La prochaine récolte de maïs grains est prometteuse (14,4 Mt) mais elle ne suffira pas pour effacer les pertes de production en blé et en orges (respectivement – 26,5 % et – 18,2 % versus 2023) subies par les céréaliers et les 207 coopératives affiliées à La Coopération agricole – métiers du grain.
En ayant récolté 10 Mt de céréales à paille en moins que l’an passé, la France perdra à l’export 1,5 milliard d’euros. Dans les fermes, les agriculteurs commercialiseront des céréales à des prix imposés à l’ensemble de la planète par la Russie et l’Ukraine alors que leurs coûts de production dépassent souvent 300 €/t.
La Russie déploie des moyens considérables pour conquérir les marchés africains et l’Ukraine vend en Union européenne une partie des grains qu’elle ne parvient pas à écouler par voies portuaires.
Pour les coopératives céréalières, la facture est aussi très lourde. Les 10 Mt de grains ensilées en moins mettent à mal leur équilibre financier. Antoine Hacard, président de la Coopération agricole– Métiers du grain, évalue leurs pertes à 300 millions d’euros. La vente des céréales collectées impose un énorme travail d’allotement pour constituer des lots de grains homogènes qui répondent aux exigences des cahiers des charges de leurs clients.
La conjoncture céréalière économique actuelle n’est pas celle de 2016. La production de grains s’était effondrée mais les coopératives n’étaient pas alors confrontées à un mur d’inflation.
Cette année, elles paient les conséquences onéreuses de la vague inflationniste à laquelle elles ont été confrontées entre 2021 et 2023.
« L’augmentation de charges fixes a entamé les marges des coopératives de plus de 50 % », affirme Antoine Hacard. Le coût du transport routier a été multiplié par deux depuis 2020 et celui de l’énergie a augmenté de 30 %. Enfin, la masse salariale a augmenté de 12 % depuis 2020.
Les voies de redressement
Les coopératives puiseront sur leurs fonds propres, autant qu’elles le peuvent, pour compenser ces charges supplémentaires. Elles ne se voient pas répercuter la totalité des 300 millions d’euros sur les prix des grains payés aux céréaliers alors qu’ils sont déjà amputés par des frais logistiques de près de 40 € par tonne collectée.
Antoine Hacard, président de la Coopération agricole-Métiers du grain.
La priorité des coopératives pour leurs adhérents est le financement de la prochaine campagne sans avoir à renoncer à l’achat d’intrants. Or à ce jour, la plupart des céréaliers en zone intermédiaire ne savent pas eux-mêmes comment ils feront face à leurs échéances et comment ils financeront leur prochaine campagne. Conscientes de la situation, certaines organisations se sont du reste engagées à allouer des prêts de trésorerie à leurs adhérents.
Par ailleurs, les coopératives vont tout mettre en œuvre pour préserver les emplois de leurs 40 000 salariés d’ici la prochaine récolte. Mais dans les mois à venir, les difficultés de trésorerie de certaines d’entre elles pourraient les conduire à mettre au chômage partiel une partie de leurs collaborateurs ou à les inciter à suivre des formations qualifiantes pour ne pas avoir à les licencier.
Pour redresser leurs comptes, les coopératives misent sur les baisses des taux d’intérêt bancaires et des prix de l’électricité au début de l’année prochaine pour restaurer une partie de leurs marges. Leurs responsables professionnels escomptent d’ores et déjà sur une moisson 2025 prometteuse pour redresser les comptes des établissements qu’ils dirigent. Mais des opérations de fusions-absorptions entre coopératives ne sont pas exclues.
Etendre le dispositif de garantie Aval
Selon Antoine Hacard, les coopératives doivent se préparer à de nouvelles crises de production puisque le climat est de plus en plus imprévisible.
Aussi, elles demandent d’avoir davantage de moyens d’action pour remplir leurs missions en abrogeant la loi sur la séparation du conseil et de la vente de produits phytosanitaires. « Aujourd’hui les agriculteurs n’ont pas la possibilité des bénéficier des compétences agronomiques des commerciaux pour conseiller leurs clients, déplore Antoine Hacard. Il n’y a qu’en France qu’un tel dispositif a été imposé aux agriculteurs ».
Le travail entrepris par la Coopération française avec Agnès Pannier-Ranucher, lorsqu’elle était ministre de l’Agriculture, pourrait se poursuivre au ministère de l’écologie où elle vient de prendre ses nouvelles fonctions de ministre.
Pour financer leurs projets en souscrivant des prêts à des taux très intéressants, les coopératives souhaitent l’extension du dispositif de garantie Aval aux oléo-protéagineux. Aujourd’hui il ne s’applique qu’aux céréales: lorsque des coopératives investissent, les banques octroient et cautionnent une partie de leurs prêts en s’appuyant sur la garantie apportée par l’Etat sur leurs stocks de grains.
En cumulant les céréales et les oléo-protéagineux, les banques auront une assise plus large pour cautionner leurs prêts même les années de crise.
Car des prêts, les coopératives en auront besoin pour financer leur « projet infrastructures 2030 » élaboré en partenariat avec l’ensemble de la filière céréalière et les pouvoirs publics. Ce plan détaille les investissements à réaliser pour moderniser leurs infrastructures de stockage de grains. Deux études chiffrent et définissent les besoins en investissements et en infrastructures en fonction de la répartition des productions de céréales sur l’ensemble du territoire. Enfin, un outil d’aides à la décision aidera les organismes stockeurs à cadrer leurs besoins.
Pour les coopératives, le travail des grains est un enjeu de sécurité alimentaire et le « projet infrastructures 2030 » permettra de les accompagner en faisant face au défi climatique et sanitaire.
Pour les céréaliers, une partie de la chute de leurs rendements en blé et en orges s’explique par le manque croissant de solutions techniques. Ils n’ont plus les moyens de lutter contre l’enherbement des cultures. Les multiples restrictions et normes auxquelles ils sont obligés de se soumettre rendent les productions de céréales de plus en plus risquées et de moins en moins compétitives. « Alors que la Russie emploie les engrais, le pétrole et les produits phytosanitaires qu’ils produisent à très bon marché et sans restriction pour leurs cultures», rapport Antoine Hacard.
Aussi, la coopération française compte sur l’autorisation prochaine d’utiliser des NBT pour cultiver des plantes plus résistantes et plus productives.
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