Le profil des chefs d’exploitation en fin d’activité évolue. Ils doivent travailler plus longtemps puisque l’âge de départ à la retraite est dorénavant de 62 ans. Par ailleurs, un agriculteur retraité n’est pas agriculteur sans terre. Ils sont nombreux à être encore sur une exploitation au-delà de 65 ans. Mais depuis 2000, les nouveaux retraités sont davantage tentés de cesser toute activité.
Une succession d’exploitation se prépare 10 ans avant le départ en retraite de son chef d’exploitation. Enfin, en principe : quel conseiller agricole n’a t-il pas prodigué un tel conseil à ses clients, surtout lorsqu’ils atteignent 55 ans ? Mais, dans les faits, qu’en est-il ?
Selon deux études publiées par le service de la statistique et la prospective du ministère de l’Agriculture, seul un tiers des exploitations (environ 41 000 en France métropolitaine), dont le chef a plus de 55 ans, trouvera à coup sûr un successeur à sa tête à d’ici 2017. Et il s’agit à 80 % d’un membre de la famille. 10 % sont déjà co-exploitants, et les autres reviennent travailler sur l’exploitation familiale.
Inversement, deux tiers des exploitations sont sans successeur. En 2010, on en dénombrait 76 000 dirigées par des agriculteurs de plus de 55 ans en France métropolitaine, en mesure de cesser leur activité d’ici 2017.
Ces exploitations disparaîtront ou seront reprises par un tiers (agrandissement, installation hors cadre familial). A moins que le chef d’exploitation ne décide de poursuivre son activité faute de repreneur…
Les deux études du ministère reposent ont été réalisée à partir des données collectées en 2000 et en 2010, lors des deux derniers recensements de l’Agriculture. Ce sont les seules informations disponibles sur ce sujet mais leur analyse révèle avant tout des mécanismes de transmission d’exploitations toujours d’actualité.
Ainsi en 2010, sur les 41 000 exploitations agricoles dont la succession est programmée d’ici 2017, l’étude du ministère de l’Agriculture ne précise pas l’âge des repreneurs. En revanche, un tiers des chefs d’exploitation sont des femmes de plus de 55 ans. Autrement dit, la question de la succession se posera de nouveau d’ici quelques années pour un certain nombre de cas de figure.
Toutefois, plus les chefs d’exploitation approchent de la soixantaine, plus ils sont en mesure de désigner la personne qui reprendra leur suite. Mais au-delà de 63 ans, la situation tend à se figer. Un tiers des chefs d’exploitation alors en activité reste toujours sans successeur. Mais plus ils sont âgés, plus les surfaces en jeu sont faibles au niveau national. Soit parce qu’ils poursuivent leur activité en cédant peu à peu leurs terres (en fermage surtout). Soit parce qu’ils sont à la tête d’une ferme de petite dimension, ce qui rend la reprise plus difficile.
Enfin, de nombreuses exploitations sans successeur ont à leur tête des retraités. En 2010, on en dénombrait encore près de 68 000 sur moins de 6 hectares en moyenne (soit 500 000 hectares concernés au niveau national) contre 118 000 dix ans plus tôt. Pour les exploitants les plus âgés, il s’agit essentiellement de parcelles de subsistance. En production fruitière, 29 % des exploitations sont dans ce cas de figure. Et en production ovine, elles repésentent 22 % de la totalité.
Les exploitations qui ont le plus de chances d’être reprises sont en fait celles qui sont les plus attractives (dimension économique, spécialisation végétale). Dans les régions du quart nord-est, 60 % des agriculteurs concernés sont en mesure de désigner leur successeur.
L’étude du ministère réalisée à partir du recensement de 2010 apprend par ailleurs que les nouveaux installés hors cadre familial sont plus fréquents dans les exploitations où il y a déjà plusieurs co-exploitants. Plusieurs générations d’agriculteurs dans une même exploitation rendent aussi la succession du premier co-exploitant (le plus âgé) plus aisée, car cette association est plus attractive. C’est pourquoi les Gaec sont plus facilement reprenables.
En fait, les profils professionnels des repreneurs sont variés. Qu’ils soient membres ou pas de la famille du cédant, il s’agit aussi bien de personnes qui travaillent déjà sur l’exploitation, sur une autre exploitation ou qui exercent d’autres fonctions que celle d’exploitant.
Toutefois, l’âge et le profil de ces repreneurs sont en partie liés à la situation sociale du chef d’exploitation sur le départ et réciproquement. Par exemple, le nouvel arrivé travaillera hors de l’exploitation avant de s’installer tant que le cédant ne pourra par prendre sa retraite à 62 ans.
Mais, pour un chef d’exploitation, connaître son successeur le motive à poursuivre son activité jusqu’à la fin de sa carrière en maintenant son outil de production compétitif. Il continue à investir et à accroître la surface de son exploitation tout au long de son activité. C’est pourquoi celle-ci atteint 80 hectares en moyenne lorsque l’agriculteur de 55 ans est assuré d’avoir un repreneur, contre 40 hectares si la succession est incertaine.
Si l’exploitant prolonge sa carrière au-delà de 60/62 ans, la différence de taille s’amoindrit. L’exploitation peut en effet être devenue trop grande pour être gérée en l’état. Les exploitants de plus de 65 ans font aussi partie d’une génération de paysans qui n’ont pas eu besoin de s’agrandir autant que les nouvelles générations de retraités pour dégager des revenus.
L’étude « Le devenir des exploitations agricoles au début da décennie 2000 » donne une indication sur les différentes trajectoires suivies au fil des ans.
Les fusions et les disparitions d’exploitations n’épargnent aucune catégorie de chefs d’exploitation. Un quart des entreprises conduites par les moins de 40 ans se sont agrandies ou ont disparu en fusionnant. Toutefois le taux de disparition est plus élevé lorsque l’exploitant est retraité. En 2007, 25 % d’entre elles ont disparu, le plus fort taux constaté par rapport aux autres catégories d’âge. Entre 2000 et 2007, plus de la moitié des fermes disparues en France et le quart des fermes reprises avaient à leur tête un retraité.
Les agriculteurs à la retraite étaient alors plus nombreux et proportionnellement moins importants qu’aujourd’hui (17 % en 2010 contre 25 % en 2000 et 22 % en 1988). Mais ils appartenaient à des générations d’exploitants en activité plus importantes et certains d’entre eux ont en plus bénéficié de mesures de départ à la retraite anticipées. En revanche, les nouveaux retraités cessent plus tard mais sans chercher à conserver une parcelle de subsistance.
Quoi qu’il en soit, la disparition d’exploitations, des plus petites en particulier, ne sont pas sans conséquence sur la vie en milieu rural. Elle conduit à la désertification des campagnes et à la disparition des services publics.
En savoir plus : http://www.agreste.agriculture.gouv.fr/publications/dossiers/article/la-transmission-des-exploitations (les études servant de base à notre article sont téléchargeables à partir de ce lien).
Photo d’archives.