cochon

Porcheries et société, deux exemples opposés

En Bretagne, ce sont les élus et la population qui réclament un assouplissement des normes pour les porcheries, de manière à favoriser l’activité économique. En Haute-Savoie, à l’inverse, une coopérative agricole doit user d’arguments pour convaincre des citoyens hostiles à la rénovation d’une porcherie. Le porc et la société française, deux exemples opposés.

(Note : la partie « Bretagne » est rédigée par Franck Jourdain, celle consacrée à la Haute-Savoie par Antoine Jeandey)

En Bretagne, des élus ruraux au front pour défendre la production porcine

A l’initiative de Georges Tigréat, maire de Landivisiau et président de la communauté de communes du Pays de Landivisiau (Finistère), un comité de vigilance et de sauvegarde du secteur porcin vient de voir le jour. Un autre territoire, celui de Loudéac (Côtes-d’Armor) s’est associé à l’opération. Leur objectif : dénoncer les blocages administratifs qui ralentissent l’instruction des dossiers de mise aux normes ou de restructuration des éleveurs en Bretagne. Ces élus estiment qu’il est de leur rôle d’essayer de stopper l’hémorragie qui affaiblit la filière porcine française (bretonne à 60 %) depuis plusieurs années, alors que la production s’est nettement renforcée dans d’autres pays producteurs en Europe, notamment en Allemagne.

La France porcine a longtemps caracolé en tête de la production européenne. Le pic fut atteint en 1999, avec près de 27 millions de cochons produits dans l’année. Depuis, la production n’a cessé de reculer jusqu’à atteindre 25 millions de têtes l’an passé. Les crises successives ont fragilisé le secteur qui n’a pu se restructurer. Les bâtiments d’élevage frisent les vingt-cinq ans de moyenne d’âge, entraînant une baisse des résultats techniques. En fait, la production s’est organisée exactement dans le sens contraire de la performance. 80 % des 3000 naisseurs engraisseurs bretons externalisent au moins 20 % de leur production dans des exploitations dont ils sont propriétaires, ou des post-sevreurs engraisseurs (3200) chez qui ils apportent les porcelets pour qu’ils les façonnent. Ce modèle s’est développé parce que les éleveurs n’avaient pas assez de places d’engraissement sur l’élevage. Mais ce modèle a vécu car il génère des surcoûts de production. Ajoutez-y les investissements que les éleveurs ont dû réaliser récemment pour mettre aux normes bien-être leurs bâtiments de truies gestantes, vous avez un secteur bloqué, en plein désarroi.

Les éleveurs comme les élus réclament l’application d’un plan concocté par l’UGPVB (Union des groupements) qui prévoit « l’harmonisation des seuils d’installation classée sur le niveau européen, une réforme des zones d’excédents structurels (qui permette) aux éleveurs d’entreprendre et la simplification des procédures administratives de mise à jour des plans d’épandage ». Ce plan, disent-ils en substance, ne coûterait rien à l’Etat et n’entraînerait aucune modification des normes environnementales. L’UGPVB a d’ores-et-déjà identifié des éleveurs prêts à investir plus de 500 millions d’euros dans un peu plus de 800 sites d’élevage. La balle est désormais dans le camp de l’administration. Les éleveurs et les élus sont en face.

En Haute-Savoie, c’est la population qu’il faut convaincre

Du côté d’Evires, en Haute-Savoie, la situation est totalement différente. Une coopérative fromagère, les Fruitières des Bornes, a l’habitude ancestrale de valoriser le sérum laitier issu de la fabrication du reblochon grâce à des porcheries installées juste à côté des fromageries. Aujourd’hui, trois porcheries existent, relativement proches des communes car les fromageries étaient installées ainsi. Elles sont vétustes, ont des fosses à lisier à l’air libre… D’où l’idée de les fermer pour en ouvrir une neuve, répondant à toutes les normes, et loin du coeur des communes. Il ne s’agit pas d’ouvrir une nouvelle porcherie, mais de concentrer l’activité de trois existantes, en otant au passage bien des désagréments pour le voisinage.

Seulement cette perspective déplaît fortement à la population locale, qui ne veut plus entendre parler de porcherie. Elle veut la fermeture des anciennes, et rien à la place. WikiAgri a demandé à Fabrice Péguet, éleveur laitier et président de la coopérative des Fruitières des Bornes, de donner son sentiment sur la situation : « Nous sommes ici à moins de 20 kilomètres de la frontière suisse. La population des villages a grandement augmenté au fil des années du fait de l’installation de ce que l’on appelle les frontaliers, c’est-à-dire des personnes vivant en France et travaillant en Suisse. Ces personnes ne souhaitent qu’une chose, la tranquillité. Elles refusent toute activité économique, considérée comme gênante, sans écouter les arguments. Nous sommes 22 coopérateurs, soit 45 exploitants, et embauchons 35 salariés. Nous maintenons une activité économique localement, et sommes les seuls dans ce cas, en compagnie de quelques rares artisans commerçants. Certes, en nombre, par rapport à la population totale, nous ne pesons pas lourd. Et c’est d’ailleurs notre problème. »

Dans l’hypothèse où il ne serait plus possible de construire la nouvelle porcherie, cette activité cesserait, en compromettant de fait l’autre, celle de la fromagerie. Fabrice Péguet reprend : « La valorisation du sérum par la porcherie est une ressource pour la fromagerie. A défaut, nous devrions payer pour nous en débarrasser, avoir des charges supplémentaires. En cessant l’activité porcs, nous connaitrions des difficultés pour maintenir celle de la fromagerie.« 

Fabrice Péguet a participé à des réunions d’informations de la population (lire l’article publié par le quotidien local, Le Dauphiné, lien à la fin de celui-ci). Il a expliqué les plans d’épandage, les normes sanitaires, l’activité économique. La Haute-Savoie est réputée pour sa gastronomie tant pour les fromages que pour les charcuteries. Les arguments ne manquent pas. Mais l’adhésion, elle, fait pour l’instant défaut.

WikiAgri suivra ce dossier et vous informera de la suite des événements.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Pour en débattre, rendez-vous ci-dessous dans l’espace « Ecrire un commentaire ».

En savoir plus : http://www.ledauphine.com/societe/2013/04/24/a-evires-les-cochons-de-la-discorde (l’article du Dauphiné sur une réunion publique en Haute-Savoie sur les porcheries) ; http://www.lesfruitieresdesbornes.com (le site internet de la coopérative de Haute-Savoie concernée, les photos ci-dessous sont issues de ce site).

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