La République de Moldavie, indépendante depuis la chute du Mur de Berlin et de l’empire soviétique, est à la porte de l’Europe, avec une longue frontière commune avec la Roumanie. Des émissaires européens y passent régulièrement. Son entrée dans l’Europe est largement envisagée, sans être encore assurée.
L’Europe, les Moldaves la souhaitent, très largement. L’indépendance gagnée en 1991 a aussi un prix, le pays est depuis devenu en grand retard structurel. Son économie possède pourtant des atouts : de nombreux savoir-faire industriels ont été préservés, de grandes entreprises multinationales y sont implantées, comme par exemple le spécialiste français du béton Lafarge. Et son agriculture façonne littéralement le paysage de tout le pays.
Une agriculture qui n’obéit pas aux mêmes préceptes que la nôtre. Le matériel coûte cher, très cher, par rapport au coût de la vie local, alors les vieux tracteurs soviétiques sont retapés sans cesse. En revanche, il y a de la main-d’oeuvre pour cela. Relativement abondante, travaillant bien, pas chère… Presque toutes les familles de Moldavie vivent d’une façon ou d’une autre de l’agriculture.
Et c’est par cette agriculture que l’entrée en Europe devient possible. Des quotas ont même été décidés. Dans le sens Moldavie-Europe. La Moldavie a le droit d’exporter vers l’Europe une certaine quantité de certains produits agricoles définis, quantité appelée à devenir croissante au fil des années jusqu’à un seuil qui sera atteint autour des années 2020… Ou plus tard, car le système adopté officiellement a du mal à se mettre en marche : les quotas actuels, encore bas, sont rarement atteints. Non en raison d’une capacité de production insuffisante, mais à cause des contrôles de qualité. Les Moldaves estiment avoir fait les efforts de mises aux normes. Leurs produits doivent toutefois être contrôlés au départ, chez eux… Et l’Europe oublie parfois d’envoyer les contrôleurs (d’après les producteurs moldaves en tout cas), ce qui a pour effet de limiter le nombre de produits réellement exportés, car le sésame d’entrée en Europe comprend une estampille de contrôle.
Parmi les produits concernés, ceux de la viticulture pourraient être les plus importants. Or la Moldavie est un pays traditionnellement viticole. Elle était, du temps du soviétisme et même avant, la cave viticole de la Russie. Si l’on accorde volontiers aux Russes et autres une large préférence pour la vodka, ils apprécient également les vins, et ceux-ci viennent de la République de Moldavie. La Moldavie sait donc cultiver le raisin, et est capable de produire des quantités, en partie grâce à ce fameux tchernoziom, cette terre noire aux propriétés si fertiles. Pour autant, ai-je envie d’ajouter de manière très personnelle, que nos viticulteurs français ne voient pas dans cette entrée progressive dans l’Europe d’un concurrent une menace réelle : les facteurs de goût ne sont pas les mêmes que les nôtres. Je veux dire qu’un palais français aura peut-être du mal à déguster ce qu’un oenologue moldave lui décrira comme un « grand vin ». Les critères sont, disons, différents. Mais comme il en faut pour tous les goûts, et qu’il existe déjà en Europe plusieurs pays de l’ex Union soviétique, le marché existe…
Au niveau céréalier, l’entrée progressive de la Moldavie en Europe ne changera rien. Le débouché, c’est le blé mer Noire, qui vise des marchés à l’export non européens. Il n’y a donc pas de concurrence directe, même si on pourra toujours chipoter en disant qu’une partie de ce blé mer Noire postule pour les mêmes marchés à l’export que le blé français par exemple (pays de l’Afrique du Nord notamment). Mais il n’y aura aucun changement de destination de ces céréales du fait de l’européanisation.
Pour autant, et même si cette entrée de la Moldavie en Europe se prépare sérieusement (le commissaire européen à l’Agriculture, et voisin roumain, Dacian Ciolos, a visité en début d’année la région d’Orhei), on ne peut pas dire non plus qu’elle soit totalement d’actualité. D’autres problèmes, politiques, constituent un sérieux frein à un dénouement proche. La Transnistrie, province sécessionniste ayant imposé ses frontières et ses douanes à l’intérieur même de la République de Moldavie, n’est pas le moindre de ces problèmes : ses usines sidérurgiques ont jadis alimenté en armes tout le Pacte de Varsovie, et on lui prête de posséder toujours une partie de l’impressionnant arsenal…
On est loin de l’agriculture et des autres données économiques autorisant une Moldavie européenne, mais pourtant chaque partie essaye d’avancer… A suivre, dans le temps, sans urgence.
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Pour les céréaliers, une actualité : la récolte 2013 en Moldavie, qui est donc destinée au blé mer Noire, est bonne. Si vous êtes fidèle lecteur de WikiAgri Magazine, vous avez peut-être lu mon reportage chez un céréalier moldave, Andrei Garlea (lien à la fin de cet article pour retrouver ce reportage). Rencontré à nouveau cette année, il précise : « Les prix ont baissé, mais nous avons deux fois plus de blé en quantité. La moisson se termine avec le sentiment d’une bonne année, d’autant qu’il en sera pratiquement de même bientôt pour le tournesol et le maïs.«
Si l’on transpose ce témoignage personnel à l’ensemble de la zone mer Noire (ce qui s’est souvent vérifié), cela pourrait signifier une concurrence accrue sur les marchés à l’export. Là aussi, à suivre…
En savoir plus : https://wikiagri.fr/archive/4 (retrouvez le reportage chez un céréalier moldave paru dans le numéro 4 de WikiAgri Magazine, pages 38 à 41).
Notre photo ci -dessous : c’est très facile de réaliser ce genre de photos en Moldavie aujourd’hui, avec ces vieux tacots retapés de partout qui fonctionnent encore tous les jours, tantôt pour le labour, tantôt pour le transport. Mais qu’on ne s’y trompe pas, la Moldavie est un pays possède une vraie vocation agricole.
Ci-dessous : vignes moldaves prises en photo au soleil couchant devant la rivière le Niestre. Sur l’autre rive, au loin, la Transnistrie.