En quoi la loi d’avenir a-t-elle modifié le statut du fermage ?Elle impacte sensiblement le régime des baux ruraux. Voici les modifications essentielles. Attention ! Certaines modalités doivent être accomplies avant le 14 janvier 2015 !
En effet la loi est d’application immédiate dès sa promulgation le 14 octobre 2014 : elle impose parfois au preneur d’agir (et vite) pour préserver ses droits.
L’article L 411-33 réservait au preneur la faculté de demander la résiliation du bail notamment en cas d’incapacité de travail permanente de lui ou de l’un des membres de sa famille indispensable au travail de la ferme. Les conditions de cette faculté de résiliation sont allégées en ce sens qu’il suffit que le preneur ou l’un des siens soit atteint d’une incapacité au travail d’une durée supérieure à deux ans.
L’article L 411-34 disposait notamment que le bailleur avait ,en cas de décès du preneur, la faculté de demander la résiliation du bail lorsque ce dernier ne laissait pas de conjoint, de partenaire avec lequel il était lié par un pacte civil de solidarité, d’ascendant, de descendant participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. Désormais ce délai ne courra qu’à compter du jour où le décès est porté à la connaissance du bailleur.
L’article L 411-35 du Code Rural a été modifié en ce sens qu’il lui est ajouté une obligation d’information du bailleur lorsque l’un des co preneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué (pour quelque raison que ce soit).
Il est imposé au co-preneur « qui continue à exploiter » dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’autre co preneur a cessé de participer à l’exploitation, de demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom.
Le propriétaire a alors une faculté d’opposition en saisissant dans un délai qui sera fixé par décret le tribunal paritaire qui statuera alors sur la demande.
Il appartiendra probablement au tribunal de juger si les garanties du bailleur subsistent avec un co-preneur au lieu de deux (solvabilité…).
Le texte précise enfin qu’à peine de nullité, la lettre recommandée devra reproduire intégralement les dispositions du texte relatives à cette information et mentionner expressément les motifs allégués pour cette demande, ainsi que la date de cessation de l’activité du co preneur.
Il est à noter que cette disposition est applicable aux baux en cours : si l’un des co preneurs a cessé de participer à l’exploitation avant la date de publication de la loi d’avenir (c’est-à-dire le 14 octobre 2014), le délai de trois mois mentionné commence à courir à compter de cette date de sorte que l’information du bailleur doit lui être adressée avant le 14 janvier 2015. Paradoxalement le bailleur qui recevra la notification ne saura dans quel délai il doit saisir le tribunal paritaire des baux ruraux en cas de désaccord si le décret n’est pas encore paru.
Certes, il ne semble pas que le défaut d’information puisse être sanctionné par la résiliation du bail. Pour autant, ce sera probablement considéré comme un des motifs interdisant au preneur de céder, celui-ci n’étant dès lors plus considéré comme ayant respecté les obligations à sa charge. (Une jurisprudence s’est développé qui refusait au co-preneur l’autorisation de céder leur bail dans le cadre des dispositions de l’article L411-35 aux conjoints ou descendants au motif que le co-preneur avait cessé de participer à l’exploitation ,en considérant qu’il s’agissait d’une violation des obligations d’exploiter personnellement les biens contractée par chacun des co-preneurs Il semble que ces dispositions ait été prises pour mettre fin à cette jurisprudence).
Il restera aux commentateurs à définir si ces dispositions sont applicables au conjoint co-preneur compte tenu des termes de l’article L411-46 du code rural. « En cas de départ de l’un des conjoints ou partenaires d’un pacte civil de solidarité co-preneurs du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l’exploitation a droit au renouvellement du bail.«
L’article L411-37 ouvrait une faculté au preneur de mettre à disposition d’une société pendant la durée du bail dont il était titulaire tout ou partie des biens dont il était locataire. La société bénéficiaire devait être à objet principalement agricole, dotée de la personnalité morale ou, s’il s’agit d’une société en participation, être régie par des statuts établis par un acte ayant acquis date certaine, et son capital devait être majoritairement détenu par des personnes physiques. Dans ce cas, le preneur avait pour seule obligation d’aviser le bailleur de la mise à disposition dans les deux mois qui suivaient celle-ci.
