Outre les vols commis sur leurs exploitations, qui continuent semble-t-il à augmenter, les agriculteurs semblent être de plus en plus exaspérés par les incivilités, avec les rodéos sauvages sur leurs champs et des prostituées de plus en plus nombreuses installées en bordure de ceux-ci.
Trois facteurs d’insécurité exaspèrent les agriculteurs depuis quelques années. Le premier, bien connu maintenant, est la recrudescence des vols commis sur les exploitations. Cela a été souligné notamment par la FNSEA qui a tenté d’alerter le ministre de l’Intérieur à plusieurs reprises.
Même s’il n’existe pas de statistiques exhaustives sur les vols dont les agriculteurs sont les victimes, un bon indicateur semble être tout de même les « vols simples sur exploitations agricoles » qui sont constatés par la police nationale et la gendarmerie nationale et dont les données sont diffusées par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Or, on observe, de ce point de vue, une augmentation régulière des vols depuis 2009. En 2013, pour la première fois, le nombre de vols a ainsi franchi le seuil des 10 000, avec 10 610 vols commis cette année-là. Cette tendance semble se poursuivre en 2014 puisque les derniers chiffres fournis par l’ONDRP indiquent qu’en mars 2014, il y avait déjà 751 vols de plus qui avaient été commis par rapport à mars 2013.
Mais ceci ne concerne qu’une partie des vols que subissent les agriculteurs puisque ne sont pas pris en compte dans ces statistiques, par exemple, les vols de véhicules (tracteurs, automobiles) et de carburant que l’on peut retrouver dans la catégorie « vols liés aux véhicules à moteur » et a fortiori les vols commis avec effraction étant donné que les vols sur exploitations sont répertoriés parmi les « vols sans violence ». Or, le vol de tracteurs est désormais courant et le fait de groupes criminels organisés. Il semble s’être d’ailleurs particulièrement développé ces dernières années. On a pu le voir au début de l’année avec le démantèlement en France, en Espagne et en Roumanie du « gang des tracteurs » composé de ressortissants de nationalité roumaine. Par ailleurs, le carburant siphonné dans les cuves ou le réservoir des véhicules est le principal vol que les agriculteurs ont à déplorer.
Suite aux nombreux appels lancés par la profession et ses représentants, les autorités publiques semblent avoir néanmoins pris conscience de l’ampleur du phénomène. Dans certains départements, la gendarmerie, la préfecture et la chambre d’agriculture ont ainsi mis en place un système d’alerte et de vigilance appelé Alerte Agri. Concrètement, lorsqu’un agriculteur constate un vol et en informe la gendarmerie, une alerte est alors diffusée par SMS aux autres agriculteurs par le Centre d’opérations et de renseignement de la gendarmerie. Le SMS décrit brièvement les faits constatés, où et quand ils se sont produits et ce que l’on peut savoir des auteurs des faits (leur mode opératoire, leur nombre) et donne des conseils de prudence.
Les agriculteurs qui souhaitent adhérer au dispositif Alerte Agri peuvent le faire via un bulletin d’adhésion qui leur est envoyé par la chambre d’agriculture départementale ou qui est disponible sur son site internet. C’est en Meurthe-et-Moselle que ce système a été instauré pour la première fois en avril 2014. D’autres départements comme l’Ain et l’Indre-et-Loire ont également mis en place un tel dispositif, tandis que certains départements ont développé des dispositifs du même type, mais avec une autre appellation. Ce sont, par exemple, des plans Vigi Agri que l’on peut retrouver en Saône-et-Loire ou dans la région de Dunkerque.
Les agriculteurs ne sont pas uniquement exaspérés par les vols. Ils le sont aussi par un certain nombre d’incivilités de la part de personnes qui ne respectent pas la propriété privée ou le travail et le bien des agriculteurs. C’est le cas de prostituées qui viennent souvent d’Europe de l’Est. C’est ce qui est appelé la « prostitution rurale ». La prostitution semble s’être déplacée, en effet, des centre-villes, où des arrêtés anti-prostitution ont souvent été pris par les municipalités, jusqu’aux campagnes. Les prostituées s’installent dès lors le long de routes nationales et souvent en bordure de terrains agricoles, ce qui révulse bien évidemment leurs propriétaires.
