« Les relations entre les pertes de rendement et le nombre de limaces observées sont très difficiles à estimer », constate André Chabert, animateur du réseau mixte technologique (RMT) « diagnostic santé du végétal » de l’Acta. Non seulement, les connaissances sur la biologie de la limace manquent, et en plus l’évaluation de leur nuisibilité reste difficile. « Pour un même nombre de limaces dans une même culture, les pourcentages de pertes sont très variables, poursuit le spécialiste. Il n’y a pas de relation mathématique entre le nombre de limaces piégées et les pertes en plantes. Ainsi dans un colza, avec de 1 à 2 limaces par m², les pertes vont de 0 à 100 % de plantules, avec une perte médiane à 12 %. Quand on dépasse les 2 limaces, la médiane est supérieure à 30 %. En blé, culture moins sensible, des dégâts importants sont observés en général quand on dépasse les 20 limaces au mètre carré. »
En effet, toutes les cultures n’ont pas la même capacité de compensation. Le colza, le tournesol et le maïs compensent très mal une attaque précoce, alors que les céréales repartiront plus facilement. « En tournesol comme en colza, on peut arriver à un tel niveau de pertes qu’un resemis est nécessaire. Même si on a été assez tranquille pendant deux campagnes, il faut rester vigilant », prévient Guillaume Barbe, chef de marché chez Adama. Face à des attaques si hétérogènes, « il est difficile de modéliser le risque limaces. En plus il est multifactoriel, c’est beaucoup plus complexe par exemple que pour les maladies », estime Jérôme Rouveure, chef produits et digitalisation chez Phyteurop.
Ce sont sur les semences et les jeunes plantules que les attaques de limaces sont les plus dommageables. Leur vulnérabilité dure jusqu’à ce que les plantes aient atteint le stade 3 à 4 feuilles. « Chaque année, sèche comme humide, 8 % des parcelles de colza sont à resemer à cause des dégâts des limaces », partage Pierre Olçomendy, chef marché anti-limaces chez De Sangosse. Un resemis revient à 250 à 300 € par hectare, à mettre en face de la quinzaine d’euros que coûte la protection molluscicide. Le choix économique est vite fait !
Pour décider d’une stratégie pertinente et protéger ses cultures pendant leur stade sensible, il faut évaluer le risque dans chaque parcelle, en fonction du type de sol, du précédent… Ce risque est à compléter par une estimation de la population de limaces, deux à trois semaines avant le semis, grâce à des pièges.
Différents outils peuvent y aider, comme l’Observatoire De Sangosse, accessible sur le site www. ciblage-anti-limaces.fr ou sur l’application Ciblage. « 800 agriculteurs nous transmettent les résultats de leurs piégeages, explique Pierre Olçomendy. C’est une alerte pour penser à aller poser des pièges dans ses parcelles. » Le comptage par les pièges ne reflète que l’activité des limaces en surface.
On estime que pour une limace en surface, donc comptabilisée, il y en a 7 fois plus dans le sol. « Les pièges servent de refuge et donc ne traduisent pas forcément la population active », prévient François Brunisholz, d’Arvalis. « Leur alerte est à compléter par une observation directe, des populations et des dégâts dans la parcelle à risque. » C’est bien l’activité, donc les déplacements pour se nourrir, qui fait le risque. C’est ce que suit l’application Lim-Alert, que propose Adama. « En fonction du risque de la parcelle et de critères climatiques, l’application détermine l’activité des limaces, ce qui aide l’agriculteur à déclencher le traitement en fonction d’un risque avéré », explique Guillaume Barbe. De même, avec l’application Prévilimaces, de Phyteurop, qui propose une approche à la parcelle intégrant les paramètres de lutte agronomique pour estimer le risque limaces et met à disposition un tableau dynamique avec les seuils, les stades de protection, les capacités de compensation par culture.
Les instituts techniques estiment qu’il y a un risque en colza et tournesol dès qu’on observe 1 à 2 limaces/m² en conditions humides. En maïs, le seuil de risque est fixé entre 3 à 5 limaces. En blé et orge, il faut intervenir avec le semis si on détecte plus de 20 limaces au m². S’il n’y en a moins, on peut attendre le semis.
Si, au regard du piégeage, de la sensibilité de la culture, des conditions météo, le risque est fort, il faudra apporter de l’anti-limaces, au semis, en localisé ou mélangé avec la semence. Une deuxième intervention, entre le semis et stade 3 à 4 feuilles, pourra être nécessaires si plus d’un tiers des plantes attaquées. En cas de risque moins fort, il faut rester vigilant et suivre le piégeage et l’évolution météo pour intervenir si besoin.
Deux matières actives sont disponibles, métaldéhyde et phosphate ferrique. « Nous travaillons pour les années à venir sur de nouvelles solutions », complète Guillaume Barbe.
Cécile Julien