L’actualité des mondes agricoles et agroalimentaire a été riche cet été. Voici les principales informations qu’il faut retenir.
Pour diverses raisons, l’été est souvent une période durant laquelle on lève quelque peu le pied par rapport à l’actualité. Or, cet été, l’actualité agricole n’a pas été uniquement marquée par l’adoption au mois de juillet du projet de loi d’avenir pour l’agriculture et par l’embargo russe sur les produits alimentaires en provenance des pays occidentaux. Voici donc ce qu’il faut retenir de l’actualité des mondes agricoles et agroalimentaires durant la période estivale.
La première de ces figures est celle de Nicolas Feuillatte, qui est décédé le 10 août dernier à l’âge de 88 ans. Il a d’abord fait fortune aux Etats-Unis en tant que négociant en café avant de s’intéresser au champagne. Il a donné son nom à la plus grande coopérative de champagne en France, le Centre vinicole-Champagne Nicolas Feuillatte, qui regroupe 82 coopératives et compte plus de 5 000 vignerons sur 2 150 hectares de vignes. Celle-ci a tiré 21 millions de bouteilles en 2013 et en a expédié 10,4 millions. La marque Nicolas Feuillatte à proprement parler est d’ailleurs la première marque de champagne en France et la troisième marque dans le monde, ce qui a fait dire au Figaro le 13 août dernier que Nicolas Feuillatte était un « magnat et ambassadeur du champagne français ».
Une autre grande figure de l’agroalimentaire français vient de disparaître. Il s’agit de Raymond Berthillon, le créateur du célèbre glacier Berthillon de l’île Saint-Louis à Paris, qui est décédé le 9 août dernier à l’âge de 90 ans. Après avoir été boulanger, Raymond Berthillon a dirigé le café-hôtel-glacier de l’île Saint-Louis à partir de 1954 et devenir le plus célèbre glacier de Paris où quelque 1 000 litres de glaces et de sorbets sont fabriqués chaque jour sur place. Raymond Berthillon est notamment connu pour avoir relancé le sorbet en France.
Le rapport annuel sur le développement humain publié par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui est paru au mois de juillet, traite dans l’édition de cette année de la pauvreté dans le monde et notamment des facteurs de vulnérabilité susceptibles de conduire les populations à tomber dans la pauvreté. Il évalue le nombre de pauvres à 1,5 milliard et le nombre de personnes vulnérables à la pauvreté multidimensionnelle à près de 2,2 milliards. La pauvreté multidimensionnelle prend en compte la dimension monétaire (sont pauvres, au sens de pauvreté extrême, les personnes dont le revenu se situe en dessous du seuil de pauvreté établi à 1,25 dollars par jour, soit 1,2 milliard de personnes dans le monde), mais aussi d’autres dimensions.
Or, le rapport précise que trois quarts des personnes en situation de pauvreté extrême dans le monde vivent dans des zones rurales et que ce sont les travailleurs agricoles qui sont les plus touchés par la pauvreté en raison de ce que le PNUD qualifie de « cercle vicieux de faible productivité, de chômage saisonnier et de basses rémunérations ». Selon le rapport, ces travailleurs représentaient 40 % de la population mondiale économiquement active en 2011. Le PNUD mentionne également parmi les facteurs de vulnérabilité auxquelles les populations les plus fragiles sont confrontées l’insécurité alimentaire, qui se caractérise par une forte volatilité des prix des denrées alimentaires et un manque de disponibilité de la nourriture.
La Chine a été une nouvelle fois le théâtre d’un grave scandale alimentaire. De la viande avariée a, en effet, été servie dans les restaurants chinois des groupes de restauration rapide McDonald’s et Yum Brands, propriétaire de KFC et de Pizza Hut, alors que McDonald’s et KFC sont les deux principaux fast-foods en Chine en termes de chiffres d’affaires. Il s’agissait en l’occurrence de poulets servis notamment sous la forme de boulettes ou de nuggets. Les chiffres sont considérables puisque 18 tonnes de viande périmée seraient concernées.
Le déclencheur de l’affaire a été la diffusion en juillet dernier d’un reportage à charge par une chaîne de télévision locale de Shanghai (Dragon TV). Celui-ci a montré en caméra cachée que des employés d’un fournisseur de McDonald’s et de Yum Brands mélangeaient sciemment de la viande périmée depuis au moins deux semaines avec de la viande fraîche et qu’ils ont également trompé de façon délibérée les contrôleurs de qualité de McDonald’s en falsifiant les dates de péremption de la viande. Suite à la diffusion du reportage et à l’émotion qu’il a suscitée dans le pays, les groupes McDonald’s et Yum ont décidé de rompre leurs relations avec le fournisseur chinois de viande mis en cause. Il s’agit en l’occurrence de l’entreprise Shanghai Husi Food Co Ltd, la filiale chinoise d’OSI Group, une société basée aux Etats-Unis, qui emploie près de 20 000 personnes et qui dispose de plus de 50 usines de production dans le monde.
