A 25 et 26 ans, Jonathan Cabodi et Rémy Barraud comptent parmi les premiers producteurs de morilles en France. Licenciés de la société France Morilles, ils atteignent des rendements impressionnants !
La France est le premier pays consommateur de morilles – entre 80 à 100 tonnes sèches annuelles – essentiellement importées de Chine. Christophe Perchat rêve d’instaurer en France la culture de la morille. Avec l’appui technique de l’Inra, il part en 2009 dans le Sichuan pour acheter un brevet de technique culturale. Après une phase de test, il diffuse aujourd’hui la licence en France via sa société France Morilles. « Notre objectif est de fixer la technologie. Nous voulons égaler les rendements chinois qui sont de 2,5 à 3 tonnes par ha. Pour l’instant, nous sommes entre 1 tonne et 1,5 tonne en moyenne. Nous travaillons avec l’Inra pour mieux connaitre la biologie de la morille, sélectionner les souches fructifères et trouver des moyens de lutte biologique contre les prédateurs », confie Christophe Perchat.
Le pari fou séduit une soixantaine d’investisseurs privés qui réunissent un million d’euros ! En pleine expansion, la société remporte le titre de « projet agricole innovant » au concours national France Agrimer en novembre 2015. L’engouement est tel qu’une centaine de producteurs sont inscrits sur liste d’attente pour accéder à la licence ! Il faut dire que la demande est réelle, et les tarifs attractifs : les restaurateurs n’hésitent pas à dépenser une centaine d’euros pour un kilo de morilles françaises de qualité, avec une traçabilité garantie.
Jonathan Cabodi et Rémy Barraud ont signé avec France Morilles en 2014. A priori, rien ne prédestinait ces deux amis d’enfance à cultiver des morilles en Savoie (Coise-Saint-Jean-Pied-Gauthier). « Nous sommes cuisinier et électrotechnicien de formation, et nous ne sommes pas du tout issus du milieu agricole. Depuis longtemps, nous essayons de monter une affaire ensemble. Nous avons d’abord pensé à commercialiser des serviettes de plage, puis nous avons préféré vendre un produit d’exception. C’est ainsi qu’on s’est investi dans la culture du safran », raconte Remy Barraud.
Sur un terrain familial de 3000 m2, ils plantent pas moins de 20 000 bulbes. La troisième année, ils arrivent à récolter presqu’un kilo de safran… aux dépens de leurs vies personnelles ! « Nous n’avions pas le temps de produire et de démarcher des clients. En plus, nous avions conservé nos activités professionnelles. Il a donc fallu tout arrêter. »
En 2013, ils découvrent dans le Dauphiné Libéré le portrait d’un licencié France Morilles en Haute-Savoie. « Cela nous a fortement intéressés : c’était une activité innovante, proche de la nature et qui pouvait représenter pour nous une réelle opportunité. Mais surtout, nous adorons les morilles ! Personnellement, je n’aurais jamais pu cultiver un produit que je n’aimais pas », estime Rémy Barraud.
A ce moment-là, le jeune homme découvre que sa famille possède un bois qui conviendrait parfaitement à cette culture. « Nous cherchions désespérément notre terrain jusqu’à ce que mon père se souvienne de cette parcelle qui appartenait à la famille depuis des générations. Ce bois de chênes, bouleaux et noisetiers est un vrai coin à morilles, avec un PH idéal proche de 7. Quand j’y repense, je me dis que c’est complétement fou ! C’est comme un signe du destin, comme si mon arrière-grand père avait tout prévu pour notre activité ! », s’étonne encore Rémy Barraud.
Les deux copains contactent immédiatement France Morilles et signent une licence test en 2014. Le cahier des charge détermine notamment l’irrigation, le matériel, les amendements, la densité…
Equipée de caméras de surveillance, leur serre de 300 mètres carrés (environ 1000 €, fournie par France Morilles, de même que les semences à 6 € HT le m2) est recouverte d’un filet d’ombrage.
Les morilles sont semées fin octobre-début novembre. Trois à cinq semaines plus tard, un blanchissement apparait à la surface de la terre si le mycélium a colonisé la parcelle. « Au premier rayon de soleil printanier, on voit les morilles sortir de terre. C’est un moment magique ! Nous les cueillons à pleine maturité pour conserver leurs qualités gustatives », s’émerveille Rémy.
En 2015, Rémy Barraud et Jonathan Cabodi étaient déjà les premiers producteurs de morilles en France. Leurs 10 kilos ont été écoulés en un clin d’œil par le bouche-à-oreille. En 2016, leur récolte atteindra 60 kilos ! « Nous avons notamment trouvé des solutions écologiques pour repousser les limaces, les souris et les moucherons… La morille demande une hydrométrie et une température stable, ce qui a été le cas cette année », détaille Rémy Barraud. S’ils atteignent pratiquement les rendements chinois, ils ont utilisé cette année des souches françaises développées par l’Inra et France Morilles.
Dans le courant de l’année 2016, ils fonderont une entreprise avec Pierre Girard, un associé de France Morilles basé à Talloires (Haute-Savoie). Le nom est déjà trouvé : Les Morilles du Lac. « Avec Jonathan Cabodi, on se concentrera sur la production et on mettra en place des formations à destination des futurs producteurs. Pierre assurerait la communication et la commercialisation de nos morilles », explique Rémy Barraud.
Des contacts sont déjà pris avec des restaurateurs de Courchevel et d’Annecy. L’hiver prochain, ils produiront sur 5000 m2. « La première année, les ventes nous ont uniquement permis de rembourser la semence. A partir de cette année, nous pouvons sérieusement nous projeter dans l’avenir », sourit Rémy.
Prochain défi : la conversion bio du terrain. Les souches sont déjà certifiées par Ecocert, de même que le processus de production.
En savoir plus : https://francemorilles.com/fr (site de France Morilles) ; www.morillesdulac.bio (site de l’entreprise Les Morilles du Lac).
Ci-dessous (deux premières photos) : gros plans sur des morilles cultivées sous tunnel.
Ci-dessous, Jonathan Cabodi et Rémy Barraud.
Rémy Barraud.