Toujours plus de bovins viande sont produits. Les éleveurs remplissent leurs étables pour diluer les charges de structure de leur exploitation sur un effectif d’animaux plus important. Leurs ventes contribuent à réduire le déficit commercial français en viande bovine.
En France, la longue crise de la filière bovine modifie en profondeur sa structure et son fonctionnement. Le nombre croissant de vaches laitières réformées sature le marché (les prix sont en baisse), la consommation de viande diminue et les débouchés à l’export vers les pays tiers, hors de l’Union européenne, s’amenuisent. Mais le marché intérieur français est mieux approvisionné.
« La conjoncture dégradée des marchés (baisse de 3 % des cours par rapport à 2015, – 0.5 €/kg vif par rapport à 2013 en JB type viande) n’a pas dissuadé les éleveurs à produire contrairement à la précédente crise en 2009/2010 », rapporte l’Institut de l’élevage dans une étude présentée le 15 novembre 2016 alors que se tenait la conférence « Grand angle viande ».
Le cheptel allaitant croit depuis 3 ans. On dénombre près de 100 000 vaches et 18 000 femelles de 2-3 ans de plus par rapport à 2014. Les abattages supplémentaires (+ 4 % sur les 9 premiers mois de 2016) de vaches allaitantes 593 000 au total) et de vaches laitières (741 000) compensent en partie le déficit de production et limitent le recours aux importations.
Dans les mois à venir, aucun signe de repli en vue. De nouveaux élevages laitiers vont être reconvertis en ateliers de bovins viande. Et le programme de réduction volontaire de la production de lait va encore accroître de quelques milliers d’animaux le nombre de vaches laitières réformées.
Par ailleurs, le sexage des embryons augmente la proportion de jeunes bovins males (croisés lait-viande). Résultat, le stock de jeunes broutards croit de 5 à 6 % en rythme annuel. On dénombre 41 000 têtes de plus début octobre 2016 par rapport à l’année précédente.
La relative fluidité du marché français étonne le ministère de l’Agriculture. Pour éviter tout engorgement dans les prochaines semaines, il prend les devants en instaurant une prime de 150 € par jeune bovin mis sur le marché si le poids de carcasse n’excède pas 360 kilogrammes. Cette aide vise à inciter les éleveurs à ne pas produire des animaux de plus de 400 kilogrammes de carcasse et à compenser, en conséquence, le manque à gagner attendu. Ce dispositif pour la filière viande est en fait quelque peu similaire à celui en place pour réduire la production européenne et française de lait pendant trois mois.
En attendant, la stratégie adoptée par les éleveurs, d’inonder le marché intérieur, modifie les équilibres commerciaux. La baisse de la consommation de viande bovine affecte d’abord les importations, en forte baisse (- 7 %).
En quatre ans, les abattages de bovins viande ont crû de 100.000 tonnes équivalent carcasse (téc) alors que les importations ont baissé 70 000 téc (tonnes équivalent carcasse). Le déficit de production est en voie de résorption.
Les éleveurs de bovins viande reconquièrent le marché intérieur et renforcent leurs positions à l’export en Europe: les expéditions annuelles de viande bovine ont augmenté de près de 20 000 téc depuis 2014 (mais le seuil de 250.000 téc n’a pas encore été franchi). Sur les 9 premiers mois de 2016, les ventes de broutards vers l’Italie ont crû de 9 %, compensant l’effondrement du débouché turc. Au total, 775 000 animaux ont été vendus tandis que les importations baissent à 270 000 téc environ.
Pourtant, la Pologne se positionne de plus en plus en concurrent frontal face à la France. Elle « continue de développer ses exportations de viande bovine réfrigérée, explique l’Institut de l’élevage. Les volumes expédiés sur les 7 premiers mois de l’année ont progressé de +5% à 182 000 téc selon les douanes polonaises. L’Italie est toujours le premier débouché (48.000 téc ; +3% /2015), suivie de l’Allemagne et des Pays-Bas. La hausse des envois se poursuit vers l’Espagne (14.000 téc; +23%) et le Royaume-Uni (10.000 téc ; +9%) ».
Mais les éleveurs français ont su saisir quelques opportunités sur le marché européen. Les consommateurs allemands se détournent de la viande porcine, trop industrielle, et cuisinent davantage de morceaux de boeuf. Le million de réfugiés accueillis en 2015 accroît aussi la demande de produits carnés.
Vers l’Italie, le flux de broutards français exportés ne tarit pas. La période de détention des animaux minimale pour percevoir des aides, réduite à 6 mois, incite les engraisseurs à importer plus d’animaux qu’attendu.