bertrand patenotre

Sa bergerie prend feu, il arrête tout

Bertrand Patenotre a 58 ans. Un âge auquel on ne redémarre pas tout de zéro. Précurseur dans l’Aube dans un système où il a lié l’élevage (ovin en l’occurrence) à ses cultures dans un cercle vertueux où l’un sert l’autre, il vient d’être victime d’un incendie. La bergerie a pris feu, une cinquantaine de cadavres ont été sortis des décombres, et il perd aussi l’outil de travail indispensable aux agnelages… C’est la fin.

C’est par l’agronomie que Bertrand Patenotre est venu à l’élevage. Lui qui, au début, cultivait 176 hectares de céréales a réfléchi, regardé ce que faisaient d’autres aussi (il n’est pas l’inventeur du système), et s’est demandé ce qui irait le mieux avec sa technique de semis direct et les couverts végétaux qui sont une composante vitale de la conservation des sols. Une évidence lui est apparue, l’élevage, et les brebis se sont imposées.

La passion soudaine d’un agronome pour l’élevage

« C’était une époque où les éleveurs arrêtaient les uns après les autres dans les régions spécifiques d’élevages ovins, et moi, j’ai installé une troupe de 400 brebis dans l’Aube (Ndlr : sur la commune de Piney, à l’est de Troyes), département surtout céréalier : on m’a regardé avec étonnement ! »

Mais l’agronome caché derrière l’agriculteur avait pensé à tout : des prairies installées parmi ses cultures céréalières pour emmener les brebis au champ, et utiliser le fumier des animaux pour l’épandre sur l’ensemble des champs, et ainsi réduire conséquemment la facture en intrants. L’un sert l’autre, et les revenus sont diversifiés, avec la vente des céréales, mais aussi celle des animaux.

« Je n’ai rien inventé, précise modestement Bertrand Patenotre, en revanche je me suis investi à fond dans cette idée. De fait, j’ai été observé, d’autres agriculteurs ont été tentés de me suivre, j’ai donné des conférences, des conseils… »

50 cadavres de brebis après l’incendie

Seulement si ce système, finalement très écologique, présente moult inétrêts, il n’empêche en rien les risques et aléas du métier d’agriculteur. Dans la nuit du vendredi 28 au samedi 29 juin, la bergerie a pris feu… Complètement détruite à l’arrivée ! « J’ai été appelé à 4 heures du matin, c’était trop tard. J’ai perdu au moins une cinquantaine de bêtes (la plupart étaient en prairie, seules celles présentant un besoin d’intervention, comme une patte blessée par exemple, y étaient installées). Soit une partie importante du troupeau tout de même… Mais aussi la bergerie, outil de travail indispensable pour les agnelages ! Et les miens doivent intervenir dans deux mois, avec aucune autre possibilité dans mon secteur géographique… »

Tant et si bien que, la mort dans l’âme, il annonce sur les réseaux sociaux qu’il ne trouve pas de solutions pour effectuer les agnelages dans des conditions correctes, alors il arrête l’élevage, et cherche à céder le reste de la troupe. « Avec les mères pleines, des agneaux pourront être vendus dès les prochaines fêtes de fin d’année, celui qui m’achètera se remboursera vite… »

Encore un savoir-faire agricole qui s’envole…

Bertrand Patenotre va poursuivre son activité de céréalier. Il n’est pas « à la rue ». Mais tout ce qu’il a construit avec passion ces dernières années s’envole avec la fumée de cet incendie. Et on le sent pour le moins amer, d’autant que le système qu’il avait adopté, finalement, répond en grande partie à la problématique environnementale posée au monde agricole…

Comme tant d’autres agriculteurs en ce moment qui cesse tout ou partie de leurs activités, Bertrand Patenotre a fait son choix… A l’arrivée, encore un savoir-faire agricole qui disparait, une expérience de terrain qui sera oubliée… Parce que pendant que les accords de libre-échange sont négociés, on oublie de créer un montage, quelle que soit sa forme, qui réponde aux réels besoins des agriculteurs, pour qu’ils puissent se relever après un coup dur.


Ci-dessous, photo fournie par Bertrand Patenotre.

2 Commentaire(s)

  1. Curieuse période sous l’emprise du feu… du feu partout, on brule les voitures, on brule les appartements etc.. on brule notre dame.. accident où pas, les mains de l’homme deviennent maléfiques..

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