eta 12 semaine 40 couverture

Les ensilages en conserve

Sous l’impulsion d’une poignée d’entrepreneurs, l’enrubannage à poste fixe parvient à faire sa place dans les zones de polyculture-élevage, et notamment dans le grand-ouest. Maïs ensilage, maïs épi ensilé, et bien d’autres matériaux peuvent ainsi être mis en boules.

N’auraient-ils pas perdu la boule, ces entrepreneurs qui ont investi ces dernières années  dans des enrubanneuses à postes fixes ? En effet, pourquoi vouloir ensiler du maïs en boules filmées, plutôt que de confectionner des silos tunnel qui ont depuis de nombreuses années démontré leur compétitivité. D’abord parce que en zones montagneuses, ou en terrain escarpé, il est parfois devenu trop compliqué d’organiser les chantiers d’ensilage classique. Dès lors l’enrubannage directement aux champs du maïs et à poste fixe permet de limiter le ballet des remorques et la confection d’un silo là où les aires planes et terrassées sont rares ou coûteuses à construire pour les recevoir. Mais cet argument n’est pas suffisante à expliquer le développement de cette technique dans les grandes zones de poly-culture élevage comme le grand-Ouest. Constituer une alternative à un silos d’été, libérer un silo au printemps pour pour accueillir les productions fourragères d’herbe ou de méteils, commercialiser les excédents de fourrages, simplifier la manutention, libérer des espaces de stockage sous les hangars, réduire les pertes et les risques d’échauffement à certaines périodes clés… L’enrubannage à poste fixe est un service qui répond aussi à quelques besoins de niche pour des éleveurs y compris en dehors des zones montagneuses. C’est ainsi que quelques entrepreneurs du grand Ouest notamment, ont développé ces dernières années la prestation de l’enrubannage à poste fixe en s’équipant de la machine LT-Master auprès du constructeur autrichien Göweil qui a initialement développé ces machines pour les zones montagneuses. Pour des fourrages humides, la machine a une capacité d’enrubannage d’environ 35 t/h. Elle est donc à elle seule peu adaptée pour engloutir le flux classique apporté par un chantier d’ensilage en plante entière. Le reste doit alors être ensilé de façon classique. Les entrepreneurs vendent cette prestation en plante entière en complément de l’ensilage classique pour des éleveurs qui souhaitent se constituer une alternative à un silo d’été pour des apports plus faciles éventuellement sur les lieux de pâturage en limitant les risques d’échauffement et de mauvaise conservation du front de silo. Dans le cas d’un chantier d’ensilage intégral à poste fixe, un silo taupinière d’attente doit être constitué, pour alimenter ensuite la machine à son débit nominal.

Une personne seule suffit au pilotage de la machine ainsi qu’au renouvel- lement des rouleaux de bâche. La qualité de ces dernières et leur adap- tation par rapport aux spécificités des produits enrubannés est l’un des points clés à appréhender qui va en partie détermi- ner la performance du chantier. L’expérience est cruciale en la matière et le fournisseur de film peut apporter une expertise précieuse à l’entrepreneur.

Le container d’une capacité de 12 m3 approvisionne avec un débit constant la chambre de confection de la boule.
Le client doit trouver avec l’entrepreneur le meilleur compromis pour réaliser le chantier. Il s’agit surtout de limiter au maximum le nombre de manipulation de chaque boule qui est à chaque fois source de risque de rupture de l’étanchéité du film.
 
Avec une production d’une trentaine de boules à l’heure, il apparaît nécessaire de dédier une personne à leur manutention avec une pince à balle ronde. L’installation du chantier de compactage est raisonnée avec le client pour optimiser la logistique. Le but étant de limiter au maximum le nombre de manipulations des boules. Chaque manipulation est en effet source de risque de dégradation du film plastique et donc du fourrage qu’il contient.
 
Ensiler le maïs épi
La prestation du pressage de maïs ensilage en plante entière se trouve vite confronté à des problématiques de coût. La facture s’élève à environ 15 €HT/boule pour une éleveur. Dès lors le développement de ce service doit se faire pour des marchés de niche à plus forte valeur ajoutée. C’est avec ce raisonnement que les entrepreneurs des grandes zones de polyculture-culture élevage ont orienté la prestation vers l’ensilage de maïs épi qui représente souvent plus des 2/3 de l’activité liée à cette prestation. L’ETA Le Boeuf dans le Calvados s’en est par exemple fait une spécialité depuis l’investissement dans la machine en 2014. Cette prestation a également permis à l’ETA de se démarquer de la concurrence locale présente utour de l’ensilage de maïs épi mais via le système des boudin ou tunnel.


La machine homologuée à 60 km/h pour le marché allemand seulement (sic) est entraînée par la prise de force du tracteur.
 
Une personne seule est à même de piloter l’enrubanneuse et d’assurer le rechargement des rouleaux de films plastique.
 
