champ de soja

Les engagements pris à la Cop21 sacrifient-ils notre modèle agricole actuel ?

Pour tenir ses engagements climatiques vis-à-vis de la Cop21, l’agriculture française devra réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035. L’objectif n’est pas atteignable sans une baisse de 10 % de la production agricole, au moins, de la Ferme France, selon une étude du centre d’étude et de prospective du ministère de l’Agriculture.

Produire mieux, serait-ce renoncer à produire plus ? Une note du centre d’étude et de prospectives du ministère de l’agriculture montre que l’intégration de l’agriculture française dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui permettrait à notre pays « d’honorer ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) aux horizons 2030 et 2050 et d’orienter l’économie française vers une moindre dépendance au carbone fossile », conduirait à une baisse quantitative, voire même qualitative, de la production agricole.

Les différents scénarios présentés dans cette étude, aboutissent à cette conclusion à des degrés divers. 

En restant dans la voie tracée par la Pac en 2014 (premier scénario), « le potentiel nourricier (c’est-à-dire la quantité de calories alimentaires de la production agricole française) de la ferme France serait réduit de 17 % en 2035 par rapport à 2010 ». L’artificialisation des terres (60 000 hectares perdus par an) et les besoins croissants pour l’alimentation animale impacteraient les surfaces en grandes cultures. Cela réduirait fortement le potentiel d’exportation de céréales de la France. Et pourtant, les émissions de gaz à effet de serre ne baisseraient que de 7,5% par rapport à 1990.

Aussi, vouloir inscrire l’agriculture dans un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus ambitieux pour qu’elle soit davantage en phase avec la stratégie SNBC (une baisse de 20 % des GES à l’horizon de 2035 par rapport à 1990) modifierait alors complètement le paysage agricole de la Ferme France.

Le deuxième scénario envisagé par le centre d’étude et de prospectives, pour atteindre cet objectif, conduirait les agriculteurs à convertir 15 % de la Sau en bio et à cultiver 2,7 millions d’hectares de protéagineux et de prairies artificielles en plus qu’actuellement (luzernes et mélanges). La ration fourragère des bovins serait majoritairement de l’herbe (60 % pour les vaches laitières, 90 % pour le troupeau allaitant). Mais la France produirait moins de viande bovine (- 11 %) et son troupeau de vaches laitières ne comprendrait mois 3,5 millions de bêtes.

Autonomie renforcée en protéines végétales

Ce deuxième scénario s’inscrit complètement dans le prolongement du projet de transition agro-écologique de l’agriculture française engagé par Stéphane le Foll, ministre de l’Agriculture : développement de l’agriculture biologique, de l’agroforesterie et construction de plus de 6 000 méthaniseurs. Mais les auteurs de l’étude émettent aussi l’hypothèse que ce projet serait poursuivi par ses successeurs après 2017 en adoptant, entre autres, une politique foncière drastique, visant à limiter à 10 000 hectares par an l’artificialisation des terres agricoles.

Toutefois ce scénario permettrait à la France de renforcer son autonomie en protéines végétales et il ne réduirait que de 10 % le potentiel nourricier de l’agriculture française en calories par raport à 2010.

La réduction de 20 % de l’ensemble des émissions des GES serait ainsi répartie : – 18 % pour les émissions directes (sols, énergie, fermentations entériques), et – 27 % pour les émissions indirectes (engrais azotés et aliments produits en moins).

Les fermentations entériques ne produiraient plus que 44 % des GES totales (contre 47 % en 2010) et les sols 23 % (contre 30 % en 2010). Toutefois, même en baisse, « les émissions directes représenteraient toujours environ 80 % des émissions totales estimées ».

Changements d’habitudes alimentaires en vue

Enfin, le troisième scénario de l’étude aboutirait à une baisse des consommations d’énergie directe (fioul,chauffage) de 34 % et d’énergie indirecte (fabrication des intrants) de 30 % environ.

Le centre d’étude et de prospectives souligne qu’en 2035, « la biomasse agricole jouera un rôle important pour la production d’énergies renouvelables, avec un soutien à la méthanisation permettant un développement très important des installations, et une production de 50 TWh d’énergie ; soit l’équivalent du triple de la production actuelle du parc éolien français, soulignent les auteurs de l’étude. » Mais la part des surfaces en biocarburants dans la sole agricole est stable.

La transition de la France vers une économie plus respectueuse de l’environnement conduirait ainsi immanquablement les Français à changer leur mode de vie.

En matière agricole, l’évolution du modèle agricole français, telle que le suggère le centre d’étude et de prospectives du ministère de l’Agriculture, ne peut être envisagée sans une modification des habitudes alimentaires des Français, invités à consommer davantage de protéines végétales et moins de produits animaux. Mais l’accepteront-ils ? Et qu’en pensent les éleveurs en crise ?

– 57 % dans l’industrie

Les objectifs affichés en matière de réduction des GES sont bien moins ambitieux en agriculture que dans les autres secteurs d’activité. « A titre de comparaison, les valeurs obtenues à 2030 sont de – 57 % pour le secteur énergétique et pour l’industrie, – 34 % pour les transports et – 72 % pour le résidentiel tertiaire », rappelle le ministère de l’Agriculture.

En savoir plus : http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/analyse891605.pdf (l’étude avdc les scénarios prospectifs pour que l’agriculture française réponde aux objectifs français de la Cop21).

Ci-dessous, champ de soja (protéines végétales, appelées à avoir le vent en poupe). Photo issu du site Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/93024792.

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