Cette année, suite aux difficultés d’implantation de l’automne dernier, la sole de colza est en berne, autour d’un million d’hectares. Pour la prochaine campagne, redonnons des couleurs au colza et mettons toutes les chances de notre côté pour un bon démarrage.
Bien réussir sa culture de colza débute par le choix de variétés adaptées à son contexte. Panacher plusieurs variétés aide à sécuriser le rendement et à coller au mieux aux caractéristiques de ses différentes parcelles. Bien sûr, le niveau de rendement reste le premier critère de choix, mais il faut aussi intégrer la dynamique d’installation pour sécuriser sa culture. Certaines variétés se distinguent ce sur point, celles avec le label Install + chez LG ou les nouveautés Adelmo KWs, Black Buzz de Semences de France. Le choix s’opère également au regard des risques, maladies et ravageurs, les plus fréquents.
La création variétale explore les résistances mais aucune variété ne présente de sécurité absolue. Néanmoins, choisir une variété tolérante peut amoindrir les risques. La tolérance des variétés au phoma, à la hernie ou la cylindrospriose progresse. Pour une bonne fin de cycle, les variétés très peu sensibles au phoma sont toujours à privilégier. Pour éviter l’essor de populations de champignons résistants, il faut alterner le type de résistance (RLM 9, RLM 7 et RLM S), un peu comme on alterne les modes d’action de produits phytosanitaires. Les nouveautés Miranda chez Mas Seeds, RGT Tempo, RGT Picasso ou encore Feliciano KWS et Adelmo KWS, présentent des résistances au phoma. LG Aviron et LG Ambassador cumulent les tolérances au phoma et à la cylindrosporiose. En cas de problème récurrent d’orobanche, on peut opter pour Shield de Mas Seeds. Face à la cylindroporiose, Black Million de Semences de France a un bon comportement.
Réussir son colza pour la campagne 2024
Vis-à-vis des insectes, c’est surtout face à la virose TuYV, transmise par les pucerons contre lesquels on a peu de solutions de lutte, que des variétés tolérantes ont été travaillées : Feliciano KWS, Alessandro KWS, LG Artemis, RGT Tempo, RGT Banquizz. Alors qu’il y a de moins en moins de solutions face aux altises et charançons du bourgeon terminal, la piste variétale est encore partielle.
Autre critère de choix, une variété qui présente une floraison groupée permet un meilleur contrôle des méligèthes et du positionnement des fongicides. En cas de semis précoce, de sols riches en azote, autant miser sur une variété peu sensible à l’élongation automnale. Dans les sols profonds, c’est la sensibilité à la verse qu’il faut éviter.
La sécurisation de l’implantation est un élément décisif pour la réussite de la culture. Avec une levée rapide et homogène, les plants dépassent rapidement les 4/6 feuilles, stade de sensibilité, notamment aux altises et auront donc plus de chance d’exprimer pleinement leur potentiel de rendement. Il faut avoir en tête l’objectif que son colza atteigne le stade 4 feuilles avant le 20/25 septembre, date de pic des vols d’altise.
La réussite du semis débute par l’évaluation de la structure du sol dès juin, afin de réaliser les travaux du sol adaptés le plus tôt possible après la récolte du précédent. Dans un sol argilo-calcaire superficiel, si la situation est compactée en surface, mieux vaut privilégier un travail du sol superficiel sur 5 cm environ par deux passages croisés de disques, afin de préserver la fraîcheur du sol. Il faut laisser au moins 15 jours avant le semis sans intervention pour conserver un maximum d’humidité. Si la structure du sol nécessite une intervention en profondeur, il faudrait l’anticiper à l’implantation de la culture précédente. Dans un sol bien structuré, le travail du sol n’est pas nécessaire.
Le semis ne doit pas être trop dense avec comme objectif, la levée de 20 à 35 plantes au m². L’optimum de profondeur de semis est de 2 cm.
Ce sont le climat et le type de sol qui dicteront la date. Il est préférable de semer tôt dans les sols superficiels et argileux. Au contraire, il faut attendre un peu dans les sols profonds et/ou à forte disponibilité en azote, pour limiter le risque d’élongation en entrée d’hiver. S’il faut se montrer réactif face aux prévisions météo, de faibles pluviométries ne signifient pas obligatoire levée compromise si la gestion de l’interculture a permis de limiter l’assèchement, de gérer les résidus de récolte et de contenir les populations de ravageurs, limaces notamment.
Pour un bon démarrage, le colza doit avoir suffisamment d’azote et de phosphore. L’apport d’azote peut être fait par une fertilisation organique ou minérale au semis. Cet apport peut aussi être fait par un semis en association avec des légumineuses gélives.
Il ne faut pas oublier que le colza est très exigeant en phosphore en début de croissance. Dans les parcelles à faible disponibilité, les apports sont à faire au semis. Les apports d’azote et de phosphore en sortie d’hiver seront complétés par du soufre et du molybdène. Dans les sols sableux, un apport de bore est aussi recommandé.
L’arrivée, l’an dernier, de Mozzar/ Belkar et de Fox a confirmé tout l’intérêt d’un désherbage en post-levée.
