Emmanuel Macron a dit « clairement » qu’il allait « être clair, et cela très directement », « parce qu’il ne faut pas se mentir », « avec beaucoup de franchise et de clarté »… Le langage qu’il a adopté dans son discours d’accueil de près 700 jeunes agriculteurs à l’Elysée ce jeudi fut émaillé de très nombreuses locutions justificatives de sa politique agricole, visant à donner l’impression… qu’elle était claire.
Ce sont des citations exactes, et non exhaustives : « … de manière directe« , « je vais vous dire très clairement« , « très directement« , « il ne faut pas se mentir« , « avec beaucoup de franchise et beaucoup de clarté« … Vous faites le test, vous écoutez le discours d’Emmanuel Macron adressé aux agriculteurs à l’Elysée à partir de n’importe quel moment et vous attendez deux minutes : vous aurez droit à une justification sur la clarté de son discours et de sa politique agricole. Résultat, à la fin du discours, vous aurez l’impression de beaucoup de choses, d’intentions pourquoi pas louables, mais certainement pas… claires, au moins dans leur modus operandi.
Mais ne soyons pas trop critique : les agriculteurs ont été bien accueillis (autour d’un buffet déjeunatoire sans faute de goût, uniquement des produits du terroir français), et Emmanuel Macron a eu un mérite pour cette journée de jeudi à l’Élysée, il s’est montré disponible pour ses hôtes. Il en a même chamboulé son emploi du temps, passant la journée entière avec les agriculteurs, quitte à partir à Bruxelles bien plus tard que prévu… Au-delà de son discours, il a écouté les uns, puis les autres, passant de petits groupes en petits groupes, répondant aux sollicitations de chacun. On ne peut pas lui reprocher son indifférence ou autre. En revanche, sur le plan des idées, bien sûr, on a le droit de rester sur sa faim, en particulier compte-tenu de la « clarté » davantage annoncée qu’énoncée.
Des idées qu’il a donc développées dans un discours de presque une heure, que l’on retrouve sur son compte Twitter. Il a donc justifié les choix, promis à nouveau que les états généraux de l’alimentation allaient finir, par la voie législative, par provoquer une révolution en agriculture avec la construction d’un prix rémunérateur pour l’agriculteur, louant au passage sa propre méthode. Ses justifications quant aux choix de la France pour aller dans le sens de l’accord de libre-échange entre l’Europe et le Mercosur (les pays d’Amérique Latine) malgré les craintes, en particulier, des éleveurs bovins français, ont montré là encore des intentions louables, qui ne pourront être vérifiées que dans le temps : il évoque ainsi une clause de sauvegarde autorisant à arrêter les importations bovines dans l’hypothèse où elles viendraient sinistrer nos propres éleveurs… Concernant les zones défavorisées, il parle d’une nouvelle carte appaisante qui doit être publique dans quelques jours, et promet un accompagnement pour ceux qui en sortiraient… Sans précision de l’accompagnement en question.
Même chose au niveau de l’effort écologique. L’inflexion environnementale apparait « clairement » dans son discours, mais davantage en intentions qu’en mesures concrètes, autre que l’arrêt du glyphosate au bout de 3 ans, en assumant le fait que ce soit 5 ans en Europe, et en estimant qu’ainsi la France aura deux ans d’avance (et donc sans s’émouvoir de la distorsion de concurrence créée). Pour les agriculteurs, l’arrivée du glyphosate fut une sorte de révolution, son arrêt en sera une autre. S’entendre promettre un accompagnement pour en sortir, mais sans autre précision, ce n’est certainement pas suffisamment… clair.
La visite inaugurale du salon de l’agriculture ce samedi devrait à nouveau répondre à ce mix de discours volontaire dans le ton mais imprécis, de cette envie de discuter et de convaincre, et aussi d’un accueil qui pourrait se révéler mitigé : certes tous les sujets ont été abordés ce jeudi, mais en pratique, sur leurs fermes, les agriculteurs ne savent toujours pas à quoi s’attendre…
Notre illustration ci-dessous montre Emmanuel Macron lors de son discours auprès des 700 agriculteurs reçus à l’Elysée (copie d’écran de la vidéo diffusée sur son compte Twitter).