toilettes seches

Métier agriculteurs, diversification toilettes sèches

L’idée parait pour le moins insolite lorsqu’elle vient d’agriculteurs. Deux céréaliers du Vexin, l’un dans le Val-d’Oise l’autre dans les Yvelines, se sont associés pour créer une diversification : la fabrication, la vente et la location de… toilettes sèches !

Oui, il y a de quoi rigoler. Mais attention, le sujet reste sérieux, car le complément de revenu dégagé par cette diversification inédite, sans être faramineux, n’est pas négligeable. Mais présentons d’abord nos deux acolytes. Philippe Maurice, de Oinville-sur-Montcient dans les Yvelines, cultive 135 hectares de blé, colza, orge de brasserie, pois, féveroles, et parfois orge de printemps. Il a déjà mis en place une diversification, puisqu’il élève des escargots. Son voisin (quelques kilomètres) Stéphane Duval, d’Avernes dans le Val-d’Oise, cultive 200 hectares de blé, colza, avec également escourgeon, maïs, betteraves, tournesol, pavot, cameline. L’un et l’autre se retrouvent sur les marchés avec des produits transformés, à base d’escargots pour le premier, d’huile (colza, tournesol, sésame) pour le second.

Un jour sur un marché…

Et c’est justement sur un marché que l’idée est née… L’héliciculteur et le colzaiculteur discutent en attendant le chaland, regrettent de ne pouvoir s’esquiver un instant pour répondre à un besoin naturel, faute de toilettes… « On aurait dû venir avec nos propres toilettes… » Lequel a dit cela à l’autre ? Ils ne se souviennent plus, mais aussi loufoque que puisse paraître ce lancer de petite graine, elle finit par germer. « Remarque, c’est possible, il suffirait de… » De… ? De prendre modèle sur ce qu’a déjà bricolé Stéphane Duval dans le hangar qui abrite son matériel : « Je m’en suis fait une, de toilette, je n’avais rien ici. » Un peu de ferrailles, des planches, et un principe facile pour éviter des raccordements, celui des toilettes sèches, sans eau, qui consiste en l’occurrence à jeter un petit seau de son (soit de déchet de farine de blé, de poussière de blé si vous préférez) une fois l’affaire faite pour en absorber les odeurs. Le reste, c’est encore de l’huile, mais de coude cette fois.

Première (grosse) facture avant le premier profit…

C’est donc sur un marché en mai 2012 que les deux hommes décident de se lancer dans cette diversification. A la veille des élections présidentielles, ils se disent que si jamais la gauche passe, tout ce qui sera écolo ou pseudo bio va attirer l’oeil, et que des toilettes sèches, ça peut marcher… Une déconnade ? Oui. Et non. Car les deux hommes jouent le jeu, créent une SNC (société en nom commun), l’éco toilette du Vexin… L’affaire se complique, ils reçoivent la première facture fiscale à régler sur cette société trois semaines plus tard seulement, les toilettes n’étaient qu’en cours de construction, et n’avaient bien sûr pas encore dégagé le moindre profit ! « 2000 € à verser au RSI d’emblée… Pour une diversification, on pouvait se le permettre, mais imaginez que l’on ait voulu créer notre première entreprise, on était plombés d’entrée ! Après on s’étonne qu’il y ait du chômage dans notre pays…« 

Les deux hommes se mettent donc au travail, vendent quelques toilettes sèches, mais donnent surtout dans la location, pour des manifestations de plein air ayant lieu autour de chez eux, dans un périmètre raisonnable. « Nous sommes juste à côté du parc du Vexin, la plupart du temps c’est là que nous allons. Mais nous avons aussi reçu des commandes pour d’autres manifestations. »

La prestation comprend la livraison et la mise en place des cabines de toilettes sèche, leur nettoyage deux fois par jour, et bien sûr leur récupération à l’issue de la manifestation. Au fil du temps, le parc s’est agrandi, aujourd’hui les deux hommes disposent de 13 cabines « classiques », 3 destinées aux personnes à mobilité réduite, plus 2 urinoirs.

