Le sixième rapport de l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires mentionne, à tous les niveaux de la filière bovine, des déficits commerciaux. En cause une mauvaise répartition de la valeur ajoutée liée à une organisation interprofessionnelle archaïque, selon Philippe Chalmin, accentuée par de faibles prix payés aux éleveurs.
Du champ à la fourchette, tous les indicateurs de la filière bovine sont au rouge. « Une avalanche de chiffres négatifs », a même commenté Philippe Chalmin, le président de l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Il présentait le sixième rapport au Parlement le 11 avril dernier.
Parmi les nombreux tableaux et les graphiques publiés dans ce document de 280 pages, les chiffres de la filière bovine traduisent une situation économique invraisemblable, avec pratiquement des déficits à chaque maillon.
Au rayon boucherie des grandes et moyennes surfaces, la marge nette dégagée, avant impôt sur les sociétés, est en moyenne de -2,9 € pour 100 € de chiffre d’affaires alors que la marge brute réalisée est de 2 € par kilogramme de viande. Or il était vendu l’an passé 7,44€, TVA incluse en moyenne (cf page 113 du rapport).
A l’amont de la filière, l’ensemble de la production bovine devrait être en dépôt de bilan. Année après année, les coûts de production sont supérieurs aux prix de vente des bovins et des aides. Pour 100 kilogrammes d’animaux vivants, le manque à gagner était de 40 € pour une rémunération d’1,5 smic dans les élevages de naisseurs. Le produit (prix de vente du jeune bovin et aides reçuees) étaient de 386 € pour cent kilogrammes (€/100 kg) alors que le coût de production est de 427 €/100kg).
Selon toujours le rapport de l’observatoire, la situation est aussi très difficile pour les éleveurs naisseurs-engraisseurs de jeunes bovins et pour les engraisseurs. Pour cent kilogrammes en vif, les coûts de production sont respectivement de 352 €/100kg pour un prix de vente de 336 €/100kg (aides incluses) et de 215 €/100kg pour un prix de vente de 209 €/100kg.
En fait la production bovine doit sa capacité de résistance à la faible rémunération que les éleveurs s’accordent pour leur travail (bien inférieure à 1,5 smic par mois) et pour certains, et aux revenus d’autres activités sans lesquels ils ne pourraient pas subsister.
Les entreprises du secteur de la transformation et de la conservation des viandes de boucherie spécialisées dans l’espèce bovine s’en sortent mieux. Elles dégagent une marge de 1,82 €/kg, en hausse de 20 centimes sur un an tandis que le prix de la carcasse a reculé de 23 centimes (et même de 73 centimes depuis 2013).
Ce sont dn fait les seuls maillons de la filière bovine à être bénéficiaires. En 2014, derniers chiffres connus, elles dégageaient le plus fort résultat courant des quatre dernières années analysées (1,3 % du chiffre d’affaires) alors que leur marge brute était de 1,50 € par kilogramme (€/kg) de viande bovine. Aussi, la marge de l’an passé (pour rappel, 1,82€/kg) a probablement généré un résultat courant avant impôt plus important (mais il faudra attendre plusieurs mois pour avoir une première estimation fiable).
Hormis les questions de coûts de production, ces déficits économiques s’expliquent, en termes de revenu, par la conjonction de plusieurs paramètres :
– jusqu’à 50 % de la viande de bœuf est consommée, certaines saisons, sous forme hachée, ce qui réduit la valorisation des carcasses vendues et les morceaux nobles ;
– une grande partie de la viande bovine est de la viande de vache de réforme, payée aux éleveurs moins chère;
– différents facteurs conjoncturels et structurels (concurrence intra-européenne, débouchés à l’export entre autres) etc.
Selon Philipe Chalmin, président de l’observatoire, cette situation « caractérise surtout l’archaïsme de certains aspects des relations interprofessionnelles » au sein de la filière bovine.
Source de conflits, elle traduit encore un manque de transparence et de confiance dans la formation des prix de référence payés aux producteurs.
Selon toujours Philippe Chalmin, la seule solution pour gérer l’instabilité des prix est de rentrer dans une logique de contractualisation, de partenariat à l’intérieur des filières, écrit le président dans le rapport de l’observatoire. « Il est d’ailleurs souhaitable qu’une évolution du droit de la concurrence et de sa jurisprudence, tenant davantage compte des spécificités agricoles et de l’état actuel des structures et des pouvoirs de marché dans l’agroalimentaire, puisse rendre plus facile l’action collective des producteurs et favorise la signature d’accords permettant de lisser à moyens terme les fluctuations de prix en se référant à des indicateurs communs. »
L’an passé, la hausse observée des prix des alimentaires à la consommation, toute filières confondues, s’est poursuivie sans se traduire dans les prix agricoles pays aux producteurs.
A ce jour, la contribution de la production agricole dans 100 € de produits alimentaires est de 6,2 €. Aussi, pouvoir l’augmenter de quelques centimes de plus feraient le bonheur de l’agriculture.
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