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200 000 hectares de chanvre pour réduire de 10% les importations de gaz russe

Par l’utilisation de la biomasse, avec notamment les procédés de pyrogazéification, la France a les moyens de produire une bonne partie du gaz qu’elle importe aujourd’hui, selon Jean Foyer, Président de Qairos Energies.

 
La France n’a pas de gaz, mais elle a du chanvre. Notre pays est le premier producteur de chanvre en Europe. En 2021, 20 000 hectares étaient cultivés. « Si notre pays en cultivait 200 000 hectares comme il y a 100 ans pour transformer les co-produits de chanvre en biogaz, il pourrait réduire de 10% ses importations de gaz naturel russe, affirme Jean Foyer, fondateur de la start-up sarthoise Qairos Energies. Et surtout, de nombreux territoires deviendraient autonomes en énergie ». 
Par pyrogazéification, il serait en effet possible de produire l’équivalent de 8 térawattheures (TWH ; 1 TWH = 1012 Wh). Par comparaison, l’ensemble des méthaniseurs installés en France produisent l’équivalent de 4 térawattheures et à la fin de l’année, la production pourrait être portée à 6 térawattheures fin 2022. 
 
La pyrogazéification est l’une des technologies les plus appropriées pour produire des biocarburants et du biogaz de seconde génération avec la biomasse disponible localement. 
Plaquettes forestières, connexes de scieries, bois B (bois issus majoritairement des déchets du bâtiment ainsi que d’autres secteurs d’activités), résidus de cultures, sous-produits de l’industrie agro-alimentaires… Tous ces matériaux, et tant d’autres, pourraient être recyclés en un cocktail de gaz, et même en hydrogène, utilisables pour le chauffage, l’industrie ou la mobilité. Et ce, sans entrer en concurrence avec la production agricole puisque les superficies mobilisées (nécessaires) ne sont pas actuellement destinées à la production agricole (céréales, fourrages) nécessaire à l’alimentation humaine ou animale. 
 
En France, le potentiel de production est compris entre 80 et 100 térawattheures, soit l’équivalent de la moitié du gaz importé de Russie.  
La société Qairos Energies implantée à Trangé dans la Sarthe (cf. la maquette en photo) est la première unité de production au monde de gaz de chanvre par pyrogazéification. Son modèle économique s’inscrit totalement dans l’économie circulaire et associe une centaine d’agriculteurs avec lesquels elle contractualise leur production de chanvre cultivée sur une partie de leur exploitation (produit agricole justement réparti entre la vente de la paille et de la graine). 
Au-delà d’être la première unité de production de gaz par pyrogazéification, la société Qairos Energies construit un modèle économique appelé à être reproduit dès que la production de biogaz sera rendue possible. Et pour cela, Jean Foyer n’attend qu’une chose : une grille tarifaire pour la rémunération des énergies produites. Celle-ci définira les prix auxquels les gaz, l’hydrogène en particulier, seront vendus. 
Mais pour favoriser l’essor de nouvelles unités de production de biogaz, la société Qairos Energies attend des collectivités territoriales et de l’Etat, de savoir quel sera le dispositif de financement mis en place (aides publiques, prêts à taux réduits, abattements fiscaux etc..). 
 
Le temps presse. « On est très sollicité par les collectivités territoriales qui voient dans ce processus une réponse à l’autonomie énergétique et le circuit court plébiscité par les citoyens et rendu nécessaire par les crises actuelles et à venir sur les tarifs de l’énergie. Or il faut trois ans pour construire une usine… », affirme Jean Foyer, fondateur de Qairos Energies. 
« Aujourd’hui la production d’hydrogène par pyrogazéification revient à 9,00 € le kg soit l’équivalent d’un litre de Diesel à 1,4 € à la pompe, ajoute le dirigeant. Mais quand il sera possible de produire ce gaz à grande échelle, un coût de production inférieur à 4,00 €/kg n’est pas exclu, ce qui permettrait de distribuer l’hydrogène à l’équivalent de moins d’un euro le litre de diesel à la pompe soit l’équivalent du gazole non-routier ».    
 
