Cette année, l’Argentine, l’Ukraine et le Brésil suportent seuls l’augmentation mondiale des exportations de maïs. La céréale américaine n’a pas la cote et la Chine réserve ses 187 millions de tonnes (Mt) de grains pour son marché intérieur. Les quantités de blé et d’orges produites en abondance durant la campagne contraignent les prix des céréales.
La production mondiale de maïs est déficitaire mais la planète croule sous les stocks de maïs. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le déficit de la production mondiale de maïs de 17 Mt est accentué par les pays importateurs de grains qui se détournent des Etats-Unis. Or ils n’exporteront que 45 Mt et non pas 48 Mt comme escomptés le mois précédent par le Conseil international des céréales (CIC).
Parallèlement, la consommation étasunienne de maïs stagne car la filière de bioéthanol décline. Aussi, les Etats-Unis vont achever leur campagne en disposant fin juin de plus de 48 Mt de grains, en hausse de 3 Mt la campagne 2019-2020. Aussi, les quelques pays exportateurs, très convoités par les pays importateurs, géreront des stocks de report la campagne 2019-2020 à peine suffisants pour passer la période de transition entre les deux campagnes.
L’Argentine aura en effet exporté 63 % de sa production (37 Mt sur 57 Mt), l’Ukraine 84 % (29 Mt sur 35 Mt) et le Brésil 41 % (41 Mt sur 100 Mt). Et ce dernier a les moyens de réagir et de détourner très rapidement une partie de sa production pour la transformer en éthanol si le cours du pétrole menace de flamber.
Dans le même temps, la Chine et les Etats-Unis concentrent 235 Mt de grains sur les 282 Mt recensées dans le monde par le CIC, l’ex-Empire du Milieu (187 Mt) réservant les grains qu’elle produit pour son marché intérieur.
Les tensions géopolitiques commerciales entre les deux premières puissances économiques mondiales expliquent partiellement ce déséquilibre commercial.
Les Etats-Unis n’ont aucune raison d’espérer d’écouler une partie de leurs stocks de grains en Chine car l’abattage de la moitié du cheptel porcin chinois, atteint de peste, réduit considérablement la production d’aliments complets nécessaires pour nourrir les animaux. Or ces aliments sont en partie fabriqués à partir de commodités importées.
Pour autant, les cours du maïs n’explosent pas, alors que les quantités disponibles à la vente sont faibles. Mais les productions mondiales de céréales à paille sont importantes, la Chine et l’Arabie Saoudite restreignant leurs importations d’orges. Par ailleurs, l’état des cultures d’hiver dans l’hémisphère nord augure de belles récoltes estivales, si aucun accident climatique ne perturbe leur cycle de développement. Les difficultés d’implantation rencontrées en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne n’impacteraient qu’à la marge l’approvisionnement des marchés des céréales.
« Seul un choc de production sur l’offre » relancera les marchés céréaliers et permettra aux céréaliers occidentaux de vendre plus chères leurs céréales, a proclamé Emily French, la fondatrice et directrice générale de Consiliagra, une société d’expertise des marchés agricoles étasunienne. Elle intervenait le 31 janvier dernier, durant l’édition du Grain Day organisée par Agritel, organisme spécialisé dans la gestion des risques agricoles.
Sur les places des marchés, les opérateurs sont du reste à l’affut d’une vague de froid ou d’un épisode de sécheresse qui surviendrait dans un des bassins céréaliers de la planète. Ils ont bien conscience que l’équilibre des marchés est précaire. Ils sur-réagissent au moindre dérèglement climatique comme ce fut le cas le printemps dernier par exemple. Les semis de maïs retardés par les précipitations dans le Corn Belt aux Etats-Unis préfiguraient une mauvaise récolte l’été dernier. Or il n’en a rien été. Et les cours du maïs ont baissé aussi vite qu’ils ont augmenté.