L’ETA Philippe Maurice est en contact avec le fabricant de sucre pour alimenter en betteraves, une flotte de camions jours et nuit sur son secteur. Depuis trois ans elle est également chargée du bâchage mécanisé des silos.
Nous n’avons pas le droit à la panne ! » souffle Philippe Maurice, ce 21 septembre au matin alors que la saison des arrachages de betteraves vient de démarrer et que flotte dans l’air matinal embrouillé les premières effluves caramélisées émanant de la sucrerie de Cagny. Le responsable de l’ETA Philippe Maurice qu’il a créée à son nom en 1980 à Maltot en plaine de Caen, fait en effet tourner jour et nuit un avaleur de silos du constructeur Ropa qui charge en quatre minutes les camions qui font la navette incessamment entre les champs et la sucrerie. « En ce moment, la machine fait les trois huit avec trois chauffeurs », résume l’entrepreneur. Et cela va continuer jusqu’à la fin de la campagne sucrière, en janvier. En discussion avec les planteurs, le fabricant de sucre a en effet généralisé depuis plusieurs années des systèmes d’avaleurs de silos en remplacement des grues associées à un déterrage. Le marché remporté à partir de 2005 et qu’il se partage aujourd’hui avec trois autres entreprises sur le secteur de la sucrerie de Cagny, est jugé rentable, mais il demande une réactivité de tous les instants du lundi 5 heures au samedi 16 heures. Des
horaires de travail calquées sur les périodes d’ouverture de la sucrerie.
Pack bâche-avaleur
Au début des années 2010 s’entament de nouvelles discussions entre les planteurs et la sucrerie autour du bâchage des betteraves. La protection géotextile « anti-gel » des silos de racines stockées en bout de champ avait un peu de mal à rentrer dans les moeurs, dans une région où le risque de gelée sur les betteraves, ne se concrétise en moyenne qu’une année sur trois. Les planteurs avaient du mal à investir du temps et de l’argent dans le bâchage sans compter le caractère pénible du débâchage qui devient homérique sous certaines conditions météorologiques de pluie ou de neige. Les planteurs ont donc accueilli favorablement la proposition de déléguer ce travail aux entrepreneurs quitte à y participer financièrement, dans le cadre d’un système mutualisé. La professionnalisation de cette étape de la conservation paraît d’autant plus judicieuse à l’aune de la période post-quota pour laquelle la sucrerie ne cache pas ses ambitions de produire plus pour écraser ses frais fixes sur une campagne plus longue. Il faudra conserver plus et conserver mieux. La sucrerie de Cagny vise en effet des campagnes de 120 à 125 jours dès 2017, avec des fins de campagne qui se termineront de façon structurelle au-delà du 10-15 janvier, voire jusqu’au 20 janvier en cas de production élevée.
Coordonner le débâchage
La technique du bâchage mécanisé des betteraves est pratiquée en Allemagne depuis une dizaine d’année. En 2013, l’ETA Philippe Maurice a participé à des essais concluants autour de cette pratique. En 2014, la technique s’est encore déployée sur la base du volontariat auprès des agriculteurs et elle s’est généralisée sur le périmètre de la sucrerie en 2015 sous l’effet d’un protocole. La sucrerie a décidé de confier la mise en place du service aux quatre ETA déjà chargées d’avaler les silos. Le producteur paye les prestations de bâchage-débâchage avalage sous forme de participation dans un pack à 45 centimes la tonne tout compris, le reste étant pris en charge par la sucrerie. Et les entrepreneurs qui étaient rémunérés sur la base d’un coût d’avalage de 1 €/t bénéficient aujourd’hui d’un complément pour le bâchage et sont la clé de voûte de cette formule professionnalisée à laquelle a aboutit le fabricant. La sucrerie a souhaité que ce soient les mêmes entrepreneurs qui réalisent la prestation de bâchage et d’avalage, pour des raisons d’efficacité. Le débâchage doit en effet être réalisé au plus proche du chargement et ce sont les entrepreneurs qui ont en gestion les avaleurs qui sont les mieux placés pour débâcher au plus près de la période de chargement.
