L’un d’entre vous, membre de WikiAgri, a attiré notre attention sur un sujet délicat, qui mérite néanmoins un développement. L’agriculture est une corporation connaissant l’un des plus forts taux de suicide dans notre pays. Pourtant, la prévention existe.
David Lacrépinière (membre de WikiAgri donc) est délégué départemental Ain-Rhône, en tant vacher aux services de remplacement du Haut-Bugey (Ain). Ses responsabilités à la MSA l’ont amené à participer (avec une équipe) à la mise en place d’une cellule de prévention du suicide en agriculture.
« En tant que salarié des services de remplacement, je suis amené à travailler dans plusieurs fermes, explique-t-il. Je sais que l’on peut percevoir des comportements dépressifs. L’objectif de la cellule est de parvenir à déceler les agriculteurs qui pourraient tomber dans la dépression pour les mettre en contact avec du personnel de la MSA formé au dialogue et à la psychologie. Derrière, quand ce sont des problèmes financiers qui sont posés, la MSA dispose également de moyens, par exemple pour étaler les échéances, au moins pour les paiements qu’elle perçoit elle-même.«
La cellule est active. Des réunions de sensibilisation sont organisées, un dépliant (voir à la fin de l’article) est publié et est en cours de distribution dans les points stratégiques (silos, fromageries, Cuma…). Et ce qui existe pour le secteur géographique Ain-Rhône est déjà en place, ou est en train de se mettre en place, partout en France, à chaque fois à l’échelle locale, de manière à pouvoir ouvrir le dialogue.
Notre interlocuteur reprend : « Nous avons ouvert une ligne téléphonique spécifique. Au départ, on ne savait pas si elle serait réellement utilisée, mais c’est un fait, des agriculteurs ressentant leur mal être appellent et parviennent parfois mieux à l’exprimer ainsi qu’auprès de leurs proches. Bien sûr, au sein de la cellule, chacun a ses compétences. Moi je suis plus « terrain », je fais partie de ceux qui relaient l’information. D’autres personnes ont des compétences d’écoute et de dialogue et savent quoi dire dans ces cas là, ce sont elles qui répondent au téléphone ou sont mises en contact avec les personnes qui en ont besoin.«
Les crises agricoles sont souvent la cause de ce mal être. Mais c’est aussi là qu’il peut être combattu. « Certaines personnes ont une tendance suicidaire, et là c’est difficile d’intervenir, parfois on découvre le suicide sans que l’entourage ne s’en soit douté. Mais pour la majorité, ce sont souvent des circonstances qui donnent des idées noires. Et là, en discutant, il est possible de voir les choses autrement. Une nouvelle crise laitière pourrait entraîner une vague de mal être, d’où l’intérêt de faire connaître l’existence de notre cellule de prévention. Un agriculteur en difficulté ne le dira pas obligatoirement, par fierté, c’est dans sa mentalité. Mais si lui n’appelle pas, son voisin pourra peut-être donner l’alerte… » D’autant que la confidentialité est de mise : le secret médical des psychlogues s’étant en l’occurrence à l’ensemble des membres actifs de la cellule.
Autre aspect, d’ordre politique celui-là, David Lacrépinière aimerait faire reconnaître le suicide en agriculture comme étant inhérent au travail : « Quand un agriculteur se suicide parce qu’il est criblé de dettes, celles-ci se reportent sur ses proches, qui se retrouvent à leur tour dans la détresse. Avec la reconnaissance de la maladie professionnelle, ce serait différent…«
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. Note : ce sujet a été proposé par l’un d’entre vous. Si vous aussi vous souhaitez nous proposer des thèmes d’articles, contactez-nous à [email protected].
Photo en médaillon : David Lacrépinière.
Ci-dessous : le dépliant trois volets (ici recto et verso) réalisé par la cellule de prévention du mal être de la MSA Ain-Rhône. On peut le télécharger ici : http://www.msa01-69.fr/lfr/documents/98785/2535589/D%C3%A9pliant_Cellule_Prevention_Suicide.pdf.