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Rendements catastrophiques du blé en 2016, la pluie seule responsable ?

A l’heure où les premières moissonneuses sortent des chiffres catastrophiques, mais aussi et surtout très surprenants, il est compréhensible de vouloir tout remettre en cause sur l’itinéraire technique, voire l’accompagnement… Le point sur la situation.

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A-t-on mis trop d’azote ? Les produits fonctionnent-ils encore ? Les semences étaient-elles de bonne qualité ? M’a-t-on mal conseillé ? Autant de questions qui se posent en ce moment…La moisson est loin d’être terminée, mais on peut néanmoins revenir sur les trois principales raisons de ce coup de tonnerre.

Avant tout, il faut bien avoir conscience que tous les indicateurs étaient au vert jusqu’au 25 mai… En effet, malgré un printemps plus frais que d’habitude, les céréales avaient néanmoins réussi à convertir très efficacement l’azote apporté. Les composantes « Biomasse à floraison » et « Epis/m² » sont au vert.

Dans les essais Arvalis – Institut du végétal (Flandres, Santerre, Oise), comptés jusqu’à aujourd’hui, on relève en effet + 5 % d’épis/m² par rapport à la moyenne pluri-annuelle. Les biomasses à floraison étaient du niveau de 2015, année exceptionnelle en rendement, soit 1 à 2 tonnes de matière sèche / hectare de plus que la moyenne des 15 dernières années.

Donc, à part la pression maladies (septoriose notamment) plus forte que d’habitude qui a pu être mal contrôlée dans certaines parcelles, sur variétés sensibles, et évidemment la JNO dont nous avions déjà largement parlé, le potentiel était donc correct jusqu’au… 25 mai.

A partir du 25 mai, la situation se dégrade de jour en jour…

D’énormes quantités d’eau s’abattent sur la région (et sur une bonne partie de la France). En quelques jours, du 28 mai au 4 juin, on enregistre des cumuls parfois supérieurs à 100 mm, mais surtout associés à de très faibles rayonnements.


Figure 1 : pluie du 28 mai au 4 juin


Figure 2 : rayonnement du 28 mai au 4 juin


Or, les blés sont à cette époque-là, entre début floraison et floraison, une phase extrêmement sensible pour la composante Grains / Epi et le début Remplissage. Les excès d’eau provoquent des défauts de fécondation et des avortements de grains précoces. Au moment précis de la fécondation (1 à 3 jours avant la floraison), et dans les quelques jours qui suivent, les grains en tout début de formation ont besoin d’être alimentés par la plante.

En cas d’excès d’eau (immersion ou simple excès d’eau), la plante réduit voire arrête son métabolisme, et ne peut donc pas alimenter les grains en cours d’initiation. Par ailleurs, des synthèses d’hormone (acide abscissique) peuvent pénaliser la fécondation des ovules. Dans une note Arvalis – Institut du végétal, l’équipe physiologie (J.C.Deswartes & co.) avait pointé ce risque, essentiellement pour les blés de la zone Nord, craignant de grosses pertes de rendement selon les cas (de 30 à 100 %).

Les comptages effectués par la suite à mi-remplissage ont abouti à des fertilités affectées de l’ordre de 15 à 20 % en moyenne. Le bon nombre d’épis a tamponné un peu cette mauvaise fertilité mais la composante grains/m² est d’ores et déjà très impactée.

Et le remplissage ? Les PMG (poids de mille grains) ?

Plus que les cumuls de pluies pendant le remplissage (de floraison à floraison + 30 jours), c’est surtout le nombre de jours de pluies sur cette période qui est important. En fonction des précocités et de localisation des parcelles de la région, on peut compter cette année jusqu’à 26 jours avec de la pluie sur 30 jours !

Les blés ont été constamment dans l’humidité, laissant au passage se développer largement des champignons comme les Microdochium sur épi ou aussi la septoriose.

La première conséquence est que les blés ne parviennent pas à remplir correctement les grains en cas d’humidité persistante. Toutes choses égales par ailleurs, plus de 25 jours de pluie sur la floraison – floraison + 30 jours, par rapport à moins de 5 jours, on calcule ainsi -20 % de PMG sur la base de données régionale Hauts de France depuis 20 ans. C’est l’écart énorme que l’on a entre 2015 et 2016 par exemple.

Figure 3 : nombre de jours de pluies du 1er au 30 juin

Pour mémoire, les années à plus de 23 jours de pluie sur cette phase ont marqué les esprits, dans le mauvais sens du terme : 2016 donc, 2012, 2007, et 1998 et 1997 : années à fusariose, Hagberg et mauvais rendements.

Figure 4 : rendements régionaux en Nord – Pas-de-Calais / Picardie


La deuxième conséquence de ces pluies de juin / juillet est enfin sur le poids des maladies qui entravent fortement le remplissage également.

En résumé

– Un bon nombre d’épis et statut azoté à floraison.
– Puis un gros problème de rayonnement (et donc de pluies) sur la fertilité : -15 à 20 % en moyenne.
– Et un remplissage catastrophique lié à la pluie : directement (-20%) ou indirectement par les maladies de fin de cycle (variable selon les sites, les variétés et les protections).
– Soit au moins 35 à 40 % de rendement juste lié à l’eau… sans compter d’autres paramètres dans certaines parcelles comme la JNO.

Ce sont des premiers éléments d’explication… Nous reviendrons, bien entendu, dans les semaines qui suivent sur un bilan plus détaillé.

 

Anne-Sophie Colart, Thierry Denis, Elodie Gagliardi (Arvalis – Institut du végétal)

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