« Le planning de l’avaleur de silos est défini 15 jours à l’avance, selon une mécanique très bien maîtrisée par la sucrerie. A nous de nous adapter pour le débâchage afin de ne pas avoir plus de 5 ou 6 heures d’avance sur l’avaleur », souligne Philippe Maurice. Un débâchage mal coordonné laisse un risque d’exposition du silo aux intempéries et donc d’une ré-humidification qui entraînerait un moins bon déterrage par l’avaleur avec une tare-terre plus élevée. « Mise à part la protection contre le gel, le principal avantage du bâchage est d’obtenir des betteraves plus sèches et plus faciles à déterrer. Il faut faire le maximum conserver cet avantage », souligne l’entrepreneur.
Avec la généralisation de la reprise des silos par avaleur, un gros travail de pédagogie et de sensibilisation auprès des planteurs avait déjà été réalisé pour ménager les accès à la route et tout autour des silos. Les planteurs ont aussi la responsabilité de la forme de
leurs silos qui doit être rectiligne et pas trop large. C’est tout ce travail réalisé auparavant qui rend aussi possible aujourd’hui la mécanisation du bâchage. Afin de favoriser l’effet positif du bâchage sur la conservation et sur le déterrage, le silo doit être également constitué de telle sorte de favoriser l’écoulement de l’eau, avec une arête bien dessinée et sans plat.
Machine allemande
Suite à la mise en place de ce dispositif, l’ETA a dû investir assez rapidement dans une machine allemande Klünder d’importation. C’est une machine assez simple constituée d’un bras articulé avec une sonde qui pénètre dans la tubulure autour de laquelle est enroulée la bâche. Le bras propose ensuite la bâche à l’horizontale à une personne restée au sol qui la déroule sur le silo et inversement pour le débâchage. Une fois étalée, la bâche est bordée à la base du silo à l’aide d’un disque.
« Le travail est assez pénible pour celui qui reste au sol et qui doit appliquer la bâche en conditions venteuses comme nous en rencontrons fréquemment dans la région. De mon côté je confie la machine au chauffeur de l’ETA spécialisé dans le débroussaillage. Son habileté pour le maniement du bras permet de faciliter la tâche à la personne au sol », souligne le chef d’entreprise.
La machine en elle-même a coûté environ 33 000 €, mais l’investissement dans les tubes, containers, portes-caissons pour transporter et stocker les 500 bâches a porté l’investissement total à 150 000 € environ. La campagne de bâchage démarre entre le 15 et le 20 novembre et dure environ 30 jours, période durant laquelle l’entrepreneur doit couvrir l’intégralité des betteraves qui seront mises à disposition après le 1er décembre. Pour ce faire, le chantier qui emploi deux personnes, bâche de 3 à 4000 tonnes par jour lorsque les conditions sont bonnes, pour un total de 70 000 à 100 000 tonnes sur la campagne. Les silos sont bâchés pour 10 jours minimum sans quoi le bâchage n’est pas jugé utile.
Apporter des facteurs de compétitivité
Pour écraser ces frais fixes, les sucreries ont affiché leurs ambitions de profiter de l’arrêt des quotas pour produire plus en allongeant la durée des campagnes. Elles ont plus que
jamais besoin de l’écoute et du professionnalisme des ETA pour les aider sur le partie d’approvisionnement. En tant que prestataire de chargement et aujourd’hui de protection
des silos, l’ETA Philippe Maurice aura ainsi de plus en plus un rôle clé pour suivre les demandes de son client. Il devra lui apporter des facteurs de compétitivité par la fiabilité, la
régularité, la durée et la qualité des betteraves chargées. Pas de quoi effrayer l’entrepreneur pour autant. Il se rappelle des évolutions récentes et à l’adoption du système d’avalage des silos. « Avant il n’y avait que la grue. L’avaleur de silos était une petite révolution mais nous nous sommes rapidement adaptés ». L’efficacité semble toujours l’emporter. Avec un chauffeur en moins, le prix de revient du chargement par avalage est un peu plus faible à 1 € par tonne contre 1,10 € par tonne dans les systèmes traditionnels de chargement par grue avec déterrage.
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