A NOTER
Une excellente tête de rotation
A l’échelle de l’exploitation, la production de chanvre s’inscrit complètement dans les défis que l’agriculture doit relever pour renforcer la souveraineté alimentaire et la souveraineté énergétique de la France. 
En contractualisant la culture de chanvre, Qairos Energies sécurisera son approvisionnement et les agriculteurs, une partie de leur chiffre d’affaires. 
Toute la plante, des racines à la graine, est potentiellement valorisable. En quatre mois, jusqu’à 11 tonnes de matières sèches sont récoltées et plus de 15 tonnes de CO2 sont captées par photosynthèse sur un hectare, si les conditions pédoclimatiques sont favorables. 
Avec la graine, il est possible de produire des tourteaux et de l’huile pour l’alimentation des hommes et des élevages. Les racines et les résidus des cultures se décomposent en humus riche en carbone et en azote organique. La culture de chanvre est en cela une excellente tête d’assolement et un très bon précédent à la production de blé. Elle constitue aussi une excellente barrière sanitaire et réduit par conséquent le recours aux produits phytosanitaires. 
Les fibres des cannes sont employées (avec ou sans rouissage) pour la fabrication de biomatériaux. 
Enfin, la partie intérieure des cannes (majoritairement de la chènevotte) sera la matière première utilisée pour produire les biogaz par pyrogazéification. 
 
Le mix-gaz
La biomasse consommée dans l’unité de production, une fois traitée, permet de générer quatre produits qui seront revendus dans l’économie circulaire : 
  • de l’hydrogène, réellement vert. Il est distribué via une station hydrogène pour aliment des véhicules lourds, des camions et des tracteurs, équipés de moteur adéquat ou au moyen de piles à combustible. Par la suite, les automobiles pourront aussi être alimentées en hydrogène ;
  • du méthane, qui sera réinjecté dans le réseau de gaz français et européen ;
  • du CO2, stocké sous forme liquide dans des bombonnes et utilisé pour les groupes froids ou des industries agroalimentaires à proximité ;
  • de l’engrais minéral, débarrassé de l’hydrogène et donc moins agressif pour les sols, destinés aux exploitations des environs.


Gazéification, pyrolyse et pyrogazéification

La gazéification est le procédé de transformation de la partie carbonée solide et de la phase liquide produite par la pyrolyse, en gaz de synthèse (syngaz) par ajout d’une petite quantité d’un agent oxydant (air, oxygène, eau, gaz carbonique).  La composition du syngaz est fonction de la nature de la ressource entrante et des conditions opératoires. Il est composé principalement d’hydrogène, de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone et, dans une moindre mesure, de méthane.



La pyrogazéification est une étape de pyrolyse suivie d’une étape de gazéification. Les procédés dits de « gazéification » sont souvent en pratique des procédés de pyrogazéification. Il existe de très nombreux procédés en fonction des paramètres choisis qui permettent de transformer les déchets ou la biomasse, en syngaz substituable, par exemple aux gaz naturel, biocarburants, biochar ou autres molécules spécifiques.



La pyrogazéification offre ainsi une voie de production d’hydrogène renouvelable non-intermittente. En effet la production d’hydrogène à partir de biodéchets peut être optimisée via une réaction du gaz à l’eau (water gas shift). L’hydrogène ainsi produit peut venir en substitution de l’hydrogène issu du vaporeformage d’hydrocarbures – dont la production est très émettrice de CO2 – dans tous ses usages actuels, notamment industriels (électronique, traitement de surface, industrie du verre, industrie chimique), et en développement (piles à combustibles pour la mobilité décarbonée).



https://atee.fr/energies-renouvelables/club-pyrogazeification/la-pyrogazeification-comment-ca-marche
 
Frédéric Hénin
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