… mais une affaire finalement rentable

Du 30 juin 2013 au 30 juin 2014, les locations ont représenté un chiffre d’affaires de 10 000 €. Pour l’exercice qui va se terminer ce 30 juin 2015, on devrait passer à pratiquement 15 000 €. Il s’agit donc d’une affaire rentable, mais attention tout de même, ces chiffres sont à modérer en fonction des charges : une taxe foncière de 750 € pour abriter les cabines (« même si nous les mettons dans nos hangars, puisqu’il s’agit d’une activité annexe à l’activité agricole…« ), une assurance de 450 € (« qui ne couvre que les dégâts que les cabines pourraient produire à autrui, en imaginant par exemple une tempête qui ferait tomber une cabine sur un véhicule ou autre« ), des frais comptables obligatoires de 1600 € (« et pourtant, je fais ma compta moi-même sur l’exploitation« , précise Stéphane Duval, mais en l’occurrence, là encore en raison du fait que la diversification ne soit pas agricole, « il n’y a pas le choix« ). On ajoute impôts, l’achat de la matière première pour construire les cabines, des frais divers (transports et donc carburant, notamment…). Et à l’arrivée, chiffre Philippe Maurice, « il nous reste 2 à 3 000 € de bénéfice« . A diviser par deux donc, chacun sa part. Ce n’est donc pas le jackpot, mais tout de même une diversification réelle avec son plus. D’autant que, les années à venir, les cabines étant désormais construites, les frais devraient diminuer au moins à ce niveau là, et donc offrir une meilleure marge.

Et ça plait !

Les premiers retours reçus par les deux hommes sont positifs. Les manifestations qui ont testé leur prestation l’ont reconduite l’année suivante. Les usagers se sont montrés étonnés par ces toilettes sèches, dégageant finalement moins d’odeurs que les toilettes classiques (pas d’ammoniaque…), le son jouant à merveille son rôle pour les absorber. « Mieux que des copeaux de bois, d’ailleurs, ces copeaux, il faudrait les faire venir du centre de la France, soit un bilan carbone étonnant pour un projet écologique… » Tant et si bien que leur petite entreprise commence à être connue.

Une diversification non agricole, pourquoi pas ?

Un mot sur la façon dont les deux hommes perçoivent cette diversification non agricole. « Un agriculteur peut tout faire, il suffit qu’il ait une idée. Le fait que la diversification ne soit pas agricole ne pose pas de problème, évidemment si elle ne prend pas le pas sur l’activité agricole elle-même. Nous sommes agriculteurs, et le revendiquons. Mais on connait tous les écarts de prix auxquels nous sommes soumis, quel que soit notre domaine dans l’agriculture d’ailleurs. Une diversification, aujourd’hui, c’est intéressant à mener, c’est aussi une sécurité de trésorerie. » Stéphane Duval insiste : « Mais il faut avoir son idée, nouvelle, ne pas copier les autres. Ce qui fonctionne pour des niches peut perdre tout son intérêt si l’offre devient trop importante…« 

Je vous le disais, que le sujet était sérieux !

 

En savoir plus : http://www.toilettes-seches-ecologiques.fr/comment_marche_toilettes_seches.php (toilettes sèches, comment ça marche) ; http://www.magicmaman.com/,comment-fonctionnent-les-toilettes-seches,2006679,2316414.asp (toilettes sèches comment ça marche, autre version) ; http://www.sereni.tv/vie-pratique/environnement/les-toilettes-seches-chassez-la-chasse-deau (une autre version, avec vidéo).

 

Philippe Maurice et Stéphane Duval devant une cabine « large », avec accès pour handicapés.

Dans le hangar agricole, les cabines attendent leur prochaine destinations.

Démonstration de mise en place de la cabine large pour handicapés. Le toit est amovible pour le transport (on évite un coup de vent et c’est plus facile de passer sous les ponts…), un accès au sol évite la marche.

Pour le transport, pas besoin de matériel particulier, un ingénieux système permet d’ajouter des roues aux cabines et de les monter dans la remorque, sans le moindre lève-palettes supplémentaire.

Des urinoirs complètent la gamme…

1 Commentaire(s)

  1. L’idée est géniale. Je ne sais pas ce qu’ils font les déchets et si le son provient de leurs exploitations. Si c’est le cas, bien. S’ils recyclent les déchets c’est encore mieux.
    Dommage que la création d’entreprendre est chère et compliquée.

    Françoise

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