Bien qu’accueilli en majorité favorablement, l’accord politique sur la réforme de la PAC trouvé le 26 juin 2013 risque de renationaliser un peu plus cette politique agricole qui sera de moins en moins commune. Certes, la liberté donnée aux Etats membres peut être intéressante pour peu qu’elle soit bien utilisée. Or en voulant bien faire ou mieux faire, notre ministre de l’Agriculture complique les choses pour entreprises agricoles et affaiblit leur compétitivité face aux entreprises des pays européens voisins…
L’Allemagne, par sa politique de découplage total et d’abandon de référence historiques depuis toujours dès la mise en œuvre de la réforme de 2003, a déjà bien avancé dans la nouvelle réforme. La France a quant à elle fait le choix de la majoration des aides directes sur les premiers hectares afin d’assurer une redistribution des aides plus importante vers les exploitations d’une taille de 50 ha ou moins. Première question : quid de notre compétitivité par rapport à l’Allemagne (avec environ 100 euros/ha d’aides en moyenne en moins par hectare) ? Chez nous la redistribution va se faire trois fois avec 15 % de recouplage, une convergence des aides (internes : des références historiques à moyenne régionale ou nationale / externes : entre Etats membres) et un paiement redistributif (jusqu’à 65 % du paiement de base sur les 50 premiers hectares)… Une politique qui se veut « sociale » mais qui risque en réalité d’avoir de lourdes conséquences économiques et donc sociales et environnementales.
Dans les zones intermédiaires à potentiel agronomique faible et non classée en zone à handicap naturel, il pourrait y avoir purement et simplement « abandon de territoire ». Si le paiement de base n’est plus que de 0 à 70 euros / ha et 80 euros / ha pour le verdissement (soit de 80 à 150 euros maximum par ha avec le verdissement), les entreprises agricoles ne sont plus rentables
De même les structures avec des sols à haut potentiel agronomique pourraient se passer des aides PAC et ne plus être soumis à la conditionnalité des aides et aux BCAE (bonnes conditions agricoles et environnementales) : Fin du maintien des prairies permanentes, fin de la diversité des assolements, fin des surfaces d’intérêt écologique…, « l’agriculture de firme » pourrait ainsi se développer.
Dans le cadre de la réforme de la PAC, la France soutenue par le commissaire européen, a voulu obtenir une reconnaissance officielle des GAEC et de leur transparence. Va-t-on vers une discrimination au profit des GAEC (Groupement agricole des exploitations en commun) ?
La définition européenne d’une exploitation est « l’ensemble des unités utilisées aux fins d’activités agricoles et gérées par un agriculteur situées sur le territoire d’un même Etat membre » (quel que soit son statut juridique, individuel ou en société). La France a eu une politique publique depuis le début des années soixante de développement des sociétés, sans toutefois instaurer un régime juridique spécifique pour l’entreprise agricole : de l’exploitation familiale avec le regroupement par l’entraide en 1962 et la création des GAEC où les associés d’un GAEC sont tous associés-exploitants.
La loi du 11 juillet 1985 a institué l’exploitation agricole à responsabilité limité EARL qui pouvait avoir un seul associé exploitant (société unipersonnelle) ou plusieurs associés, exploitants ou non. Ce statut juridique est privilégié par les familles de par sa souplesse (il n’oblige pas au retrait de l’associé lors du départ en retraite) et aussi parce qu’il permet le maintien des associés comme apporteur de capitaux. Il s’agit de l’entraide familiale en couple ou transgénérationelle (parents-enfants).
Rappelons que d’autres organisations existent, telles que les sociétés civiles d’exploitation agricoles, les sociétés civiles adaptées à l’agriculture, les regroupements partiels liés à une activité (société civile laitière), des sociétés en participation sans personnalité morale (assolement en commun). D’autres formes d’organisation collective se développent : non formalisées comme l’entraide ou les Cuma (coopérative d’utilisation de matériel agricole) en allant jusqu’aux coopératives de production.
L’agriculture française puise sa force et sa richesse dans les valeurs humaines de toujours que sont l’entraide, le mutualisme…et la diversité de ses organisations !
Les sociétés représentent en France 41 % de exploitations professionnelles. 13 % sont des GAEC, 21 % des EARL et 7% des sociétés d’une autre forme. Pour les EARL 55 % ont un seul exploitant et 45 % ont deux exploitants ou plus, alors que les GAEC ont deux exploitants pour 63 % d’entre eux et trois exploitants ou plus pour les 37 % restants (source : ministère de l’agriculture, AGRESTE, 2007). De même le nombre d’actifs est le même en GAEC ou en EARL à plusieurs exploitants.
Notre ministre français de l’Agriculture, pour des raisons de « justice », va créer de « nouvelles injustices » et terriblement complexifier les règles. Cette politique aura de graves conséquences pour l’agriculture française et ses entreprises agricoles qui demandent à être traitées comme toutes les entreprises ayant vocation à être compétitives et pourrait donner des idées à nos voisins de différents Etats membres de l’Union Européenne ! Ainsi, à propos du principe de transparence des GAEC français (qui permet aux associés de conserver les droits auxquels ils auraient pu prétendre s’ils étaient restés chefs d’exploitation à titre individuel, en matière fiscale, sociale et économique), la Cour de justice de l’Union européenne avait ainsi conclu dans un arrêt de 14 mars 2013 que « la position prise par la commission ne constitue pas une base juridique admise en droit communautaire ». Cette demande était effectuée par une coopérative allemande de production qui s’appuyait donc sur cette transparence des GAEC en France. Dans le même temps, Stéphane Le Foll entreprenait les démarches de reconnaissance des GAEC à Bruxelles.
Il existe en France plusieurs formes juridiques de sociétés sans que pour autant l’agriculture soit envisagée sous sa forme entrepreneuriale, d’où le contraste avec un pays comme l’Allemagne qui traite ses entreprises agricoles comme ses autres entreprises et leur applique par exemple une fiscalité d’encouragement à l’investissement et non une fiscalité punitive et pénalisante. Si seulement la France savait se saisir du nouveau paradigme de la PAC et se servir de cette liberté d’interprétation en faveur des entreprises agricoles, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui…
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Madame, vous êtes donc agricultrice en EARL, vous mettez donc votre exploitation agricole à la disposition de la société civile earl, donc normalement votre exploitation agricole devrait avoir un numéro de siret et de siren c’est bien ça, la société civile n’est qu’une société écran qu’on ne peut définir comme une entreprise indépendante, la société civile est captif de votre exploitation agricole. Vous retrirez votre exploitation agricole la mise a disposition la société civile ne peut plus exister au niveau économique est ce bien ça? Pensez vous « transformer » votre société civile earl en société civile GAEC à l’avenir vue les aides je vous remercie de votre réponse bonne journée