Les unités de production de Shanghai Husi Food Co Ltd, qui fournissaient en Chine des entreprises telles que McDonald’s, KFC, Pizza Hut, Burger King ou Starbucks, ont été fermées par les autorités chinoises. Six de ses dirigeants ont été arrêtés, tandis que les produits à base de viande ont été saisis. McDonald’s et Yum ont également présenté leurs excuses aux consommateurs chinois. Cette affaire est d’autant plus préjudiciable à l’image de ces entreprises que Yum Brands avait déjà été au cœur d’un scandale sanitaire en Chine en 2012.
En conséquence, les ventes de McDonald’s ont chuté au mois de juillet en Asie. Cette affaire a d’ailleurs conduit le groupe américain à remplacer au Japon les nuggets de poulet par des nuggets de tofu, d’autant que l’entreprise chinoise au cœur du scandale fournissait également une partie des restaurants nippons de McDonald’s. Il convient néanmoins de signaler qu’a priori, aucun cas d’intoxication alimentaire suite à l’ingestion de cette viande avariée n’a été signalé par les autorités chinoises ou japonaises. De leur côté, les autorités sanitaires russes ont indiqué en juillet qu’il y avait eu des infractions dans la composition de certains des hamburgers vendus par McDonald’s en Russie.
Les entreprises qui ont été au cœur de l’actualité l’année passée sont toujours en proie à de graves difficultés dans un secteur agroalimentaire qui emploie 70 000 personnes dans la région, comme ont pu en témoigner plusieurs exemples cet été. Cela concerne en premier lieu les abattoirs.
Ainsi, au total, 1 000 emplois sont menacés suite aux difficultés rencontrées par l’abattoir de volailles de la société Tilly-Sabco dont la production s’est arrêtée mi-juillet. Près de 1 000 autres salariés sont également menacés par la fermeture de l’abattoir de porcs de la société Gad à Josselin dans le Morbihan, suite à une nouvelle procédure de liquidation judiciaire alors que l’entreprise avait déjà été placée en redressement judiciaire au mois de février 2013. Les difficultés du secteur s’expliquent par la chute de la production de porcs, la fin des subventions européennes aux exportations depuis juillet 2013 et la concurrence des abattoirs allemands low cost. Par ailleurs, l’embargo russe sur les importations de porcs a sans aucun doute contribué à aggraver celles-ci. La Russie a, en effet, interdit en février dernier ces importations en provenance de l’Union européenne pour des raisons sanitaires suite à la découverte de cas de peste porcine africaine en Lituanie et en Pologne.
Dans ce contexte globalement morose, une décision judiciaire est susceptible d’inquiéter les éleveurs bretons. En juillet, la justice, en l’occurrence la Cour administrative d’appel de Nantes, a reconnu pour la première fois la responsabilité de l’Etat dans le décès d’un cheval en 2009 intoxiqué par l’inhalation d’un gaz toxique dégagé par les algues en décomposition sur une plage. Celle-ci a ainsi estimé que la prolifération des algues vertes est liée aux « carences [de l’Etat] à mettre en œuvre de manière suffisamment efficace les règles nationales et européennes » sur la protection des eaux « contre les pollutions d’origine agricole » « qui sont la cause principale des marées vertes ». C’est la première fois que l’Etat est ainsi condamné sur l’impact sanitaire de la prolifération des algues vertes, et non plus uniquement sur son impact environnemental.
Cette décision pourrait faire avancer d’autres dossiers judiciaires, comme celui concernant Thierry Morfoisse, un transporteur d’algues, décédé en 2009, sa famille ayant porté plainte contre X pour « homicide involontaire par imprudence ». En septembre, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne pourrait également condamner la France à des sanctions financières en raison de sa mauvaise application de la directive Nitrates de 1991.
En savoir plus : https://www.cvcnf.com (site du Centre vinicole Champagne Nicolas Feuillatte), www.lefigaro.fr/societes/2014/08/13/20005-20140813ARTFIG00223-nicolas-feuillatte-un-magnat-et-ambassadeur-du-champagne-francais.php (article du Figaro mentionné dans la partie consacrée à Nicolas Feuillatte), www.berthillon.fr (site de la maison Berthillon), http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr14-report-fr.pdf (rapport sur le développement humain du PNUD de 2014), http://nantes.cour-administrative-appel.fr/communiques/algues-vertes-action-en-responsabilite-apres-la-mort-d-un-cheval.html (communiqué sur l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes relatif à la mort d’un cheval en 2009 en lien avec la prolifération d’algues vertes).
Notre photo : les travailleurs agricoles (ici un coupeur de canne à sucre au Brésil) figurent parmi les personnes les plus pauvres au monde.