriculture de Corrèze.
Jean-François Mathieu a traversé une période sombre : « J’étais pleinement épanoui dans mon job. J’adorais donner des conseils aux agriculteurs et j’étais très engagé. Mais un jour, j’ai réalisé que la plupart des agriculteurs n’appliquaient pas mes conseils et je ne comprenais pas pourquoi. Lorsque j’allais dans les fermes, les gars me parlaient de problèmes de production, de paperasse… Sur ces points, j’avais toujours la solution. Mais jamais ils ne me disaient qu’ils n’allaient pas bien dans leur tête… »
En 2007, six agriculteurs se sont suicidés sur ses cantons. « J’ai ressenti une grande culpabilité. Je ne dormais plus et je n’avais plus l’énergie d’aller travailler. »
Un collègue lui conseille alors de consulter Jean-Baptiste Etcheverry, un spécialiste de la PNL installé dans le pays basque. « J’étais vraiment au fond du gouffre… Mais en 40 minutes, j’étais devenu un autre homme. J’ai donc suivi le cursus PNL de trois ans avec lui, à raison de cinq semaines par an », explique-t-il.
Il décide alors d’utiliser ces outils de PNL (programmation neuro-linguistique) pour soutenir les agriculteurs en souffrance. « Tous les gens que j’ai suivis se sont remis en mouvement, et ont repris leur vie en main. Du coup, le bouche-à-oreille a fonctionné à plein régime, et j’ai été dépassé par les demandes individuelles. La chambre a donc mis en place des programmes de formations collectives à la PNL. Le premier jour, il arrive souvent que des participants affirment qu’ils se suicideront si cette formation ne les aide pas. Ça n’est encore heureusement jamais arrivé… ».
Pour se consacrer entièrement à cette activité, Jean-François Mathieu a démissionné de son poste de conseiller. Depuis le mois de janvier, il intervient comme consultant PNL de la Chambre. Il prend en charge six groupes par an, soit une petite centaine de personnes. Ces formations sont ouvertes à tous. Pour les agriculteurs, elles sont intégralement financées par le fonds Vivea (alimenté par les cotisations MSA). Les agriculteurs ont seulement à leur charge les repas du midi. La formation se déroule sur trois jours, et les séances sont espacées d’une semaine.
La première semaine, les participants se forcent à analyser et contrôler leurs émotions. La seconde, ils font la chasse aux « pensées limitantes ». Enfin, ils évacuent les traumatismes de leur chemin de vie. Dans les mois qui suivent, à la demande du groupe, des séances de bilan peuvent être programmées.
« Mon rôle est de comprendre comment les gens raisonnent pour qu’ils retrouvent une pensée objective. Souvent, quand on est confronté à une difficulté, il se greffe par-dessus l’idée que je me fais du fait. Les émotions que l’on ajoute sont la source réelle de la souffrance. Il faut donc revenir aux faits concrets avec bienveillance. On encourage les gens à changer leur lecture des évènements et l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Je suis assez dur la première séance, car tout se joue dans les dix premières minutes. Je bouscule les participants, je les force à bouger, à s’ouvrir à leur intelligence émotionnelle, à se confronter à ce qu’ils cachent sous leurs couches d’oignon. C’est très rapide et efficace, à condition d’y mettre toute son énergie… », explique Jean-François Mathieu.
Dans la majorité des cas, le vrai problème n’a rien à voir avec l’activité professionnelle. « L’exploitation tourne mal car l’agriculteur se sent mal. Il faut donc trouver la porte du mal-être. Par exemple, j’ai accompagné une dame dont l’atelier veau de boucherie coulait complétement. Après avoir tout analysé, elle m’a avoué qu’elle ne faisait pas téter les veaux. Elle se mettait en colère dès que le veau peinait à prendre le lait, et elle avait des migraines qui l’obligeaient à se coucher en délaissant les animaux. Elle a compris que ses migraines remontaient à son enfance : c’était sa façon d’obtenir l’attention de ses parents. Comme elle se sentait délaissée par son mari, les migraines reprenaient… Une fois qu’elle l’a compris, tout est rentré dans l’ordre », témoigne Jean-François Mathieu.
La PNL rendrait ainsi les personnes plus actrices de leur vie. « Souvent, on se ment à nous-mêmes. On nie le mal-être intérieur en rejetant la faute sur des facteurs extérieurs, et on tourne en rond avec ses freins et ses croyances. Le premier jour, je fais comprendre aux personnes qu’elles sont seules responsables de leur mal-être. C’est culpabilisant, mais c’est nécessaire pour amorcer le changement. Le sachant, les participants peuvent décider d’être eux-mêmes et devenir pleinement acteur de leur vie. Durant cette phase de fragilité, je suis disponible 24h/24. La solution est toujours en nous. En PNL, la guérison ne vient pas de l’intervention extérieure d’un psy ou d’un kiné, elle émane de soi. »
En somme, les participants investissent leur énergie sur ce qui dépend réellement d’eux (leurs comportements, pensées, émotions…), et cela rend la démarche très efficace.
Jeune agricultrice, S. a suivi cette formation PNL en 2013. Elle a accepté de témoigner avec un grand sourire, suite à l’intervention de la psy-coach Pierrette Desrosiers à Limoges (1) : « Lors d’une analyse de fourrage, mon mari a parlé à Jean-François de mon différend avec mon beau-père : il n’a jamais accepté que je m’installe sur la ferme, et il me le faisait payer. Je me sentais persécutée et agressée par son attitude. Jean-François m’a demandé comment je m’y prenais pour me sentir ainsi. Sa question m’a surprise ; j’étais victime d’harcèlement et je n’avais pas d’autre choix que d’en souffrir !
J’ai accepté de suivre la formation PNL mais j’étais persuadée que ma détresse était trop profonde pour être soignée en trois jours. En effet, j’ai subi des attouchements entre 16 et 18 ans, et ma psycho-thérapie n’a rien changé à mon mal-être. Seulement, je n’avais pas conscience de revivre avec mon beau-père ma position de victime. J’ai donc travaillé sur mes pensées limitantes. Le principe est simple : nous avons 50 000 pensées par jour, et je me disais 50 000 fois que je ne valais rien. Pendant une semaine, j’ai essayé de penser exactement l’inverse et je me suis sentie immédiatement apaisée. Je n’ai pas changé mon passé, mais j’ai changé ma vision des évènements. J’ai avancé et je me sens responsable de mon bonheur. Lorsque je croise mon beau-père, je me dis qu’il n’a pas le choix d’agir autrement, et je n’ai plus peur de lui. J’éprouve juste de la pitié. Comme j’ai changé de comprtement, il a été forcé d’évoluer. Aujourd’hui, j’ai envie d’aider les autres à mon tour ».
(1) Lire notre article https://wikiagri.fr/articles/
En savoir plus : www.vivea.fr (site du fonds de formation Vivea) ; http://www.ifpnl.fr (site de l’institut français de programmation neuro-linguistique). [email protected] (pour joindre Jean-François Mathieu).
Photo : Jean-François Mathieu.