En novembre 2012, le député PS du Gard, Patrice Prat a d’ailleurs voulu attirer l’attention de la ministre de la Justice sur « l’afflux récent de prostituées sur les communes de Saze, Domazan, Rocherfort, Estézargues autour de la RN 100 et de Saint-Laurent-des-Arbres, Tavel, Roquemaure, Pujaut pour la RN 580 dans le Gard. Ces prostituées souvent d’origine bulgare ou roumaine, au nombre d’une centaine, remontées d’Espagne à cause d’un durcissement de la législation sur le racolage et des conséquences de la crise économique causent de graves troubles à l’ordre public (nuisance de voisinage, outrage à la pudeur, problèmes de santé publique…) ». Or, selon lui, « les forces de l’ordre s’avouent aujourd’hui impuissantes à endiguer ce phénomène, faute de dispositif juridique adéquat. Les élus locaux et notamment les maires des communes concernées, sont de plus en plus excédés par l’amplification et la dégradation de la situation ». Les municipalités semblent, en effet, relativement impuissantes à faire face à ce fléau. Les arrêtés anti-prostitution pris par les mairies des petites communes sont très peu dissuasifs pour les proxénètes, notamment en raison d’un manque de moyens pour les faire respecter. Face à cette impuissance des pouvoirs publics, les habitants d’un village de l’Hérault, Nissan-Lez-Enserune, sont même allés jusqu’à créer un collectif antiprostitution, dont les membres font en sorte de chasser les prostituées ou de les empêcher de travailler.
Le troisième et dernier phénomène qui exaspère les agriculteurs concerne les rodéos sauvages de motos cross, de quads ou d’autos qui se produisent fréquemment dans leurs champs. Une vidéo amateur filmée par un agriculteur ulcéré montrant un moto cross sauvage sur son champ a même été diffusée début mai sur le site internet de La Voix du Nord. Elle vise à dénoncer cette pratique qui paraît de plus en plus courante, en particulier dans la région Nord.
Ces rodéos contribuent bien évidemment à endommager une partie des cultures, en particulier lorsqu’il s’agit d’automobiles et même quelquefois de 4×4. C’est également une violation manifeste de la propriété privée. Au-delà, c’est effectivement le signe d’un manque total de respect pour le travail des agriculteurs autour de l’idée qu’un champ serait un espace public comme un autre sur lequel on pourrait se déplacer en toute impunité et faire un peu ce que l’on veut.
Même s’il y a des pertes financières occasionnées par ces rodéos, ce qui irrite le plus les agriculteurs, c’est qu’à l’instar des vols ou de la prostitution, ils se sentent largement impuissants à faire face à ces phénomènes et ils ont le sentiment que les responsables de ces infractions sont dans une situation de quasi impunité. Les motos qui traversent les champs d’agriculteurs dans le Nord n’ont généralement pas de plaque d’immatriculation. Les motards sont donc difficilement appréhendables et ils peuvent même être agressifs à l’encontre des agriculteurs qui cherchent à les pourchasser. De même, les prostituées ne risquent pas grand-chose non plus. Ainsi, le département de l’Hérault a pris un arrêté interdisant le racolage sur le bord des routes départementales. En cas d’infractions, les prostituées risquent de devoir régler une amende de seulement 38 euros, ce qui est bien entendu loin d’être dissuasif, d’autant que la police a les plus grandes difficultés à pouvoir les interpeller…
En savoir plus : www.inhesj.fr/sites/default/files/bulletin_annuel_2013.pdf (statistiques de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales-ONDRP pour l’année 2013), www.inhesj.fr/sites/default/files/bm_2014-04.pdf (statistiques de l’ONDRP pour le mois de mars 2014), https://wikiagri.fr/articles/le-monde-agricole-cible-de-la-criminalite-organisee/932 (article de la rubrique « Réflexions » de WikiAgri paru en février 2014 consacré notamment au démantèlement du « gang des tracteurs »), www.meurthe-et-moselle.gouv.fr/Actualites/Signature-de-la-convention-Alerte-agri-54 (dossier de presse sur le dispositif Alerte Agri 54 mis en place en Meurthe-et-Moselle), www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/02/25/01016-20140225ARTFIG00374-les-maires-ruraux-desempares-face-a-la-prostitution.php?pagination=6 (article publié par Le Figaro en février 2014 sur la prostitution rurale), http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-11369QE.htm (question posée à l’Assemblée nationale par le député Patrice Prat sur la prostitution rurale), www.midilibre.fr/2013/12/15/sus-aux-prostituees-quand-les-riverains-s-en-melent,797440.php (article publié par Le Midi Libre en décembre 2013 sur le collectif antiprostitution d’un village de l’Herault) www.dailymotion.com/video/x1telun_vermelles-face-a-face-dangereux-entre-motos-et-agriculteurs_news (vidéo amateur montrant un rodéo de moto cross sur le champ d’un agriculteur mise en ligne début mai sur le site de La Voix du Nord).
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