La loi d’avenir ouvre désormais la faculté de mettre à disposition d’une société qui, si elle est a objet principalement agricole, ne respecterait pas les autres conditions édictées par l’article L411-37, c’est-à-dire notamment celle dont le capital n’est pas majoritairement détenu par des personnes physiques. Pour autant, dans cette hypothèse, le preneur devra aviser le bailleur de son intention de mettre à disposition deux mois avant la date d’effet de la mise à disposition en mentionnant le nom de la personne morale, en fournissant les statuts, en précisant les références des parcelles mises à disposition. Le bailleur disposera alors de deux mois pour faire connaître, le cas échéant, son opposition, et ce n’est qu’à défaut de celle-ci que l’accord sera réputé acquis.
Il n’est pas précisé par le texte si l’accord du bailleur est discrétionnaire ou si son désaccord peut être censuré par le tribunal paritaire des baux ruraux.
Traditionnellement, l’article L411-58 du Code rural ouvrait au preneur la faculté en cas de congé de demander la prorogation de son bail lorsqu’il se trouvait à moins de cinq ans de l’âge de la retraite retenue en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles. Le texte a été modifié par la loi d’avenir et désormais le preneur ou, en cas de co-preneurs, l’un d’entre eux, peut demander la prorogation dès lors qu’il se trouve soit à moins de cinq ans de l’âge retenu en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles, soit à moins de cinq ans de l’âge lui permettant de bénéficier de la retraite à taux plein. Il est par ailleurs ajouté une disposition selon laquelle un même bail ne peut être prorogé qu’une seule fois (alors qu’auparavant la faculté pouvait être ouverte ,en cas de co-preneur, à chacun, de bénéficier de cette prorogation).
Dans le même esprit, l’article L411-64 qui permettait au bailleur de refuser le renouvellement du bail ayant atteint l’âge de la retraite retenu en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles ou d’en limiter le renouvellement à l’expiration de la période triennale en cours au cours de laquelle le preneur atteindra cet âge,est modifié en ce sens que le preneur pourra désormais demander au bailleur le report de plein droit de la date d’effet du congé à la fin de l’année culturale où il aura atteint l‘âge lui permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein.
La faculté pour le preneur édictée par l’article L411-69 du Code rural de demander une indemnité au bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail, lorsqu’il a par son travail ou par ses investissements apporté des améliorations au fonds loué, n’était jusqu’à présent enserré dans aucun délai. La loi d’avenir dispose désormais que « la demande du preneur sortant relative à une indemnisation des améliorations apportées au fonds loué se prescrit par 12 mois à compter de la date de fin de bail à peine de forclusion ». De la même manière, l’article L 411-71 qui définissait les modalités de calcul de cette indemnité est modifié pour permettre de fixer le montant de l’indemnité par comparaison entre l’état du fonds lors de l’entrée du preneur dans les lieux et cet état lors de sa sortie ou au moyen d’une expertise. En ce cas, l’expert peut utiliser désormais toute méthode lui permettant d’évaluer avec précision le montant de l’indemnité due au preneur sortant. (cette disposition apparaît comme une réponse à la jurisprudence qui refusait parfois l’indemnisation au motif qu’un état des lieux d’entrée n’avait pas été établi et que dès lors il n’était pas possible de comparer l’état du fond à l’entrée et à la sortie. C’est également une réponse à celle qui écartait les rapports d’expertise établis avec la méthode des bilans).
Les dispositions de l’article L411-74 qui imposaient le remboursement des sommes indument perçues par tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire à l’occasion d’un changement d’exploitant avait vu une partie de ce texte déclarer contraire à la constitution en ce qui concerne le taux d’intérêt qui était appliqué à ce remboursement puisque celui-ci était indécis sur le taux d’un établissement privé les caisses de crédit agricole.
Désormais, ces sommes sont majorées d’un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l’intérêt légal mentionné à l’article L313-2 du Code monétaire et financier majoré de trois points.
La loi modifie le régime des baux cessibles hors du cadre familial : alors que ces baux se renouvelaient à leur terme « pour une période de cinq ans au moins« , l’article L418-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit désormais qu’ils se renouvellent par période de neuf ans .