Le vin vient d’être classé officiellement au patrimoine français. Et en cette période de foire aux vins qui s’ouvre dans la grande distribution, il est intéressant de faire le point sur la situation de ce produit, et sur les nombreuses innovations qui le caractérisent.
Le vin constitue à coup sûr un aspect essentiel de l’économie française, tout comme de la culture nationale. Lors de l’examen du projet de loi sur l’avenir de l’agriculture en 2014, les parlementaires ont d’ailleurs reconnu que le vin faisait désormais « partie du patrimoine » français. Un amendement initialement déposé en 2012 par le sénateur de l’Aude, Roland Courteau, reconnaît, en effet, que « le vin, produit de la vigne, et les terroirs viticoles font partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France ». Cet amendement a été voté en avril 2014 à l’unanimité du Sénat.
Il est à noter que, en juillet 2014, les bières, les cidres, les poirés et les spiritueux « issus des traditions locales » ont également été inscrits par le Sénat, après l’Assemblée nationale, au « patrimoine de la France ». C’est le foie gras qui avait été le premier produit en 2005 à avoir été reconnu au patrimoine culturel et gastronomique. Cela ne semble pas changer grand-chose, mais cette inscription devrait être néanmoins exploitée par les producteurs afin de valoriser et promouvoir leur production. Pascal Chevremont, le délégué général de l’Association des brasseurs de France, imagine ainsi dans Le Figaro du 23 juillet qu’« à terme, peut-être verrons-nous apparaître sur les bières des logos ou des visuels « Patrimoine de France » ».
La France n’est cependant plus la plus grande puissance viticole dans le monde, première place qu’elle occupait encore il y a quelques années. En 2011, elle détenait ainsi la première position mondiale tant en termes de production que de consommation. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
Selon les données de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), en 2013, la production française arrivait au troisième rang après l’Espagne et l’Italie, alors qu’elle se situait au deuxième rang mondial en 2009, en 2010 et en 2012. L’année passée, la France a été également dépassée pour la première fois par les Etats-Unis en tant que premier consommateur mondial de vin.
Les Français restent néanmoins les plus gros consommateurs de vin dans le monde par tête.
Enfin, la France n’est pas non plus le premier pays exportateur de vin en volume. Elle est devancée par l’Italie et l’Espagne. En revanche, elle l’est en valeur. Le secteur viticole n’en constitue par moins une part très importante de l’économie française. Selon la structure Vin & Société, qui affirme représenter les « 500 000 acteurs de la vigne et du vin en France », le vin représenterait ainsi 558 000 emplois directs et indirects, dont 142 000 viticulteurs, et le deuxième secteur d’exportation français en termes d’excédents commerciaux, après l’aéronautique.
On observe une baisse structurelle de la consommation de vin en France depuis plusieurs décennies. Ainsi, selon l’Insee, la consommation de vin, qui a progressé au XIXe siècle et durant la première moitié du XXe siècle, régresse depuis le milieu des années 1950. Celle-ci s’établissait ainsi à 143 litres par personne et par an en 1955 et à environ 45 litres en 2010. D’après des données de FranceAgriMer, 51 % des Français de 15 ans et plus consommaient régulièrement du vin en 1980. Ils n’étaient plus que 17 % dans ce cas en 2010. Parallèlement, la part des non-consommateurs a doublé durant la même période, passant de 19 % à 38 %.
Cette réduction de la consommation concerne en premier lieu celle du vin de table ordinaire, ce que les spécialistes appellent le « vin-aliment ». D’ailleurs, 60 % des Français disaient boire du vin lors des repas en 1980. Ils n’étaient plus que 24 % en 2010. Selon l’Insee, la consommation moyenne de vins courants a ainsi baissé de 77 litres par an et par personne en 1980 à 23 litres en 2008, alors que durant cette même période, la consommation de vins de qualité AOC progressait. Le mode de consommation du vin a donc changé passant du vin ordinaire consommé sur une base quotidienne au vin de qualité consommé de façon plus occasionnelle. Le facteur générationnel semble également jouer un rôle important, la consommation de vin diminuant pour les nouvelles générations et les plus jeunes tendant à se tourner vers des alcools beaucoup plus forts, comme la vodka. Enfin, les campagnes contre l’alcoolisme menées dans le cadre de la prévention routière ont sans aucun doute contribué à réduire la consommation de vin en France.
Pour faire face à ces défis, de nombreuses initiatives ont été prises récemment dans le monde viticole dans l’objectif de s’adapter tant bien que mal au goût des consommateurs et à leur mode de consommation, mais aussi d’attirer de nouvelles clientèles. Ces initiatives concernent en premier lieu le produit lui-même, sa présentation et ses « déclinaisons ».