La valeur ajoutée d’une boule de maïs épi est bien plus forte qu’en plante entière. L’aliment est à la fois plus concentré en matière sèche, mais aussi en amidon, avec un effet « by pass» intéressant pour l’assimilation par des vaches laitières. Seul 70 % de l’amidon est dégradé dans le rumen, limitant les risques d’acidose. L’idéal est d’ensiler le maïs épi à 55 % de matière sèche total soit à un taux d’humidité des grains de 36 à 38 % environ. Ce décalage de maturité attendu par rapport à un maïs récolté en plante entière offre aussi aux entrepreneurs l’opportunité de prolonger la saison des ensilages de quelques semaines pour mieux amortir le parc. L’ensileuse doit cependant être adaptée. Il s’agit d’enlever les becs rotatifs pour les substituer par des becs cueilleurs sur l’ensileuse. Entre le cueilleur et le rotor hacheur, il faut positionner une interface spécifique pour le maïs épi. Le rotor hacheur doit aussi être modifié avec un fonds strié. Le passage des fragments se fait ensuite dans l’éclateur serré au maximum pour pulvériser un grain plus sec qu’en ensilage ordinaire. Le coût de récolte est alors plus compé- titif qu’avec celle d’un maïs grain humide et du maïs grain sec. L’avantage est aussi qu’il permet de combiner récolte et broyage en une seule opération. Avec une capacité de conditionnement de 35 t/h et son container de chargement de 13 m3, l’enrubanneuse à poste fixe s’adapte très bien aux débits d’un chantier d’ensilage de maïs épi classique. Le rythme des remorques est ainsi continu et l’ensileuse fonctionne sans temps-morts. Contrairement à l’ensilage en boudin, la boule permet une manutention simplifiée et accessible à tous les éleveurs avec un équipement basique. Par ailleurs, la mise en boule offre des possibilités de transport, de stockage et de vente beaucoup plus souples. La récolte tardive des maïs épi nécessite de bien anticiper avec les clients la mise en place de la culture suivante. S’il s’agit de semer un blé, un compromis doit être trouvé entre l’optimum de récolte du maïs-épi et celui des semis du blé, quitte à ensiler le maïs épi parfois un peu plus humide ou à choisir des variétés de blé plus tolérantes aux semis tardifs avec des itinéraires techniques également adaptés. Par ailleurs un chantier d’ensilage de maïs épi se base sur une conduite du maïs équivalente à celle d’un maïs grain avec les mêmes variétés. Les choix devraient donc se faire dès l’implantation.
 
Le débit de chantier classique d’un ensilage de maïs épi (comme ici sur la photo), s’adapte parfaitement à celui de l’enrubanneuse, ce qui n’est pas le cas d’un ensilage de maïs en plante entière.
L’ensilage de maïs épi est particulièrement adapté à l’enrubannage à poste fixe que ce soit en terme de débit de chantier ou de coût de mise en oeuvre pour le client final.

L’enrubannage de maïs en plante-entière est adapté pour certains chantiers de montagne où la confection d’un silo-tunnel est trop difficile ainsi que pour remplacer un silos d’été ou même pour vider un silos-tunnel au cours du printemps par exemple.
 
La boule d’enrubannage trouve son intérêt pour s’affranchir de place de stockage sous hangar ou en silos de même que de gros matériel pour la distribution.
 
Sortir de la niche
L’enrubannage d’ensilage qu’il soit en plante entière, maïs épi ou même pour un méteil, reste un marché de niche et parfois opportuniste vis-à-vis de certains clients qui doivent faire face à des conditions exceptionnelles comme par exemple une dérobée de protéagineux trop développée pour  un  ensilage  classique.  L’investissement dans ce service encore souvent méconnu des agriculteurs doit cependant être raisonné en fonction de la concurrence, sachant que certains entrepreneurs rayonnent en France entière et les autres ont un rayon d’action souvent élargi de 100 à 150 km. Les machines sont d’ailleurs généralement attelées à des tracteurs taillés pour la route. Miscanthus, pailles broyées, anas de lin, pulpes de betteraves sur-pressées, fumier, compost, copeaux de bois, voire des cartons broyés ou tissus broyés issus des filières de recyclage. Les possibi- lités de diversification de la machine sont nombreuses. La pression de la machine est en effet réglable pour permettre d’enrubanner une grande diversité de matériaux de densité très différentes. Les boules constituées peuvent varier de 250 à plus de 1200 kg l’unité et de 0,6 à 1,15 m de diamètre. Une arrivée d’eau permet le cas échéant d’assurer un bon colmatage des matériaux les plus secs. Afin d’apporter un service et des garanties supplémentaires aux clients, un  système  de  pesée  et  d’enregistrement des boules peut-être ajouté en supplément.

La boule est confectionnée à pression variable allant jusqu’à160 bars par deux courroies montées en opposition.

 
Texte et photos: Alexis Dufumier

 

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