Ce 5 décembre 2019, la France doit être bloquée par un grand mouvement national multi-corporatiste. Pourtant, une profession sera absente (en dehors des initatives individuelles), celle des agriculteurs. Les troupes de la Fnsea ont manifesté avant (les 8, 22 et 27 novembre) et vont probablement poursuivre ensuite, mais sans confondre leurs problématiques avec celles des autres. La Coordination rurale laisse ses antennes départementales participer ou non, mais sans mot-d’ordre national. Seule la Confédération paysanne y va.
Les agriculteurs sont-ils « bénéficiaires » de la réforme sur les retraites comme l’a affirmé Christiane Lambert, la présidente de la Fnsea, dans une conférence de presse impromptue au sortir d’un rendez-vous avec Edouard Philippe ? Cela n’apparait pas si évident à première vue, à moins qu’elle n’ait négocié mieux que ce qui filtre pour le moment dans les tuyaux. Car si effectivement cette réforme verra les agriculteurs retraités passer de 75 à 85 % du Smic, soit de 730 à 1000 € mensuels en moyenne, son application pourrait n’intervenir que dans des temps bien lointains, puisque ne seraient concernés que ceux qui n’auront pas encore débuté leur carrière au moment de son passage au Parlement ! Si cette « clause du grand-père » (comme l’appelle le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, qui y est défavorable) autorise d’autres professions à conserver certains avantages considérés comme acquis pour ceux qui en bénéficient actuellement, pour les agriculteurs, elle signifie une remise aux calendes grecques d’une indispensable remise à niveau. Donc, la question est : Christiane Lambert a-t-elle obtenu la levée de cette clause du grand-père pour les agriculteurs ? Parce que sinon, il resterait matière à manifester…
Le syndicat majoritaire, la Fnsea, décline donc toute velléité de manifestation le 5 décembre. Chez la Coordination rurale, pas de mot-d’ordre national non plus. Actuellement en congrès avec, comme il se doit en pareille occasion, une ligne syndicale à confirmer ou à rebâtir, elle a préféré laisser ses départements prendre l’initiative d’une participation aux mouvements du 5 décembre : autant dire qu’il n’y aura pas d’effet de nombre de ce côté-là non plus. Ça ne l’a pas empêchée de s’exprimer sur le sujet des retraites par voie de communiqué, en déplorant entre autres une augmentation des cotisations avec la réforme.
Finalement, seule la Confédération paysanne appelle à rejoindre le mouvement social du 5 décembre. Dans un communiqué, elle stipule qu’elle revendique dès à présent « pas de retraite en-dessous du seuil de pauvreté« . Mais cette mobilisation ne devrait représenter que quelques rares foyers bien ciblés.
Si la réforme des retraites constitue la principale cause au mouvement du 5 décembre, elle n’est pas la seule. Ni l’unique à concerner le monde agricole. C’est ainsi que le secteur du BTP notamment a déjà commencé des manifestations contre l’arrêt de la détaxation du GNR (gazole non routier). Or, les agriculteurs eux vont continuer à bénéficier de cette détaxe, jusqu’en 2021 pour l’instant (à renégocier pour la suite). Historiquement, cette détaxation avait été obtenue une année de crise agricole où il fallait trouver matière à alléger les problèmes de trésorerie des exploitations. Elle devait durer quelques semaines, mais la situation financière des fermes n’est jamais remontée à un niveau suffisant pour la remettre en route, d’où sa reconduction, après négociations.
Là encore donc, les agriculteurs n’ont pas intérêt à manifester, en tout cas pas pour bloquer les raffineries sur ce sujet très précis du GNR.
Pour autant, il existe un piège derrière cette problématique. A l’époque où cette mesure avait été obtenue, c’était plutôt bien joué de la part des négociateurs de la Fnsea. Mais depuis, les temps ont changé. En particulier avec la problématique de l’agribashing qui a émergé. Car de fait, avec les mesures annoncées, les agriculteurs vont se retrouver les seuls à bénéficier de ce carburant détaxé. Eux qui prônent un rapprochement avec le reste de la société, les voilà à ses yeux bénéficiaires d’un privilège… C’est tout de même gênant ! Qui plus est, on imagine aisément que le caractère pérenne de la mesure sera remis en cause dès 2021, qu’il faudra renégocier, éventuellement manifester… Et forcément esseulés, puisque les agriculteurs n’auront pas aidé les autres secteurs concernés en ce 5 décembre… Qui n’auront donc pas envie de se joindre à eux quand ce sera leur tour.
Parallèlement, abandonner aujourd’hui cette détaxe sur le GNR, « en plus de tout le reste », de tout le poids qui pèse sur les exploitations, des retards toujours conséquents dans le versement de certaines aides, etc. Ce ne serait pas « raisonnable » pour nombre de fermes. Cette détaxe pour les agriculteurs sur le GNR constitue donc un réel casse-tête sans solution idéale dans le contexte actuel. Ou alors, il faudrait accepter de changer ce contexte, de trouver le moyen de ne plus dépendre d’artifices compensatoires qui, par eux-mêmes, ne devraient pas exister.
Est-ce dans les tuyaux des syndicats agricoles ? Et ont-ils l’interlocuteur gouvernemental qu’il faut pour cela ? Je me contente de poser ces questions en laissant chaque lecteur répondre par lui-même… En attendant, la démarche administrative pour récupérer la taxe sur le GNR étant compliquée (via Chorus), bien des agriculteurs payent le service d’un intermédiaire pour l’obtenir… Finalement, ils ne sont pas les seuls bénéficiaires !
Notre illustration ci-dessous est une photo d’archives, datant du 3 septembre 2015, les agriculteurs avaient manifesté dans Paris avec un rassemblement place de la Nation.
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le 5 décembre est principalement prévu pour maintenir en place les avantages des cheminots … même motifs et même grève que l’an dernier qui s’est soldée par un échec pour la CGT mais ils vont tenter un baroude d’honneur qui va encore nous couter des millions d’euros en dégâts dans les villes …