L’un des principaux objectifs des producteurs est, en effet, désormais de cibler une clientèle jeune et féminine. Les jeunes ne semblent pas nécessairement apprécier le goût du vin et de l’alcool et aiment mélanger l’alcool avec des sodas ou des jus de fruit. Les producteurs cherchent donc à offrir selon les termes mêmes de Pauline Lacombe, la directrice marketing de Hausmann Famille, « une boisson qui aide à faire la transition entre les boissons non-alcoolisées et les autres que boivent les adultes ». La boisson en question correspond aux vins aromatisés ou à ce que l’on appelle en termes techniques des « boissons aromatisées à base de vin » qui rencontrent un grand succès depuis quelques années. Ces boissons doivent, selon l’Union européenne, contenir au moins 75 % de vin. La plus connue, et celle qui se vend le mieux, est le rosé au pamplemousse, mais il y en a bien d’autres : le blanc à la pêche, le rouge griotte, le rosé à la rose, le blanc au chocolat blanc, le rouge au pain d’épices et spéculos, etc.
Outre le goût, le succès de ces boissons tient à la faiblesse de leur prix, ainsi qu’à leur packaging attractif. Le groupe Castel a été l’un des premiers à développer à partir de 2011 une gamme de boissons aromatisées à base de vin, du nom de VeRy, qui contient un rosé au pamplemousse, un rosé et citron, un blanc et citron vert. La société Haussmann Famille, filiale de la société Châteaux en Bordeaux, a également une gamme de boissons aromatisées à base de vin avec un blanc et un rosé fruit de la passion ou un rosé au pamplemousse.
Le succès aidant, d’autres se sont engouffrés dans la brèche ou ont décidé de commercialiser des produits qui peuvent apparaître au premier abord assez déroutants. C’est le cas d’un vin aromatisé au cola, qui est commercialisé depuis 2013 par Haussmann Famille sous le nom de « Rouge sucette cola ». Enfin, a été lancée en juillet 2014 aux Etats-Unis un vin en canette aromatisé… au café contenant 6 % d’alcool et permettant, selon la société Friends Fun Wine qui le commercialise, de combiner « la boisson la plus populaire de la journée » avec celle qui est « la plus populaire en soirée » avec un cabernet rouge goût expresso et un chardonnay goût capuccino.
Certains estiment que les boissons aromatisées à base de vin sont un simple effet de mode, alors que, selon l’OIV, ils ne représenteraient que 1 % de la consommation totale des vins. La progression de la vente de ces produits en France est néanmoins particulièrement spectaculaire dans un laps de temps très réduit : 4 millions de litres en 2011, 22 millions de litres en 2013. Certains producteurs envisagent même de décliner le concept en commercialisant des « crèmes à base de vin », à la manière des crèmes de whisky. Un sorbet au rosé contenant 5 % d’alcool a d’ailleurs été commercialisé pour la première fois en France en 2014 sous le nom de LichBitSun, avec la même volonté d’attirer une nouvelle clientèle. L’un de ses créateurs, Alain Martinez, un ancien glacier, explique ainsi que « c’est un sorbet qui ne plaît pas à tout le monde, mais qui séduit les personnes qui n’aiment pas l’alcool car nous avons volontairement opté pour un vin doux en bouche ».
En termes de support, l’une des évolutions récentes les plus notables, et sans doute les plus controversées, est le vin en canette. La société française Winestar se présente ainsi comme « le premier vin français premium en canette ». Elle propose depuis 2013 une gamme de 12 références dans les appellations françaises les plus prestigieuses. Le recours à la canette en aluminium est justifié par l’entreprise par le fait qu’elle serait le « conditionnement idéal [du vin] puisqu’elle protège parfaitement son contenu de l’air, de la lumière et de l’humidité […] grâce à un revêtement interne spécifique, fruit de plusieurs années de R&D, et qui isole parfaitement le vin du métal ». Les deux autres justifications résident dans le fait que le conditionnement en canette individuelle ne revient pas plus cher que celui en bouteille et bien évidemment que celui-ci empêche d’avoir un goût de bouchon. La société américaine Friends Fun Wine, dont nous avons parlé plus haut, est également connue pour vendre du vin en canette.
Les initiatives visant à élargir la clientèle ont également trait au mode de distribution du vin. Une startup nantaise 10-vins rencontre ainsi depuis 2012 un beau succès en vendant notamment sur internet des vins non pas en bouteilles, mais en flacons de 10 centilitres, soit l’équivalent d’un verre, et bientôt une sorte de « machine à vin », ou de dégustation de vin au verre, appelée D-vine, qui devrait être commercialisée d’ici la fin de l’année 2014 à un tarif d’environ 200 euros. Le flacon est équipé d’une puce électronique qui contient des informations sur les conditions optimales pour pouvoir déguster le vin en question, c’est-à-dire à quelle température et à quel carrafage le vin doit être servi. La machine perfore alors le bouchon du flacon et fait en sorte en une trentaine de secondes de pouvoir servir le vin au verre à bonne température et correctement aéré. C’est la raison pour laquelle les créateurs de la société expliquent qu’ils sont le « Nespresso du vin ». L’entreprise s’appuie sur un comité de sélection qui choisit les vins auprès de vignerons indépendants pratiquant une agriculture raisonnée ou bio. Les vins sélectionnés sont ensuite reconditionnés dans des flacons spéciaux de 10 cl, le vin étant garanti 3 ans sans aucune altération grâce au bouchon hermétique du flacon qui est vissable. L’objectif de l’entreprise est donc de rendre les grands crus abordables – les flacons coûtent entre 2 et 16 euros – et de pouvoir les consommer chez soi dans les mêmes conditions que s’ils étaient servis par des professionnels dans un restaurant, tout en rapprochant le consommateur du producteur. Il s’agit donc selon Thibaut Jarrousse, le co-fondateur de l’entreprise, d’avoir « la même qualité de service (température et carrafage) sans pour autant être sommelier ou œnologue ».
