Les politiques de protection du climat, bien universel, se heurtent au libre échangisme. En situation de crise, elles ne résistent pas aux mesures protectionnistes que sont amenés à prendre les gouvernements pour protéger leur pays.
La lute contre la déforestation pour défendre le climat, un bien commun, se heurte aux intérêts du Brésil, une nation, qui entend faire de sa forêt, l’usage qu’il souhaite.
Face à ce dilemne, l’organisation mondiale des nations unies a peu de moyens pour interdire le Brézil de porter atteinte à sa forêt.
Cet exemple montre la difficulté d’organiser l’économie mondiale en fonction du climat et de l’intérêt transnational de limiter son dérèglement.
Depuis quarante ans, la libéralisation des échanges mondiaux n’a jamais pris en compte la question du climat et les émissions des gaz à effet de serre générés.
Or « le climat est mondial. Il transcende les frontières des pays mais en même temps, il se heurte aux frontières des nations qu’elles dessinent, écrit explique Thierry Pouch, économiste à l’APCA dans un article publié dans le Démeter 2024 intitulé « Commerce agricole et climat : noces rebelles ». Le climat se heurte aussi aux politiques en faveur du climat qui ne peuvent pas outrepasser la souveraineté des pays qui les conduisent ».
La stratégie Farm to Fork (FF) vise ni plus ni moins à renforcer la souveraineté climatique de l’Union européenne aux dépens de sa souveraineté alimentaire et de celle de la planète.
« Cette stratégie FF tente d’arrimer le commerce mondial à la lutte contre le réchauffement climatique et en faveur de la biodiversité, en imposant des normes environnementales aux pays qui lui fournissent des biens agricoles ou des intrants », écrit Thierry Pouch.
Le Green Deal et les autres outils de taxation aux frontières est une nouvelle forme de multilatéralisme mais les autres les nations ne suivent pas. Elles ont d’autres règles commerciales, d’autres enjeux.
Deux notions « aclimatiques »
Par ailleurs, la crise du covid et la guerre en Ukraine ont conduit l’Union européenne à reconquérir sa souveraineté et à reconquérir une certaine autonomie énergétique perdues, « deux notions aclimatiques », pour se réindustrialiser.
Or, reconquérir la souveraineté alimentaire impose une protection des frontières, et la souveraineté énergétique, le recours au charbon et au gaz.
La protection du climat ne devenait plus alors une priorité. Et « les mesures prises abiment un bien universel, le climat, autrement dit une partie du bien des pays, pour se protéger à l’intérieur de leurs frontières », affirme Thierry Pouch.
« S’il est « un bien commun, le climat peut devenir source de conflictualité entre les nations », et plus précisément entre celles partisanes de mesures transnationales en faveur du climat et celles qui considèrent que la défense du climat relève des compétences régaliennes des Etats stricto sensu », l’ économiste.
Aussi, prendre des mesures pour protéger le climat est, « vu de l’extérieur, une nouvelle forme de protectionnisme au grand dame des états qui tentent de concilier intérêts économique et performance écologique, écrit Thierry Pouch. Et de l’intérieur, sources de distorsions de concurrence si les frontières sont au final mal protégées ».
La lutte contre le réchauffement climatique affecte l’ensemble des règles de fonctionnement des sociétés. Les échanges commerciaux doivent intégrer cette dimension.
Climat facteur de compétitivité
« Mais comment garantir la cohérence de l’agenda climatique avec les intérêts et les règles du commerce international, les dernières étant une émanation des traités que l’UE a elle-même signés? », questionne Thierry Pouch.
En fait, le « climat » doit devenir un facteur de production et de compétitivité au même titre que le travail ou le capital. Et son unité de mesure serait le degré de décarbonation des biens et des services produits.
Pour compléter ces propos, Thierry Pouch cite Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation jusqu’en 2022: « La notion d’avantage comparatif, qui est l’axiome sur lequel repose les échanges commerciaux, devrait être reconsidérée à l’aune des enjeux climatiques ».
Selon Thierry Pouch, «l’Union européenne estime que la formation d’un nouveau paradigme économique dont le socle serait une production décarbonée est parfaitement compatible avec les règles du commerce international ».
L’UE serait alors « porteuse d’une nouvelle gouvernementalité du monde et d’une nouvelle architecture des relations internationales structurées autour de la question climatique ».
Elle réhabilitera alors l’action politique dans la mesure où le contrôle du futur climatique n’émerge pas spontanément.
Dans les années 1990, les Nations unies mettaient en garde les pays qui prenaient des mesures climatiques pour lutter contre le climat sont assimilées à une nouvelles forme de protectionnisme.
Aujourd’hui, les clauses miroir imposées par l’Union européenne visent à faire adopter par les pays avec lesquels elle commerce les mêmes règles.
Mais même si le principe n’est pas contesté, il est attaquable par les pays menacés par ce nouveau paradigme décarboné qui menace leur compétitivité et leurs avantages comparatifs.
Photo légende: Poste douanier au Kazakhstan