« Pour les semis 2019, les conditions climatiques ont accéléré le transfert des désherbages de la pré vers la post-levée, analyse Franck Duroueix, responsable de la cellule « évaluation des intrants » à Terres Inovia. La sécheresse, des levées difficiles ont poussé pas mal d’agriculteurs à attendre pour désherber. »
Ces conditions climatiques particulières ne doivent pas faire oublier les intérêts techniques d’une intervention en post-levée : traiter selon les adventices levées et s’affranchir des risques d’avoir dépensé pour une culture qui ne démarre pas. « C’est particulièrement intéressant dans les zones intermédiaires, quand on a des risques importants de sécheresse. » Dans les parcelles propres, dans les rotations avec peu de colza, on peut aussi faire l’impasse de la pré-levée et attendre de voir ce dont on a besoin. « Ça peut aller jusqu’à une impasse totale de désherbage, si on se rend compte début octobre que le colza ne souffre pas de concurrence », encourage Franck Duroueix. Cela permet aussi une intervention plus efficace, car bien ciblée sur les adventives réellement présentes. « Les produits de post-levée ont une efficacité intéressante sur les dicotylédones. A base d’halauxifène-méthyl et de piclorame, Mozzar, par exemple, apporte un réel plus face aux géraniums et gaillets », reconnait Franck Duroueix. Fox, d’Adama, est plus axé contre les crucifères. Les désherbages de post-levée participent à la nécessaire reconquête de compétitivité du colza, du fait de leur prix plus abordable que celui des pré-levée et de la possibilité de programmes allégés tout « en post ».
En revanche, quand les graminées sont nombreuses, vulpins et ray grass notamment, quand on est sur sol argilo-calcaire, il est difficile de ne compter que sur un désherbage en post-levée. « Il faut se garder les deux leviers et raisonner en programme, conseille Franck Duroueix. Faire une pré-levée basique ciblée contre les graminées, qui a l’avantage d’être assez économique, autour des 30/40€. Et compléter par une post-levée ciblée dicotylédones avec, si besoin, un complément contre les graminées ».
Pour l’instant, le désherbage du colza n’est pas confronté à des problèmes de résistances, car plusieurs modes d’actions sont disponibles. Mais, le métazachlore doit être ré-homologué dans les 12 prochains mois. « Se pose le problème de ses métabolites dont on retrouve des traces dans l’eau, reconnait Franck Duroueix. Il faut donc être vigilant sur les doses et les bonnes pratiques d’application. » D’ailleurs, plusieurs produits contenant du métazachlore dont les ré-homologations sont toujours en cours d’examen par l’Anses.
Suivi des populations de ravageurs, bonnes pratiques agronomiques et interventions insecticides en cas de dépassement des seuils visent à limiter les dégâts sur les jeunes cultures de colza.
Les principaux ravageurs d’automne sont les limaces, les grosses altises, les charançons du bourgeon terminale et les pucerons. Dans le contexte actuel de résistance, aux pyréthrinoïdes notamment, la lutte chimique ne suffit pas. Pour limiter la nuisibilité des ravageurs, l’agronomie et, principalement, une bonne implantation, sont des facteurs clé. Pour évaluer le niveau de risque, mieux vaut surveiller régulièrement ses parcelles (pièges à limaces, cuvettes jaunes) et consulter les bulletins BSV.
Du semis au stade 3 feuilles, ce sont les limaces qui peuvent causer d’importants dégâts (lire l’article dédié dans ce numéro). De la levée au stade 3 feuilles, ce sont les altises adultes qui sont à craindre. Si des insectes sont détectés dans les pièges et des morsures constatées sur plus de 8 pieds sur 10 (3/0 en cas de levée tardive), il faut intervenir avec un organophosphoré. En raison de résistance constatée dans sa zone, l’utilisation d’un pyréthréninoïde seul est déconseillé. La surveillance des larves se poursuit jusqu’au stade rosette. Il faut intervenir quand on constate plus de 5 larves par pied.
Les charançons du bourgeon terminal sont à surveiller de la fin septembre à la reprise de végétation. Les risques sont accrus pour les colzas peu développés. Selon les insectes piégés et les indications des BSV, il faudra intervenir soit avec un pyréthrénoïde seul, soit, dans les zones où des résistances sont présentes, en l’associant avec un organophosphoré.
Pour les pucerons, les risques sont sur les six premières semaines après la levée, autant pour les dégâts occasionnés par les morsures que pour les virus transmis. Face aux pucerons verts, seul Teppeki est encore efficace.
Commercialisé depuis l’été 2019 par Pioneer, LumiGen est un traitement de semences comprenant un insecticide et un biofertilisant Lumibio Kelta. Ensemble, ils stimulent le fonctionnement métabolique et le développement racinaire pour renforcer les échanges racines/sol, donc l’absorption des éléments nutritifs.
Cette combinaison renforce la vitesse d’émergence et la vigueur, ce qui sécurise l’implantation. Au regard de ses essais, Corteva, avance un gain de 8 % de biomasse aérienne grâce à LumiGen.
Par Cécile Julien