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Verse des céréales, comment limiter les risques pour 2016

À la suite des derniers épisodes de pluies et de vent, de nombreuses parcelles de céréales de la région, notamment de blé tendre et de blé dur, ont versé. Les causes de ces accidents sont multiples. Les comprendre et adapter les choix techniques en conséquence peut permettre de limiter les risques lors de la prochaine campagne.

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Le risque de verse est déterminé principalement par quatre facteurs : la sensibilité de la variété, la densité de tige, le niveau de nutrition azotée en début de cycle et les conditions météorologiques à la montaison (entre le stade épi 1 cm et le stade 1-2 nœuds). Bien évidemment, la verse ne survient ensuite que si un évènement climatique la déclenche : généralement, c’est la combinaison du vent et de la pluie après l’épiaison qui alourdit les épis et qui provoque la verse. Les maladies du pied, notamment le piétin verse, peuvent également favoriser la verse.

Cette année, les dégâts observés sont principalement liés à de la verse physiologique et non aux maladies, les forts dégâts sont observés sur variétés sensibles à la verse, accentués ponctuellement par le piétin verse.

Pourquoi de la verse en 2015 ?

Les conditions climatiques de l’année ont été particulièrement favorables à la verse :
• Dès l’hiver la douceur et l’humidité ont permis un tallage très abondant et une très forte minéralisation de la matière organique, favorisant la mise en place d’un grand nombre de tiges en début montaison.

• Les pluies assez bien réparties en février/mars ont assuré une bonne assimilation de l’azote, notamment dans les situations où les apports précoces étaient abondants.

• Dans les sols profonds notamment, la montaison a été peu limitante et a favorisé une montée à épi assez massive se traduisant par des densités épis souvent élevées.

• Les stades épi 1 cm, assez précoces, ont permis aux élongations de tiges de débuter tôt, dès la mi-mars, au cours d’une période favorable à la croissance mais avec de faibles quantités de lumière (jours courts, rayonnements plus faibles que la normale). Ce type de conditions favorise l’étiolement des tiges : les entrenœuds sont plus longs et plus grêles et de ce fait plus fragiles. Les semis précoces et les fortes densités de tiges (nombre de plante élevé, parcelles recevant des effluents organiques assez riches en azote, sols profonds, apports d’azote précoces…) ont accentué encore ce phénomène en accélérant les élongations de tiges.

Pourquoi certaines parcelles versent plus que d’autres ?

Parmi les facteurs techniques les plus explicatifs, on peut retenir :
• La sensibilité des variétés à la verse : dans une même parcelle, les variétés sensibles sont versées, les tolérantes restent debout.

 


Photo 1 : Variété sensible à la verse – Site Lusignan 2015 (non traité, non régulé)

Photo 2 : Variété peu sensible à la verse – Site Lusignan 2015 (non traité, non régulé)
   

 


• Les fortes doses d’azote apportées avant épi 1 cm ; elles ont favorisé le tallage, puis la montée d’un grand nombre de talles et l’étiolement ; ces effets sont accentués par les défauts de réglages des épandeurs : les zones de recoupement (recroisement, bouts de parcelle…) sont souvent plus versés.

• Les densités de semis : les excès de densité favorisent l’étiolement. On a également pu constater cette année un très fort effet des densités sur la précocité du stade épi 1 cm : à même variété et même date de semis, les très fortes densités ont débuté leur montaison 5 à 6 jours plus tôt que les densités plus modestes.

• Les semis précoces sont également beaucoup plus exposés que les semis à date normale ou tardive.

Par contre, les stratégies en trois ou quatre apports d’azote, dont un au moins assez tardif, n’ont joué aucun rôle négatif. Au contraire, dans la mesure où ces stratégies permettent de limiter les quantités d’azote apportées avant le début montaison, elles contribuent à réduire le risque de verse : pour une même dose totale d’azote apportée les parcelles qui ont reçu un apport d’azote en fin de montaison versent moins que les parcelles qui ont reçu l’intégralité de la dose prévue en début montaison. A Lusignan dans notre essai fertilisation azotée, les fortes doses d’azote (80 kg N/ha) apportées en fin de montaison n’ont pas provoqué de verse.

Que faire en 2016 pour limiter les risques ?

La maîtrise du risque de verse doit se raisonner dès l’implantation. Quelques points importants ne doivent pas être négligés :
• Le choix variétal : dans les parcelles où le risque est important (sol profond, parcelle recevant de fortes quantités d’azote organique, semis précoce…), il faut a minima dans notre région éviter les variétés très sensibles à la verse (note < ou = à 5 du catalogue) ; si plusieurs facteurs de risque se cumulent, il faudra choisir des variétés résistantes (variétés dont la note de verse est au moins de 6,5). • Eviter les semis excessivement précoces : notamment dans les parcelles profondes ou recevant beaucoup d’effluents organiques, les semis antérieurs au 15/10 sont beaucoup plus exposés. Si les contraintes d’exploitation conduisent à semer plus tôt, il faudra retenir une variété plus tardive à montaison et résistante à la verse. • Modérer les densités de semis : les excès de densités sont une cause importante de verse. La modération des densités est un très bon moyen de réduire le risque. Cette modération sera particulièrement importante en cas de semis précoce. • Eviter d’apporter trop d’azote précocement : dans les parcelles ayant une forte capacité de minéralisation, les apports tallages ne sont pas indispensables, notamment les années à hiver doux tels que 2015. En tout état de cause, ces apports doivent rester modérés et ne jamais excéder 40 à 50 kg N/ha. Le recours aux régulateurs ne devra intervenir qu’en tout dernier lieu, si les autres facteurs de risque n’ont pu être contrôlés. Attention, la qualité des parcelles versées est beaucoup plus fragile : en cas de pluie, leur poids spécifique se dégradera plus vite et les risques de germination sur pied seront accentués. Il est important de les récolter en priorité.

Thibaud DESCHAMPS, Céline DRILLAUD, Jean-Louis MOYNIER (ARVALIS – Institut du végétal)

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