On peut citer d’autres initiatives intéressantes en matière de distribution comme l’achat de vin par abonnement ou encore les ventes privées sur internet. A partir de septembre 2014, Nicolas va ainsi proposer une box contenant trois échantillons de vins sélectionnés en fonction d’une thématique précise avec un livret d’explication. D’autres entreprises proposent également différentes formes d’abonnement.
Sans parler des initiatives individuelles, diverses et variées, de vignerons ou de groupements de viticulteurs.
En savoir plus : www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/07/23/20002-20140723ARTFIG00006-le-foie-gras-la-biere-ou-le-vin-ces-produits-qui-font-la-richesse-du-patrimoine-francais.php (article du Figaro du 23 juillet mentionné dans l’article), www.oiv.int/oiv/info/frpoint2013?lang=fr (données de l’Organisation internationale de la vigne et du vin), www.vinetsociete.fr/chiffres (données de Vin & Société), www.insee.fr/fr/ (données de l’INSEE), www.franceagrimer.fr/content/download/19367/156077/file/SYN-VIN-conf%C3%A9rence-vinitech-%C3%A9tude-consommation-vin-A12.pdf (Synthèse de FranceAgrimer sur la consommation du vin en France en 2010 publiée en novembre 2012), www.ladepeche.fr/article/2013/06/18/1652641-le-rouge-cola-le-nouveau-gout-des-vins-aromatises.html (source de la citation de Pauline Lacombe), www.groupe-castel.com/documents/presse/Communique_de_presse_VeRy.pdf (informations sur les vins aromatisés commercialisés par le groupe Castel), www.chateaux-en-bordeaux.com/index.php?p=societe_filia (informations sur les vins aromatisés commercialisés par Haussmann Famille), www.friendsfunwine.com/ (site de la société Friends Fun Wine), www.oiv.int/oiv/info/fr_vins_aromatises_rts (source des données de l’OIV sur les boissons aromatisées à base de vin), www.facebook.com/LichBitSun (page Facebook consacrée au sorbet au rosé), www.lefigaro.fr/conso/2014/07/30/05007-20140730ARTFIG00159-le-vin-rose-se-convertit-en-glace.php (source de la citation d’Alain Martinez), www.winestar.fr/ (site de la société qui propose du vin en canette), www.10-vins.com/ (site de la société 10-vins), http://business.lesechos.fr/entrepreneurs/idees-de-business/t-jarrousse-10-vins-nous-sommes-le-nespresso-du-vin-58706.php (source de la citation de Thibaut Jarrousse).
Précédents articles de WikiAgri proches du sujet : https://wikiagri.fr/articles/un-vigneron-lance-une-souscription-sur-ses-futures-vendanges/333 (l’initiative d’un vigneron) ; https://wikiagri.fr/articles/covigneron-une-trouvaille-qui-fait-son-chemin/369 (un exemple de vente par internet).
Il n'y a pas de commentaires pour le moment. Soyez le premier à participer !
Tout est parti de l’idée de la Commission Européenne d’informer les consommateurs sur la composition des vins qu’ils achètent. En effet, aussi étonnant que cela puisse paraitre, les producteurs d’alcool ne sont pas tenus d’indiquer les ingrédients qu’ils mettent dans leurs breuvages, ni les calories, contrairement aux eaux minérales qui doivent eux, tout détailler sur l’étiquette. Il est vrai qu’il n’y a pas que du raisin dans le vin!
Pour homogénéiser leur production, les vignerons ont le droit d’utiliser environ , 300 types de levures, notamment pour clarifier et conserver, du bisulfite ammonium, qui favorise le développement des-dites levures, de l’uréase, pour diminuer le taux d’urée, de la gélatine alimentaire ou de la colle de poisson, qui désacidifient, du sulfate de cuivre, qui élimine les défauts de gout ou d’odeur, du soufre, des copeaux de bois, du ferrocyanure de potassium pour déferrer le vin… Au total, sont autorisés en vinification plus de 49 additifs, à cela on ajoutent 70 auxiliaires technologiques, censés eux, ne pas laisser de résidus dans la bouteille.
Face à l’artificialisation du vin, de plus en plus de producteurs proposent des pinards sans ajouts. Ces tenants du vin qualifier de « naturel » sont bien évidement de farouches partisans de la transparence sur l’étiquette. Sauf que l’amendement promis par les députés Européens tarde à voir le jour.